Compétences développées grâce à la pratique sportive
Dès 2003, une étude réalisée par Hansen et al. a mis en évidence l’impact du sport sur les jeunes du secondaire à l’aide du questionnaire Youth Experiences Survey for Sport (YES). Cet outil évalue la fréquence des expériences dans six domaines d’apprentissage et des expériences négatives en lien avec diverses activités, incluant le sport. Les domaines d’apprentissage mettent en lumière les multiples compétences que les jeunes peuvent acquérir grâce au sport dans un contexte collectif. Ils se divisent en deux catégories de processus. D’une part, l’activité sportive entraîne un développement personnel. En effet, elle favorise la construction de l’identité du.de la jeune en lui permettant de développer une meilleure connaissance de soi à travers les activités sportives, de s’auto-identifier à son groupe sportif et de s’affirmer (Hansen et al., 2003; Lisinskienė et Lochbaum, 2018). Le.la jeune cultive son sens de l’initiative, puisqu’il.elle doit faire des efforts et employer des stratégies, telles que la planification, la gestion du temps et la résolution de problèmes, pour atteindre les objectifs fixés à long terme (Hansen et al., 2003; Larson et al., 2006; Larson, 2000). De plus, il.elle développe ses habiletés physiques, cognitives et émotionnelles. À titre d’exemple, 35% des jeunes sportif.ive.s ont répondu « oui, définitivement » à l’item « j’ai appris à contrôler mon humeur », ce qui met en lumière l’autorégulation émotionnelle de la colère, du stress et de l’anxiété qui peuvent potentiellement émerger face aux expériences de succès et d’échec (Hansen et al., 2003; Eccles et Gootman, 2002; Larson et al., 2006). D’autre part, le sport contribue au développement interpersonnel. Il renforce l’esprit d’équipe, car les athlètes doivent collaborer avec leurs coéquipier.ère.s tout en faisant preuve de leadership pour atteindre des buts communs. Le réseau social s’élargit, et les jeunes internalisent les normes prosociales du groupe sportif, comme le respect, l’entraide, le partage et l’empathie, ce qui favorise les interactions positives avec leurs pairs (Hansen et al., 2003; Lisinskienė et Lochbaum, 2018; Eccles et Gootman, 2002). Enfin, des liens sont tissés avec des adultes et la relation des jeunes avec leurs parents peut s’améliorer. Cela accroît le capital social, soit les ressources et le soutien provenant de l’entourage du.de la jeune. Les compétences relationnelles acquises dans un contexte sportif se transfèrent ensuite à d’autres sphères de vie, comme la famille ou l’école, et renforcent les liens sociaux (Eccles et Gootman, 2002).
Climat social propice aux expériences sportives négatives
Il arrive toutefois que des expériences négatives soient occasionnées par le sport (Hansen et al., 2003). Il peut y avoir des interactions négatives avec les autres athlètes, voire des dynamiques de groupe malsaines, encourageant les membres à adopter des normes de groupe immorales. De plus, le.la jeune athlète peut avoir des interactions négatives avec des leaders en raison de conflits ou de coercition. Il se peut que des adultes en position d’autorité incitent le.la jeune athlète à commettre des actes qu’il.elle juge immoraux, comme la violence ou la tricherie. Mais alors, qu’est-ce qui détermine si les expériences d’un.e jeune athlète seront davantage négatives, ou plutôt positives et marquées par de multiples apprentissages? Les mauvaises expériences sont souvent causées par la nature compétitive de certains sports, la comparaison sociale et la concurrence interne pour certains rôles (Hansen et al., 2003). Ces facteurs sont souvent présents simultanément, car un environnement axé sur la performance comme source de motivation crée une rivalité plutôt qu’une alliance entre coéquipier.ère.s (Carr, 2013). Cela limite la qualité des relations au sein du groupe sportif et atténue l’élargissement du réseau social, ainsi que le développement de compétences interpersonnelles. Il n’est donc pas rare que les sports de compétition génèrent beaucoup de stress et d’anxiété.
