Qu’est-ce que la violence?
Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la violence est définie comme « l’utilisation intentionnelle de la force physique, de menaces à l’encontre des autres ou de soi-même, contre un groupe ou une communauté, qui entraîne ou risque fortement d’entraîner un traumatisme, des dommages psychologiques, des problèmes de développement ou un décès » (Krug et al., 2002). Par conséquent, la violence quelle que soit sa forme (physique, sexuelle, psychologique, verbale, etc.) peut entraîner de sérieuses conséquences dans la vie des personnes qui en sont victimes. Parmi celles-ci, on peut retrouver des conséquences liées aux habitudes de vie, comme des troubles liés à la consommation de substances et l’adoption de comportements sexuels à risque. On peut également observer des répercussions sur la santé physique, notamment un risque accru de développer de l’hypertension ou une maladie cardiovasculaire, ainsi que des effets sur la santé mentale, comme l’anxiété, la dépression ou des difficultés de régulation émotionnelle (INSPQ, s.d.).
Qu’est-ce que la régulation émotionnelle?
La régulation émotionnelle repose sur l’interaction de plusieurs processus attentionnels, cognitifs, comportementaux, sociaux et biologiques (Center for Mental Health, 2024). Ces mécanismes permettent aux individus de moduler, gérer et organiser leurs émotions afin de s’adapter à leur environnement. Plusieurs structures cérébrales sont impliquées dans ce processus, dont l’amygdale, qui, tel un système d’alarme, détecte les stimuli perçus comme menaçants (Korb, 2014). Le lobe frontal, plus particulièrement le cortex préfrontal, joue quant à lui un rôle central dans le contrôle des émotions, notamment en inhibant les réponses émotionnelles automatiques déclenchées par l’amygdale (Wager et al., 2008). D’autres structures cérébrales contribuent également à la régulation émotionnelle, telles que l’hippocampe, l’hypothalamus, le thalamus, le noyau accumbens et certaines aires du cortex temporal (Lotstra, 2002). La violence peut avoir des effets sur le fonctionnement de ces structures et ainsi altérer la régulation émotionnelle de l’individu qui en est victime. Cet article se penchera plus particulièrement sur les conséquences qu’elle peut engendrer au niveau de l’hippocampe, de l’amygdale et du lobe frontal.
L’hippocampe
L’hippocampe est une région cérébrale impliquée dans la mémoire et les émotions. Certaines études ont démontré que les personnes ayant subi de la maltraitance présentent un hippocampe plus petit que celles n’ayant pas été maltraitées (Salthun-Lassalle, 2012). En effet, l’étude de Teicher et al. (2012) a mis en évidence une réduction du volume de l’hippocampe gauche chez des adultes ayant subi de la maltraitance durant l’enfance. Cette diminution est expliquée par la sensibilité de l’hippocampe aux hormones de stress et pourrait augmenter le risque de troubles psychiatriques. Étant une région impliquée dans la régulation émotionnelle, son atrophie pourrait avoir des conséquences sur le comportement et l’humeur, entraînant par exemple de l’apathie, de l’anxiété et de la confusion (Pelletier, 2024). Enfin, comme l’hippocampe se développe au cours des premières années de vie, une exposition à un stress important durant l’enfance, tel que la violence, peut influencer son développement et entraîner les conséquences mentionnées précédemment (Lupien et al. 2009).
L’amygdale
Lorsqu’exposé à la violence, le corps déclenche une réponse de stress générée par l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien (HPA), en libérant des hormones comme le cortisol (Cleveland Clinic, s.d.). Le stress chronique, pouvant entre autres être causé par une exposition répétée à la violence, augmente la réactivité de l’amygdale et accroit ainsi le risque de développer des troubles émotionnels comme l’anxiété et la dépression (Lupien et al. 2009). Cette hyperactivation affecte la régulation du stress, car l’amygdale active également l’axe HPA. Un dysfonctionnement de cet axe peut intensifier les réflexes de peur, comme le sursaut ou la tension musculaire, ou inhiber les comportements de fuite face à la menace (CHUV, 2018). Cette perturbation de la réponse de stress peut nuire au développement cérébral, en particulier lorsque l’exposition au stress survient durant l’enfance (Lupien et al, 2009).
Le lobe frontal
Selon Salmona (2024), le lobe frontal joue un rôle central dans de nombreuses fonctions exécutives, telles que la planification, la prise de décision, le contrôle des impulsions, le comportement social et l’inhibition, ainsi que la régulation émotionnelle. Cependant, lorsqu’une personne subit de la violence, le fonctionnement de cette région peut être altéré. Des études, comme celle de Arnsten (2009), ont montré que le stress chronique et les traumatismes peuvent entraîner une réduction de l’activité du lobe frontal, affectant la capacité à contrôler les comportements impulsifs et à gérer les émotions. Encore selon Salmona (2024), le cortex préfrontal, une sous-région du lobe frontal, est considéré comme le centre de régulation des émotions et des comportements. Il intervient dans le raisonnement moral, la gestion des conflits internes, la gestion du stress, l’empathie et le contrôle des impulsions. L’exposition à la violence, particulièrement durant l’enfance, peut rendre le cortex préfrontal moins actif, perturbant ainsi la régulation émotionnelle et le comportement. Cette dysrégulation peut amener les individus à manifester des comportements impulsifs, agressifs ou violents, car les mécanismes inhibiteurs du cortex préfrontal sont moins efficaces pour réguler les réponses émotionnelles.
Conclusion
En résumé, la violence peut avoir des répercussions majeures sur la régulation émotionnelle en perturbant des régions cérébrales essentielles à l’équilibre psychologique, telles que l’hippocampe, l’amygdale et le lobe frontal. Ces altérations augmentent la vulnérabilité au développement de troubles émotionnels et comportementaux, tels que l’anxiété, la dépression et l’impulsivité. Une étude menée par Inès Zouaoui (2022) révèle que les ondes thêta, associées à des états de relaxation et présentes dans les régions frontales du cerveau, jouent un rôle crucial dans la régulation émotionnelle. Cette découverte ouvre la voie à de nouvelles options thérapeutiques, comme le neurofeedback et la stimulation électrique transcrânienne, dans lesquelles les patient.e.s ajustent leurs propres rythmes cérébraux de manière à favoriser une meilleure régulation émotionnelle.
Texte révisé par Mariska Lavoie
Références
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