Pourquoi ne pas élargir le thème des cycles de vie à une échelle bien plus grande, celle de l’évolution et, plus spécifiquement, l’évolution du cerveau humain ? Bien des changements neuroanatomiques se sont produits durant ces dernières centaines de milliers d’années d’évolution pour se rendre à cet organe si important, complexe et caractéristique de l’espèce Homo sapiens. Dans le cadre de cet article, la structure sur laquelle nous nous attarderons est le néocortex, qui constitue l’extension du cortex cérébral, la couche externe du cerveau. Le cortex est constitué de six couches, composées majoritairement de corps cellulaires dans certaines, ou d’axones dans d’autres (Laget, s.d.). Pour éviter toute confusion, le cortex et le néocortex sont sensiblement la même structure. On peut toutefois discerner une différence dans le nom « néocortex » : le préfixe « néo- », qui signifie nouveau. C’est parce que le cortex s’est redéveloppé et amélioré plutôt récemment en termes d’évolution. Ce développement serait en effet la toute dernière addition au cerveau humain (Rakic, 2009) !
On considère d’ailleurs cette « nouveauté » comme étant la structure ayant permis à l’être humain de se différencier des autres espèces au fil de l’évolution. En effet, il semblerait que le néocortex explique les fonctions cognitives de plus haut niveau, un trait distinctif d’Homo sapiens (Rakic, 2009). On pourrait notamment mentionner la perception, la mémoire de travail, le jugement et l’attention, qui caractérisent et distinguent plutôt bien les humains (Association québécoise des neuropsychologues, 2023). Or, il faut savoir que le néocortex est une propriété globale de la grande classe des mammifères (Bear et al., 2016). Dans ce cas, pourquoi l’associons-nous autant à l’être humain ? En réalité, c’est parce que plusieurs facteurs biologiques ont fait en sorte que le néocortex humain a acquis des caractéristiques particulièrement intéressantes. Plusieurs hypothèses se sont penchées sur cette curieuse distinction et il semblerait qu’il s’agisse d’abord d’une question de neurones. De plus, il faut savoir que la plupart des observations ont été basées sur le fœtus, puisque c’est à ce stade du développement que l’on peut retrouver des traces de l’évolution.
D’une part, une caractéristique qui a été trouvée dans le néocortex des fœtus de primates et qui serait le résultat de plusieurs modifications évolutives est celle d’une « couche cellulaire proéminente » située près des méninges, et plus spécifiquement, de la pie-mère (Breunig et al., 2014). Cet amas éphémère, puisqu’il disparaît à la naissance, serait de taille considérable chez les primates et trop petit ou même absent chez les rongeurs, avec lesquels les études du cerveau sont souvent comparées. C’est notamment la raison pour laquelle il s’agirait d’une spécificité des primates (Rakic, 2009). L’hypothèse liée à cette découverte est que cet amoncellement de cellules jouerait un rôle important dans la communication entre les neurones de certaines aires du cerveau comprises dans des tâches cognitives. Par exemple, le cortex visuel primaire, qui est visé par cette observation, est impliqué dans l’analyse des stimuli visuels (Dubuc, 2002).
Par ailleurs, une autre découverte concernant le néocortex et qui, cette fois, ne s’applique qu’à l’être humain selon les dernières études, relève des tâches cognitives supérieures qui le rendent bien distinct des autres espèces à plusieurs égards: la représentation symbolique et le langage (Rakic, 2009). La découverte en question est une voie de migration des interneurones corticaux. Ces derniers sont un type de neurones qui permettent d’assurer la communication de l’information avec les autres types de neurones au sein des six couches du cortex cérébral (Ciceri et Dehorter, 2014). Cette voie se formerait en réponse à l’expansion du néocortex associatif (cette partie du cortex comprend les régions du cerveau impliquées dans les fonctions cognitives complexes nommées plus haut). Ce développement surchargerait des structures du cerveau antérieur vers la moitié du développement fœtal, et c’est pour permettre de libérer celles-ci que cette voie se formerait (Rakic, 2009). Pour préciser, le cerveau antérieur consiste en la partie du cerveau du fœtus qui deviendra plus tard le cortex, mais aussi plusieurs autres structures importantes dans la maintenance des fonctions de régulation des différents systèmes du corps, comme la température corporelle (Bear et al., 2016).
La découverte suivante concerne de nouvelles cellules qui semblent typiquement humaines. Il s’agirait des toutes premières cellules cérébrales qui sont générées lors du développement embryonnaire, avant même que les neurones et que le système nerveux central tels que nous les connaissons ne se soient développés, elles ne seraient donc que provisoires (Rakic, 2009). Selon l’hypothèse des chercheur.euse.s, ces « pré-neurones » serviraient à prédéterminer le nombre de neurones qui seront présents dans le néocortex (Rakic, 2009).
Il existe plusieurs autres hypothèses scientifiques quant à l’évolution et au développement du néocortex et encore plus de questions demeurent encore à ce jour sans réponse ! Or, à partir des découvertes et études expliquées précédemment, on peut certainement affirmer que d’un point de vue évolutif, notamment grâce aux études du fœtus, le néocortex dans son ensemble peut contribuer à l’explication des fonctions cognitives spéciales de l’être humain, et ce, sur plusieurs plans. En effet, que ce soit sur le plan fondamental avec la formation du système nerveux ou sur le plan de l’organisation neuronale avec la présence d’amas cellulaires et de voies migratoires, nous pouvons constater que son apport dans le développement cérébral ne passe pas inaperçu et témoigne des changements et adaptations qui ont permis à l’humain de se démarquer par sa complexité !
Texte révisé par Myriam Harvey
Références
Association québécoise des neuropsychologues. (2023). Les fonctions cognitives. https://aqnp.ca/la-neuropsychologie/les-fonctions-cognitives/
Bear, M.F., Connors, B. W. et Paradiso, M.A. (2016). Neurosciences : à la découverte du cerveau. 4ème édition. A. Nieoullon (Tr.). Paris : Éditions Pradel. 988 p.
Breunig, J., Danielpour, M., Levy, R., et Molina, J. (2014). Neonatal Pial Surface Electroporation. Journal of Visualized Experiments, 87.
https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4173822/
Ciceri, G. et Dehorter, N. (2014, 24 février). Organisation des lignées d’interneurones du cortex cérébral. Médecine/Sciences Paris, 30(2), p. 144-146.
Dubuc, B. (2002). Les différents cortex visuels. Le cerveau à tous les niveaux! Université McGill. https://lecerveau.mcgill.ca/flash/d/d_02/d_02_cr/d_02_cr_vis/d_02_cr_vis.html
Hu, F., Jakovcevski, I. et Zecevic, N. (2011). Cortical interneurons in the developing human neocortex. Developmental Neurobiology, 71(1), p.18-33.
https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3117059/
Laget, P. (s.d.). Neurogenèse et évolution. Universalis Edu. https://www.universalis-edu.com/encyclopedie/nerveux-systeme-neurogenese-et-evolution/5-bibliographie/
Rakic, P. (2009, octobre). Evolution of the neocortex : Perspective from developmental biology. Nature Reviews Neuroscience, 10(10), p.724-735. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC2913577/
(2018, 12 juillet). [Cerveau Pyschologie Pense]. Pixabay. https://pixabay.com/fr/illustrations/cerveau-psychologie-pense-pens%C3%A9e-3535300/


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