Qualité de la relation parent-enfant : Influence des approches d’accompagnement parental sur les jeunes dans leur pratique sportive
Outre le climat dans le groupe sportif, il y a aussi les attentes et les valeurs véhiculées par la famille qui peuvent avoir une incidence sur le rapport au sport de chaque jeune. Les jeunes sont plus enclin.e.s à suivre des modèles parentaux sportifs s’ils.elles entretiennent un bon lien avec leurs parents. Gould et al. (2008) postulent que la relation d’un.e jeune athlète avec ses parents peut être positive ou négative en fonction des pratiques parentales. Cette dynamique détermine si l’impact de la pratique sportive sera positif. Une relation négative entre un.e jeune athlète et son parent peut découler de l’accent mis sur la réussite individuelle, ce qui privilégie une attitude compétitive au détriment d’un travail d’équipe. Une telle attitude peut être constatée chez les parents qui interdisent à leur enfant de s’associer à des athlètes moins performant.e.s. Les critiques, les punitions et même les violences verbales et physiques résultant d’attentes parentales irréalistes peuvent laisser croire à un.une jeune que l’amour ne lui est accordé qu’en fonction de ses performances, ce qui le.la dévalorise profondément en tant que personne. Cet effet sera d’autant plus fort si le parent se montre surimpliqué et contrôlant, par exemple en forçant son enfant à participer aux activités sportives et en le.la comparant constamment à ses pairs. En réaction à une performance insatisfaisante, certains de ces parents compromettent le coaching en changeant continuellement d’entraîneur.euse. Ils.elles adoptent parfois des comportements nuisibles, comme distraire le.la jeune pendant les événements sportifs, ou bien tolérer ses actes immoraux. Pour un.e jeune athlète, la perception d’une pression de performance de la part de ses parents a effectivement été corrélée à une relation conflictuelle avec eux, ce qui vient appuyer la catégorisation du type de relation parent-enfant selon les pratiques parentales en matière de sport (Dorsch et al., 2016). L’ensemble de ces pratiques parentales favorise une vision anxiogène du sport chez le.la jeune.
À l’opposé, les mêmes auteur.e.s soutiennent que les jeunes qui ont un rapport positif avec leurs parents en lien avec leur pratique sportive sont en mesure de faire des tas d’apprentissages et de s’y épanouir pleinement (Gould et al., 2008). Un parent alimente le bien-être de son.sa jeune en se concentrant sur le cheminement plutôt que sur le résultat. Il.elle valorise donc les efforts fournis par son enfant, ainsi que ses progrès relatifs à ses performances passées, et non pas à celles des autres. Le.la jeune athlète se sent alors compris, autonome et compétent, ce qui stimule sa motivation intrinsèque (Gould et al., 2008; Harwood et al., 2015). En mettant l’accent sur ces éléments plutôt que sur des standards dans un état d’esprit compétitif, les entraîneur.euse.s peuvent aussi atténuer l’anxiété de performance due à des attentes parentales sévères (Dorsch et al., 2016). De plus, le parent peut contribuer au développement positif de son enfant en le.la réprimandant pour ses comportements inappropriés. Cela permet de responsabiliser le.la jeune par rapport aux principes éthiques et moraux du sport. D’autres comportements parentaux bénéfiques pourraient être d’offrir son support à travers les encouragements et le temps consacré, d’être ouvert à la communication et de démontrer son amour inconditionnel. Il est important que le sport soit considéré par les parents comme étant une sphère de vie de leur enfant plutôt que ce qui détermine son identité (Gould et al., 2008; Burke et al., 2023). Pour préserver une relation harmonieuse avec son enfant, le parent doit éviter d’adopter un rôle autoritaire ou d’émettre une pression de performance.
Pression de performance atténuant les bienfaits de la pratique sportive
Pour bien comprendre le rapport négatif d’un.e jeune athlète avec ses figures parentales, il faut en démystifier les causes. Il importe de nuancer ce phénomène afin de ne pas tomber dans certains pièges, comme de croire que des parents entretenant des rapports négatifs avec leur enfant au sujet du sport n’ont forcément pas à cœur son bien-être. Les parents qui imposent à leur enfant une forte pression de performance agissent souvent par conviction que c’est la meilleure méthode pour qu’il.elle atteigne son plein potentiel. Ils.elles estiment que le bonheur du succès en vaut la peine. Ils.elles maintiennent donc cette pression dans l’espoir que leur investissement en temps et en argent porte ses fruits, parfois dans une perspective de carrière professionnelle pour leur enfant (Bean et al., 2016). Cependant, même si obtenir un statut social prestigieux en endossant un rôle de leader ou en accumulant les exploits est important pour certains parents, il a été démontré que de telles aspirations ne sont pas internalisées par leurs enfants sportifs, qui privilégient le travail d’équipe (Goggins, 2015). Cela témoigne de la nature inadaptée des exigences imposées aux jeunes athlètes.
