Brenda est une femme de 63 ans vivant seule. Avant, elle vivait avec sa fille, mais cette dernière a depuis décidé de ne plus habiter avec elle pour une seule raison : elle a accumulé beaucoup trop de choses. Dans sa maison, on retrouve un tas d’objets, tels que des livres, des bijoux, des chaudrons, etc. Pour elle, il n’existe aucune limite sur la quantité d’objets qu’elle peut accumuler. Quand on lui demande si elle peut se débarrasser des objets pour avoir plus d’espace, elle répond simplement qu’elle en est incapable. L’accumulation parvient à atteindre le plafond à certains endroits. Le déplacement dans la maison devient très difficile et parfois, il est même impossible de voir le plancher. Brenda elle-même ressent les conséquences négatives de son accumulation. Elle dit se sentir comme une prisonnière dans sa propre maison.
Ce cas fictif représente la réalité de plusieurs dans la série Désordre extrême (Butts et Goodwin, 2009). Cette série a permis de sensibiliser la population à un phénomène appelé la thésaurisation pathologique (Flett et al., 2017). La thésaurisation pathologique, aussi nommée trouble de thésaurisation, est caractérisée par une difficulté persistante à jeter ou à se séparer des biens, indépendamment de leur valeur réelle (Phillips et al., 2023). Il est estimé que 2 à 6% de la population souffre de ce trouble (Phillips et al., 2023). La prévalence est plus forte pour les personnes de 60 ans et plus (American Psychiatric Association, 2021). Il n’existe aucune différence entre les hommes et les femmes dans cette prévalence (Anxiety Canada, s.d.). Le trouble de thésaurisation est divisé en 3 types : la thésaurisation pathologique sans trouble concomitant, la thésaurisation pathologique avec dépression concomitante et la thésaurisation avec inattention (Flett et al., 2017).
Auparavant, les personnes souffrant de trouble de thésaurisation recevaient un diagnostic pour le trouble obsessionnel compulsif. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas, puisqu’il existe des différences importantes entre ces deux troubles. Ceux-ci ont des facteurs génétiques uniques et se différencient sur le plan de l’activité neuronale (Flett et al., 2017). De plus, les réactions face à la réaction d’un objet sont différentes. Chez les thésauriseur.e.s, l’obsession envers un objet donne un sentiment d’excitation (Flett et al., 2017). À l’inverse, chez les personnes souffrant de trouble obsessionnel compulsif, l’obsession envers un objet entraîne de la détresse psychologique (Flett et al., 2017).
D’après le DSM-5, les critères de la thésaurisation sont (Flett et al., 2017) :
1. Une difficulté persistante à jeter ou à se séparer des biens indépendamment de leur valeur réelle.
2. Une difficulté qui est due à un besoin ressenti de conserver les objets et à la souffrance associée au fait de les jeter.
3. Une difficulté à jeter des objets qui aboutit à une accumulation d’objets qui envahissent et encombrent les lieux d’habitation, compromettant de manière importante leur fonction première. Si les espaces réussissent à se dégager, c’est seulement grâce aux interventions de tiers.
4. Une accumulation entraînant une détresse cliniquement significative ou une altération du fonctionnement social, professionnel ou dans d’autres domaines importants.
5. Une accumulation qui n’est pas imputable à une autre affection médicale.
6. Une accumulation qui n’est pas mieux expliquée par les symptômes d’un autre trouble mental.
Il est aussi important de noter la distinction entre un.e thésauriseur.e et un.e collectionneur.e. Un.e collectionneur.e va accumuler des objets de manière organisée, intentionnelle et ciblée, tandis qu’un.e thésauriseur.e va accumuler de manière impulsive et désorganisée (American Psychiatric Association, 2021). Une autre différence entre ces deux types de personnes est que l’encombrement d’objets chez les collectionneur.e.s n’entraîne aucune dégradation de vie contrairement aux thésauriseur.e.s (Flett et al., 2017).
