Vivre le quotidien aux côtés d’un parent souffrant d’un trouble de la personnalité représente un voyage complexe, semé d’incertitudes et de défis traumatisants. Au cœur de ce parcours, la dynamique familiale se trouve souvent instable, obligeant chaque membre à nager dans un bain d’émotions et de réactions imprévisibles.
Les troubles de la personnalité sont définis comme des modèles de comportement et de pensée qui sont significativement en décalage avec les attentes culturelles. Ils sont rigides et leur manifestation entraîne souvent une détresse ou une altération fonctionnelle. Ces modèles sont stables ou prolongés et leurs premières manifestations sont décelables au plus tard à l’adolescence ou au début de l’âge adulte. Ces troubles de la personnalité peuvent profondément influencer les relations familiales, notamment en ce qui concerne la communication, l’établissement de limites saines et la gestion de crises émotionnelles. Le parent avec un trouble de la personnalité peut instaurer une atmosphère instable et perturbante pour le développement émotionnel et social des membres de la famille (DSM-IV-TR, 2003).
Le trouble de personnalité narcissique et le trouble de personnalité limite sont intéressants quant aux effets sur les autres membres de la famille. Le trouble narcissique est caractérisé par un motif de grandiosité, un besoin d’admiration excessive et un manque d’empathie pour autrui. Le trouble de personnalité limite est caractérisé par une instabilité marquée dans les relations interpersonnelles, l’image de soi et l’affect, ainsi que par une impulsivité notable (DSM-IV-TR, 2003).
Grandir avec un parent narcissique peut plonger l’enfant dans un monde où son estime de soi et sa sécurité émotionnelle sont continuellement mises à l’épreuve. Souvent rongé.e.s par l’insécurité et la culpabilité, ces enfants peuvent développer une anxiété persistante, tout en luttant pour établir des limites saines pour valoriser leurs propres besoins et désirs. Ainsi emprisonné.e.s dans un cycle de recherche de validation, ils.elles peuvent avoir tendance à devenir perfectionnistes, craignant l’échec et reproduisant des schémas relationnels dysfonctionnels (Hendrick, 2016). Ces expériences, s’enracinant profondément dans leur développement, peuvent les rendre plus susceptibles de développer eux.elles-mêmes des troubles de la personnalité (Hendrick, 2016).
Un.e enfant ayant un parent avec un trouble de la personnalité limite peut vivre une intensité émotionnelle déroutante, oscillant entre le désir ardent de proximité et la peur de l’abandon. Cette dynamique peut provoquer une anxiété chronique et une hypersensibilité aux humeurs et comportements du parent, forçant l’enfant à devenir excessivement vigilant.e ou réactif.ve. Sur le plan comportemental, ces enfants peuvent se montrer incroyablement indulgent.e.s et résilient.e.s, mais aussi avoir tendance à émettre des comportements impulsifs ou à avoir de la difficulté à réguler leurs émotions, reflétant le modèle instable qu’ils.elles observent (Hendrick, 2016). La confusion des rôles et des frontières peut également conduire à une maturité précoce, ou au contraire à une dépendance prolongée, en quête d’une stabilité et d’une sécurité émotionnelle souvent évasives. Les enfants élevé.e.s par des parents souffrant du trouble de la personnalité limite sont souvent enclin.e.s à développer divers troubles psychologiques. Ils.elles peuvent être particulièrement enclins à développer des troubles de l’humeur, comme la dépression majeure ou le trouble bipolaire, en réponse à l’ambiance familiale tendue et aux épisodes émotionnels intenses (Hendrick, 2016). Les troubles anxieux peuvent également se manifester, y compris le trouble d’anxiété généralisée et le trouble de panique, liés à l’incertitude constante et la peur de l’abandon qu’ils.elles expérimentent. De plus, l’enfant risque lui.elle-même de développer un trouble de la personnalité limite, adoptant des schémas similaires de gestion émotionnelle et interpersonnelle (Hendrick, 2016).
Les membres de la famille qui s’occupent d’une personne ayant un trouble de la personnalité traversent souvent un chemin lourd émotionnellement. Ils parlent d’un sentiment d’isolement et d’une lutte pour obtenir le diagnostic et le soutien approprié, ce qui peut parfois prendre des années (Barr, 2020). Ils décrivent la difficulté à travailler avec des professionnel.le.s de santé qui semblent parfois manquer de compréhension et d’empathie envers la complexité de leur situation. Ces proches soignant.e.s aspirent à être impliqué.e.s plus tôt dans le processus, dès les premiers signes de crise, et souhaitent que leur rôle soit reconnu et intégré dans le plan de soins. Ils.elles expriment également la charge émotionnelle et financière que représente le soutien d’un.e proche atteint.e d’un trouble de la personnalité. Ils.elles soulignent le besoin d’une meilleure communication et d’un meilleur accès aux informations. Ils.elles réclament des espaces sûrs pour eux.elles et leur proche, ainsi que des services de santé plus accessibles et personnalisés (Barr, 2020).
Le trouble de la personnalité chez un parent peut impacter le développement de l’enfant non seulement à travers la génétique, mais aussi par le stress environnemental d’être élevé par un parent aux comportements imprévisibles et souvent déroutants. La capacité parentale est mise à l’épreuve par les défis que présente le trouble de la personnalité, rendant la tâche d’élever un.e enfant encore plus exigeante (Adshead, 2015). Cependant, un soutien ciblé pour les parents atteints ainsi qu’une intervention précoce peuvent protéger et améliorer le développement de l’enfant. Il est mentionné que les prestataires de soins de santé mentale ont la responsabilité de proposer des services qui prennent en compte la parentalité dans le traitement du trouble de la personnalité, en raison de l’existence de thérapies efficaces et de l’impact économique positif potentiel de l’amélioration de la santé mentale des parents sur la réduction de la morbidité psychiatrique future de leurs enfants (Adshead, 2015).
Texte révisé par Hélène Verreault
Références
Adshead, G. (2015). Parentalité et trouble de la personnalité : implications cliniques et pour la protection de l’enfant. BJPsych Advances, 21(1), 15-22. https://doi.org/10.1192/apt.bp.113.011627
Association Américaine de Psychiatrie. (2003). Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (4e éd., rév. de texte). Masson.
Barr, K.R., Jewell, M., Townsend, M.L., et al. (2020). Vivre avec un trouble de la personnalité et rechercher un traitement de santé mentale : les patients et les membres de la famille reflètent sur leurs expériences. Trouble de la Personnalité Limite et Dysrégulation Émotionnelle, 7, 21. https://doi.org/10.1186/s40479-020-00136-4
Hendrick, H. (2016). Parentalité narcissique dans un monde d’insécurité : une histoire de la culture parentale des années 1920 à aujourd’hui. Policy Press.
Ijubaphoto. (2020). Stressed man with his two years old son working from home [Photographie]. iStock. https://www.istockphoto.com/photo/stressed-man-with-his-two-years-old-son-working-from-home-gm1219402896-356680027


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