Les applications mobiles comme thérapeute – Par Hélène Verreault

La pénurie de psychologues, particulièrement dans le réseau public, a provoqué une augmentation considérable du temps d’attente pour obtenir une consultation ces dernières années, et ce autant pour les cas plus légers que pour les patient.e.s très souffrant. Vers la fin de 2022, la liste d’attente pour recevoir des soins en santé mentale comptait environ 20 000 personnes (Rességuier, 2022). En parallèle à la pénurie de psychologues, l’offre d’applications mobiles visant à soutenir la santé mentale a crû énormément dans les dernières années (Lecomte et al., 2020). Ces applications présentent beaucoup d’avantages : accessibles en tout temps et pour une large part de la population, elles ont plusieurs fonctions, sont faciles à utiliser, procurent un certain anonymat et coûtent moins chères que des séances de thérapie avec un.e psychologue (Wang et al., 2018).  

Le risque le plus important des applications pour la santé mentale est que, pour l’instant, les preuves de leur efficacité ne sont pas concluantes. En effet, une méta-analyse estimait qu’en 2020, sur les environs 15 000 applications d’aide en santé mentale disponibles, seulement 3-4% d’entre elles possédaient une certaine validité scientifique (Lecomte et al., 2020). Cette lacune est à l’origine de divers problèmes. Par exemple, il a été rapporté qu’une application pour le trouble bipolaire contenait de l’information erronée et potentiellement dangereuse : elle recommandait de consommer de l’alcool lors d’épisodes de manie et affirmait que le trouble bipolaire est une maladie contagieuse. Ce cas vient appuyer l’argument soulevé par certain.e.s psychologues que l’utilisation d’applications pour la santé mentale pourrait avoir un effet plus néfaste que bénéfique (Lui et al., 2017). Elles posent également un problème de confidentialité et de sécurité des données, comme l’information qu’elles accumulent peut être piratée. Finalement, le manque d’études sur les applications d’aide en santé mentale empêche de confirmer leur efficacité (NIMH, 2023). 

Cependant, la littérature semble d’accord sur l’idée que les applications pour la santé mentale ont beaucoup de potentiel. Par exemple, plusieurs études portent sur l’utilisation de ces applications par les étudiant.e.s universitaires. Une revue de la littérature de Choudhury et al. (2023) soulève que les individus entre 18 et 29 ans sont les plus susceptibles d’être dépressifs et que 9% des étudiant.e.s universitaires auraient des symptômes de dépression. Comme cette population est plus réceptive à l’idée d’utiliser la technologie, les applications permettent des traitements autrement difficilement accessibles. Les quelques études ciblant les étudiant.e.s universitaires trouvent d’ailleurs que les applications basées sur la thérapie cognitivo-comportementale (TCC), la pleine conscience ou la psychologie positive, entre autres, sont des traitements efficaces (Choudhury et a., 2023).  

Afin de s’assurer de la validité et de la sécurité des applications pour la santé mentale, des sites web compilant les évaluations de certaines d’entre elles existent. Il y a entre autres « AppGuide », un site créé par TherAppX, une entreprise québécoise, qui attribue une note à des milliers d’applications selon leur pertinence clinique (TherAppX, s. d.). Bref, la relative nouveauté des applications pour la santé mentale laisse planer des doutes sur leur efficacité à ce jour. Si la recherche parvient à les améliorer et à démontrer leur impact bénéfique réel, un grand pas pour l’accessibilité à la thérapie pourrait être franchi. Il s’agit d’une avenue prometteuse qui mérite d’être explorée.

Texte révisé par Delya Rahal

Références

Altmann, G. (2015, 10 décembre). [Applications mobiles] [image]. Pixabay. https://pixabay.com/fr/illustrations/mobile-smartphone-app-r%C3%A9seaux-1087845/

Choudhury, A., Kuehn, A., Shamszare, H. et Shahsavar, Y. (2023). Analysis of Mobile App-Based Mental Health Solutions for College Students : A Rapid review. Healthcare11(2), 272. https://doi.org/10.3390/healthcare11020272

Lecomte, T., Potvin, S., Corbière, M., Guay, S., Samson, C., Cloutier, B., Francoeur, A., Pennou, A. et Khazaal, Y. (2020). Mobile apps for Mental health Issues : Meta-Review of Meta-Analyses. Jmir mhealth and uhealth, 8(5), e17458. https://doi.org/10.2196/17458

Lui, J., Marcus, D. et Barry, C. (2017, 20 février). Evidence-Based Apps? A Review of Mental Health Mobile Applications in a Psychotherapy Context. Professional Psychology: Research and Practice, 48(3), 199–210. https://doi.org/10.1037/pro0000122

National Institute of Mental Health. (2023). Technology and the future of mental health treatment. U.S. Department of Health and Human Services, National Institutes of Health. https://www.nimh.nih.gov/health/topics/technology-and-the-future-of-mental-health-treatment

Rességuier, V. (2022, 1 décembre). Pénurie de psychologues dans le réseau public : un record de postes à pourvoir. Radio-Canada. https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1937597/penurie-psychologues-reseau-public-record-postes-non-pourvus

TherAppX. (s. d.). Surmonter les obstacles à l’adoption des applis santé. https://fr.therappx.com/

Wang, K., Varma, D. S. et Prosperi, M. (2018). A systematic review of the effectiveness of mobile apps for monitoring and management of mental health symptoms or disorders. Journal of Psychiatric Research107, 73-78. https://doi.org/10.1016/j.jpsychires.2018.10.006