L’étiologie de la thésaurisation pathologique présente des facteurs génétiques et des facteurs cognitifs. Pour les facteurs cognitifs, il existe différentes explications, telles qu’un traitement incorrect de l’information, des cognitions dysfonctionnelles quant à l’importance des objets et à leur signification, un attachement malsain aux objets qui semble compenser une absence d’attachement affectif à l’égard d’autrui et des ruminations (Flett et al., 2017).
Les traitements les plus utilisés sont la pharmacothérapie et la thérapie cognitive comportementale. Pour la pharmacothérapie, la venlafaxine est notamment utilisée. Il s’agit d’un inhibiteur sélectif de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline (Flett et al., 2017). Pour la thérapie cognitive comportementale, elle va avoir recours à la formulation de cas, l’exposition et la restructuration cognitive (Flett et al., 2017). Dans le trouble de thésaurisation, la formulation de cas cible le comportement problématique de thésaurisation (Flett et al., 2017). L’exposition vise à mettre fin à l’accumulation excessive et à retirer des objets (Flett et al., 2017). Finalement, la restructuration vise à changer toute croyance dysfonctionnelle liée à la thésaurisation (Flett et al., 2017).
Syndrome de Noé : quand l’accumulation ne touche pas seulement des objets
Il existe une autre forme de thésaurisation pathologique nommée le syndrome de Noé, où les thésauriseur.e.s accumulent des animaux. Malgré la détérioration des animaux et/ou de l’environnement, ces individus ne vont pas fournir une nutrition, une gestion de déchets et des soins vétérinaires adéquats (Phillips et al., 2023). Le syndrome de Noé touche plus les femmes, les personnes vivant seules et les personnes âgées (Agence de la santé et des services sociaux des Laurentides, 2018). En moyenne, une personne avec ce syndrome accumule 39 animaux dans une maison (Agence de la santé et des services sociaux des Laurentides, 2018). Les animaux les plus retrouvés sont les chiens et les chats (Agence de la santé et des services sociaux des Laurentides, 2018).
En conclusion, la thésaurisation pathologique se distingue des troubles obsessionnels compulsifs. Elle se distingue aussi des comportements des collectionneur.e.s. Il existe différents types de thésaurisations et différentes explications pour les causes. Malgré les défis que ce trouble peut apporter, il est possible de réduire les symptômes à l’aide de traitements et d’un support adéquat.
Texte révisé par Delya Leila Rahal
Références
Agence de la santé et des services sociaux des Laurentides. (2018). Le syndrome de Noé ou les collectionneurs d’animaux. https://www.santelaurentides.gouv.qc.ca/fileadmin/internet/cisss_laurentides/Sante_Publique/Environnement/Insalubrite_morbide/PUB_2018-01-22_Collectionneurs_d_animaux_-_version_pour_consultation_seulement__264_Ko_.pdf
Anxiety Canada. (s.d.). Hoarding Disorder. https://www.anxietycanada.com/disorders/hoarding-disorder-hd/?gad_source=1&gclid=EAIaIQobChMIp9GtqvrkggMVeEhHAR1GLATMEAAYASAAEgJpTPD_BwE
Butts, G. et Goodwin, M. (réalisateurs). (2009). Désordre extrême [émission télévisée]. A&E.
Flett, G., Kocovski, N., Davison, G. et Neale, J. (2017, p.161-165). Introduction à la psychopathologie (6e éd.). Chenelière éducation.
Phillips, K. et Stein, D. (2023). Trouble de thésaurisation. Le Manuel Merck. https://www.merckmanuals.com/fr-ca/professional/troubles-psychiatriques/troubles-obsessionnelscompulsifsettroublessimilaires/troubledeth%C3%A9saurisation#:~:text=Le%20trouble%20de%20th%C3%A9saurisation%20se,ces%20zones%20est%20sensiblement%20compromise
Rodriguez, C. (2021, août). What is Hoarding Disorder?. American Psychiatric Association. https://www.psychiatry.org/patients-families/hoarding-disorder/what-is-hoarding-disorder
Tama66. (s.d.). Bureau, Espace, Entreprise. [image en ligne]. Pixabay. https://pixabay.com/fr/photos/bureau-espace-entreprise-pi%C3%A8ce-4598772/


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