L’anorexie mentale et la leptine – Par Hélène Verreault

L’anorexie mentale entraîne un dysfonctionnement des hormones qui régulent l’appétit en raison de perturbations des comportements alimentaires qui sont associées à ce trouble. La leptine, une hormone, joue un rôle crucial dans ce dysfonctionnement (Cassioli et al., 2020). 

L’anorexie mentale

L’anorexie mentale est un trouble du comportement alimentaire défini comme une peur intense de grossir, une perception déformée de son corps et une restriction alimentaire menant à une minceur excessive (Attia et Walsh, 2022). On retrouve deux catégories d’anorexie mentale : le type restrictif, dans lequel les personnes se privent de nourriture et peuvent faire de l’activité physique de façon abusive, et le type boulimique, qui se traduit par des épisodes d’hyperphagie (binge eating) suivis de comportements visant à évacuer toute la nourriture consommée, tels les vomissements ou la prise exagérée de laxatifs (Attia et Walsh, 2022). Des facteurs biologiques, socioculturels et psychologiques sont en cause pour le développement et le maintien de ce trouble et le seul facteur de risque clairement identifié est d’être un individu de sexe féminin (Attia et Walsh, 2022 ; Cassioli et al., 2020). En plus de l’importante perte de poids, la sous-alimentation peut entraîner un faible rythme cardiaque, une basse tension artérielle, une diminution de la température corporelle, l’apparition d’un duvet de poils sur le corps et l’arrêt du cycle menstruel. La malnutrition sévère peut conduire à une mort soudaine, généralement à cause d’un problème cardiaque – sans traitement, près de 10% des individus sévèrement anorexiques décèdent (Attia et Walsh, 2022). 

La leptine

La leptine est une hormone sécrétée par des cellules des tissus adipeux dont le rôle principal est de signaler au cerveau la satiété (Morrison, 2009). En d’autres mots, elle dit au cerveau qu’il doit émettre des comportements menant à la réduction de la masse graisseuse du corps, tels qu’arrêter de manger et dépenser plus d’énergie. Elle joue ainsi un rôle clé dans la régulation des réserves énergétiques du corps, notamment en modulant des fonctions reproductrices et la sécrétion de certaines neurohormones, en plus de son impact sur la consommation de nourriture (Morrison, 2009). Il a également été découvert dans les dernières années que la leptine joue un rôle dans le circuit de la récompense. En effet, certains neurones dopaminergiques de l’aire tegmentale ventrale (ATV) ont des récepteurs pour la leptine, ce qui peut ainsi réduire la libération de dopamine (Monteleone et al., 2018). Normalement, une augmentation des taux sanguins de leptine vient inhiber la recherche de récompense, tandis qu’une diminution de la concentration de leptine dans le sang motive les comportements liés à l’obtention de récompenses, comme manger (Monteleone et al., 2018). 

S’affamer pour se récompenser

L’état nutritionnel des individus a une influence sur leurs comportements. Par exemple, quelqu’un d’affamé cherchera beaucoup plus activement à obtenir une récompense que quelqu’un de rassasié (Morrison, 2009). Tel que mentionné précédemment, une faible quantité de leptine motive la recherche de stimuli associés à une récompense. On retrouve chez les gens souffrant d’anorexie mentale une faible quantité de leptine dans le sang, mais cela encouragerait plutôt des comportements alimentaires pathologiques. Plus précisément, la gratification associée à la limitation de l’apport énergétique et les sentiments de culpabilité et de honte associés à la consommation de nourriture caractéristiques de l’anorexie mentale font en sorte que l’alimentation est perçue comme une punition et la perte de poids, comme une récompense (Cassioli et al., 2020). Ainsi, lorsque les taux de leptine sont bas, les mécanismes naturels motivant la recherche de récompenses – donc de nourriture, habituellement – vont, au contraire, encourager la restriction et l’activité physique excessive (Cassioli et al., 2020). Un cercle vicieux s’ensuit : moins la personne mange, moins il y a de leptine qui circule dans son corps, donc plus elle cherche des stimuli associés à une récompense (la minceur, dans ce cas-ci) et moins elle mange, et ainsi de suite. 

Bref, chez les individus souffrant d’anorexie mentale, la leptine, une hormone qui motive habituellement la recherche de nourriture, va plutôt encourager le maintien de comportements menant à la perte de poids. Dans un autre trouble alimentaire, l’hyperphagie, les taux de leptine sont plus élevés que la norme. Cela pourrait entraîner une inhibition du circuit de la récompense et mener à une recherche de stimuli positifs externes (Cassioli et al., 2020). Cependant, les conséquences d’une haute concentration sanguine de leptine chronique sont moins étudiées. De plus, la ghréline, l’hormone de la faim, pourrait également jouer un rôle dans ces mécanismes de maintien de comportements pathologiques.

Révisé par Marjolaine Beaulieu

Références

Attia, E., & Walsh, B. (2022). Anorexie mentale. Édition Professionnelle du Manuel MSD. https://www.msdmanuals.com/fr/professional/troubles-psychiatriques/troubles-du-comportement-alimentaire/anorexie-mentale

Cassioli, E., Rossi, E., Squecco, R., Baccari, M., Maggi, M., Vignozzi, L., Comeglio, P., Gironi, V., Lelli, L., Rotella, F., Monteleone, A., Ricca, V. et Castellini, G. (2020). Reward and psychopathological correlates of eating disorders : The explanatory role of leptin. Psychiatry Research, 290(113071), 1-9. https://doi.org/10.1016/j.psychres.2020.113071 

Monteleone, A., Castellini, G., Volpe, U., Ricca, V., Lelli, L., Monteleone, P. et Maj, M. (2018). Neuroendocrinology and brain imaging of reward in eating disorders : A possible key to the treatment of anorexia nervosa and bulimia nervosa. Progress in Neuro-Psychopharmacology and Biological Psychiatry, 80B(8), 132-142. http://dx.doi.org/10.1016/j.pnpbp.2017.02.020

Morrison, C. (2009). Leptin signaling in brain : A link between nutrition and cognition?. Molecular Basis of Disease, 1792(5), 401-408. https://doi.org/10.1016/j.bbadis.2008.12.004

RP Photography. (2017). Lot de pommes vertes [photo]. Pexels. https://www.pexels.com/fr-fr/photo/lot-de-pommes-vertes-693794/