De plus, la qualité de la relation parent-enfant n’est pas proportionnelle au niveau d’implication des parents dans les activités sportives de leur enfant (Goggins, 2015). Bien qu’une surimplication parentale soit préjudiciable, un manque d’engagement parental l’est tout autant. D’un côté, un.une jeune dont les parents sont surimpliqués risque de vivre de la détresse à cause de la pression qu’il.elle perçoit et d’avoir un horaire surchargé sans occasion de développer son indépendance (Qunito Romani, 2019). La difficulté à exprimer ses inquiétudes et besoins liés au sport pourrait affecter négativement sa relation avec ses parents (Goggins, 2015). D’un autre côté, les parents représentent la principale source de soutien émotionnel, informationnel et financier des jeunes athlètes. Un manque d’aide financière de leur part ne peut généralement pas être comblé par l’entraîneur.euse ou par les pairs (Porto Maciel et al., 2021). Un.une jeune dont les parents sont désengagés éprouve donc plus de difficulté à gérer les défis comparativement à ses coéquipier.ère.s, particulièrement lorsque le contexte sportif devient exigeant (Danioni et al., 2017; Qunito Romani, 2019). Un équilibre s’avère donc essentiel quant au degré d’engagement parental. Les parents très impliqués ne génèrent pas nécessairement de pression de performance, puisqu’il est possible de préserver l’autonomie de leur jeune ainsi que le lien positif avec lui.elle (Pynn et al., 2019). L’implication permet de resserrer ce lien si cela s’exprime par des encouragements bienveillants marqués par la compréhension (Goggins, 2015).
Pour les jeunes, la principale source de motivation à pratiquer un sport correspond au plaisir inhérent à l’activité, de même que les liens sociaux au sein de l’équipe (Danioni et al., 2017). La pression de performance élevée, plutôt que modérée ou faible, vient donc miner cette motivation (Fredricks et Eccles, 2004). L’activité sportive devient alors une corvée visant à satisfaire les attentes externes au détriment de son propre plaisir. Dans de telles circonstances, une panoplie d’effets néfastes se manifestent : stress, anxiété, faible confiance en ses compétences, faible estime de soi, épuisement professionnel en tant qu’athlète, etc. (Fredricks et Eccles, 2004).
Support parental amplifiant les bienfaits de la pratique sportive
Gould et al. (2008) soulignent que, dans la majorité des cas, l’attitude des parents en lien avec la pratique sportive de leurs enfants conduit à un rapport positif avec eux. Il est donc indéniable que les parents jouent un rôle essentiel dans le bon développement des jeunes sportif.ve.s, tant en général que dans leur milieu sportif. Un.une jeune qui bénéficie d’une figure parentale impliquée dans sa pratique sportive et avec qui il.elle entretient une relation satisfaisante ne percevra pas, ou très peu, de pression pour performer (Camiré et al., 2012). Cela se traduira par une hausse de sa motivation et de sa confiance en ses compétences. En plus de soutenir l’estime personnelle de ce.cette jeune, une telle présence parentale positive limitera son stress induit par la pratique sportive (Gould et al., 2008). Un.une jeune sportif.ve retire d’autant plus de fierté de ses succès, ses médailles et ses trophées s’il les a remportés grâce à son propre dévouement (Lisinskienė et Lochbaum, 2018). De plus, les individus sportifs partagent typiquement certaines valeurs (Goggins, 2015). Par exemple, la performance et les réalisations permettent de se différencier socialement, d’accroître son autonomie et d’obtenir de l’approbation sociale, ce qui est particulièrement recherché durant l’adolescence. L’éthique détient également une importance capitale dans le milieu du sport, car il faut se montrer digne de confiance et respectueux des règles. Les jeunes athlètes qui possèdent ces valeurs et les perçoivent aussi chez leurs parents s’impliquent beaucoup plus dans leur discipline sportive (Goggins, 2015). En plus de transmettre ces valeurs, les parents qui pratiquent eux-mêmes une activité sportive sont plus portés à favoriser un style de vie sportif chez leurs enfants, alors ces dernier.ère.s vivent une série de petits accomplissements à travers la pratique sportive tout au long de leur développement (Carr, 2013).
Épanouissement des jeunes athlètes
La pratique sportive présente plusieurs facteurs reconnus comme favorisant le développement des jeunes. Par exemple, elle introduit une structure, sollicite le soutien de l’entourage des athlètes, crée un sentiment d’appartenance à l’équipe sportive, implique l’adoption de normes sociales positives, et valorise chaque personne en mettant en évidence ses qualités et ses capacités (Eccles et Gootman, 2002). Par conséquent, les enfants et les adolescent.e.s qui pratiquent un sport maîtrisent plus rapidement les diverses habiletés acquises dans leur groupe sportif, telles que l’élaboration d’objectifs, le leadership et la coopération. Ces aptitudes produisent des effets bénéfiques, non seulement sur la pratique sportive à des fins de performance et de cohésion sociale, mais aussi dans toutes les autres sphères de vie. Elles contribuent à la construction identitaire, aux bons rapports interpersonnels et à la capacité à surmonter les défis (Larson, 2000). Ces acquis constituent des facteurs clés de l’épanouissement chez les jeunes sportif.ve.s. Ils se manifestent par une perception d’auto-efficacité, une motivation intrinsèque pour le sport, un sentiment d’accomplissement et, en définitive, un bonheur profond (Larson, 2000).
Références
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