Les troubles alimentaires représentent un défi complexe et dévastateur, affectant profondément la vie des individus qui en souffrent. Ces troubles, tels que l’anorexie et la boulimie, se manifestent non seulement par des problèmes de santé mentale et physique, mais aussi par des répercussions significatives sur les relations familiales. Les troubles alimentaires plongent les familles dans une réalité difficile à affronter, les confrontant à la souffrance de voir un être cher se détruire, tant physiquement que mentalement. Cette épreuve peut être extrêmement éprouvante, car elle nécessite de faire face à la maladie elle-même, ainsi qu’à ses conséquences dévastatrices sur la personne atteinte et sur tout l’environnement familial. Cette réalité souligne l’importance cruciale de comprendre et de soutenir les familles touchées par les troubles alimentaires, afin de favoriser un environnement propice à la guérison et au bien-être de tous ses membres.
Dans cette optique, une étude menée en Ontario a examiné de près l’impact des troubles alimentaires sur la dynamique familiale. Gilbert et ses collègues (2000) se sont penché.e.s sur les effets que les troubles alimentaires chez les enfants engendrent sur leurs parents. Les résultats ont révélé que ces troubles engendrent des perturbations majeures au sein des familles, notamment des changements dans les routines quotidiennes, des tensions émotionnelles et des difficultés financières liées aux coûts des traitements. De plus, l’étude a mis en lumière la diversité des réactions des familles face à cette crise, certaines adoptant des stratégies de coping positives, tandis que d’autres font face à des répercussions plus négatives. Selon l’étude, trois variables, soit l’âge de l’enfant atteint.e du trouble alimentaire, le niveau de confusion et le changement dans les loisirs personnels, étaient significativement liées aux changements familiaux. Dans le contexte de l’étude, le niveau de confusion et les loisirs personnels font référence aux expériences des parents des enfants diagnostiqué.e.s avec un trouble alimentaire. Ici, le niveau de confusion mesure le degré de confusion émotionnelle et cognitive des parents quant aux causes et au traitement des troubles alimentaires de leur enfant. Quant aux loisirs personnels, ils font référence aux activités de loisirs et de détente des parents, qui peuvent être affectées par la situation de leur enfant. Il est aussi intéressant de noter que le groupe de 18 à 22 ans a montré des niveaux élevés de changement dans les relations familiales. Cela pourrait s’expliquer par le fait que ces jeunes personnes sont souvent considérées comme des adultes, ce qui peut entraîner une moindre implication des parents dans leur traitement et leur counseling. En conséquence, les parents pourraient ressentir plus de frustration et d’impuissance face à leur incapacité à aider leur enfant ou à participer à sa guérison, ce qui contribue aux changements relationnels observés. Le niveau de confusion a été identifié comme étant la seule émotion prédictive significative des changements relationnels. Les familles ont exprimé une grande confusion quant aux causes et au traitement des troubles alimentaires, ce qui a eu un impact sur leurs relations familiales. Ces résultats soulignent l’importance cruciale de soutenir les familles confrontées à ces défis, en particulier en fournissant des informations claires et un soutien émotionnel pour faire face à la confusion et aux changements relationnels associés aux troubles alimentaires.
Qu’en est-il de l’effet des troubles alimentaires sur les frères et sœurs de la personne atteinte ? Une étude de Maon et ses collègues (2020) se penche sur cet angle de la dynamique familiale. Dans cet article, les auteur.e.s ont examiné les effets des troubles alimentaires sur les frères et sœurs non atteint.e.s, mettant en lumière diverses stratégies de coping et des facteurs modérant l’impact des troubles alimentaires sur le bien-être des frères et sœurs. Iels soulignent l’importance de mieux comprendre les expériences et les besoins des frères et sœurs dans ce contexte, notamment en tenant compte des facteurs intra et interpersonnels qui peuvent influencer la résilience ou le risque de psychopathologie chez les frères et sœurs non atteint.e.s. Les chercheur.e.s en concluent que les stratégies de coping des frères et sœurs non atteint.e.s de troubles alimentaires sont variées et peuvent inclure le maintien d’une vie quotidienne normale malgré les difficultés à la maison, en prenant du recul par rapport à l’atmosphère tendue. Certain.e.s se tournent vers des ami.e.s, des voisin.e.s ou des partenaires romantiques pour trouver un soutien et considèrent ces relations comme une oasis de normalité. De plus, certain.e.s trouvent du réconfort dans l’anticipation de déménager et de vivre de manière indépendante à l’avenir, ce qu’iels considèrent comme libérateur. Une autre stratégie consiste à apprendre sur les troubles et l’expérience de leurs frères et sœurs, ce qui semble aider à distinguer le trouble de la personne atteinte et à améliorer les relations avec elle. En outre, certain.e.s utilisent la rationalisation, exprimant leur compréhension et leur acceptation de recevoir moins d’attention en raison de la situation. Ces stratégies peuvent être importantes pour aider les frères et sœurs à faire face aux troubles alimentaires et à maintenir leur bien-être émotionnel (Maon et al., 2020).
Le trouble alimentaire affectant un membre de la famille peut devenir un facteur de risque substantiel pour un développement de trouble alimentaire chez un autre membre. Dans leur étude intitulée « Familial Risk Factors and Eating Disorders », Crowther et ses collègues (2015) étudient les facteurs de risque familiaux des troubles des conduites alimentaires (TCA) et soulignent l’importance des dynamiques familiales dans le développement de ces troubles. Les membres de la famille des personnes souffrant de TCA peuvent être exposés à des modèles de comportements alimentaires et de perceptions corporelles dysfonctionnels, ce qui peut influencer négativement leur propre relation à la nourriture et à l’image corporelle. De plus, les environnements familiaux caractérisés par des attitudes négatives envers le poids, la nourriture ou l’apparence physique peuvent contribuer à la formation de schémas de pensée et de comportements alimentaires problématiques chez les autres membres de la famille. Cependant, les études soulignent que ces facteurs familiaux expliquent généralement une faible proportion de la variance des TCA. Par exemple, Neumark‐Sztainer et ses collègues (2010) ont constaté que, après avoir pris en compte les variables sociodémographiques, les variables de comportements alimentaires des parents, de discussion sur le poids en famille et de moqueries liées au poids expliquaient respectivement 15 % et 10 % de la variance des crises de boulimie et des comportements extrêmes de contrôle du poids. Ces résultats suggèrent que de grandes proportions de la variance peuvent être expliquées par des variables autres que les variables familiales examinées dans ces études, ce qui appuie l’examen des facteurs de risque provenant de multiples domaines.
À la lumière de ces résultats, il serait primordial de prioriser un traitement comportant une composante familiale, capable d’offrir aux membres de la famille les ressources dont ils ont besoin et de les sensibiliser aux défis des troubles alimentaires. Un tel traitement pourrait également montrer à la personne atteinte qu’elle dispose d’un soutien solide sur lequel elle peut compter. En intégrant les familles dans le processus de guérison, les professionnel.le.s de la santé mentale peuvent favoriser un environnement de soutien et d’encouragement, essentiel pour surmonter les troubles alimentaires. En fournissant un soutien spécifique aux familles et en abordant les facteurs de risque familiaux, les professionnel.le.s de la santé mentale peuvent contribuer à améliorer l’efficacité des traitements et à favoriser un rétablissement durable. De plus, en sensibilisant les familles aux effets des troubles alimentaires sur la dynamique familiale, les professionnel.le.s peuvent aider à prévenir le développement de troubles alimentaires chez d’autres membres de la famille. En fin de compte, une approche holistique qui prend en compte les dynamiques familiales est essentielle pour traiter efficacement les troubles alimentaires et promouvoir le bien-être familial.
Texte révisé par Laura Duplain-Fedin
Réferences:
Crowther, J., Smith, K. E., & Williams, G. A. (2015). Familial risk factors and eating disorders. The Wiley Handbook of Eating Disorders, 338–351. https://doi.org/10.1002/9781118574089.ch26
Gilbert, A. A., Shaw, S. M., & Notar, M. K. (2000). The impact of eating disorders on family relationships. Eating Disorders, 8(4), 331–345. https://doi.org/10.1080/10640260008251240
Maon, I., Horesh, D., & Gvion, Y. (2020). Siblings of individuals with eating disorders: A review of the literature. Frontiers in Psychiatry, 11. https://doi.org/10.3389/fpsyt.2020.00604
Neumark-Sztainer, D., Bauer, K. W., Friend, S., Hannan, P. J., Story, M., & Berge, J. M. (2010). Family weight talk and dieting: How much do they matter for body dissatisfaction and disordered eating behaviors in adolescent girls? Journal of Adolescent Health, 47(3), 270–276. https://doi.org/10.1016/j.jadohealth.2010.02.001
OpenAI. (2024). DALL-E [Image generation model]. OpenAI. https://www.openai.com/dall-e


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