L’anxiété de performance et ses conséquences sur les étudiants du premier cycle – par Acyl Mansour

L’anxiété de performance est bien plus qu’une simple nervosité avant un examen. Dans le contexte universitaire, c’est un état d’appréhension persistant, une peur intense de l’échec et une pression constante de devoir performer à un niveau exceptionnel. Cela est une réalité trop familière pour beaucoup d’étudiant.e.s du premier cycle, particulièrement dans des programmes contingentés comme celui de la psychologie. Alors que nous sommes nombreux et nombreuses à aspirer à poursuivre nos études au doctorat, nous nous engageons malgré nous dans ce que j’appellerais une « course à la perfection ». C’est une quête épuisante, où chaque note, chaque implication et chaque expérience compte, et ce, parfois au détriment de notre santé mentale. Je souhaite partager mon regard sur cette pression systémique, ses conséquences parfois profondes et les pistes de changement qui s’offrent à nous. Car s’il est normal de vouloir performer, il est urgent de reconnaître que le système, tel qu’il fonctionne aujourd’hui, nous pousse trop souvent au bord du précipice.

Dès le début du baccalauréat, nous sommes plongé.e.s dans une logique de performance où chaque choix est calculé en fonction d’une grille de points invisibles. Cette course aux notes, aux heures de bénévolat et aux expériences de recherche n’est pas un choix ; elle est devenue une nécessité pour toute personne souhaitant accéder aux études supérieures. Et quand s’ajoute à cela « la crainte de ne pas accéder aux études supérieures » (Huneault, 2019), il n’est pas surprenant que tant d’entre nous vivent un stress chronique. 

Pire encore, ce stress finit par se retourner contre nous. L’anxiété de performance pourrait venir nuire à notre rendement. Nous voulons tellement réussir que notre anxiété finit par entraver nos capacités, notre mémoire ou notre concentration. « Je suis malheureusement la preuve vivante que les données et statistiques amassées sur la détresse psychologique, le stress de performance et la dépression chez les étudiants ne sortent pas de nulle part et que la pression vécue dans un cadre académique peut effectivement mener à des problèmes de santé mentale. » (Huneault, 2019). Ce témoignage n’est pas qu’une histoire anecdotique: pour la plupart, c’est une réalité troublante. Le système ne nous pousse pas seulement à performer : il nous épuise, et ce, même au moment où nous devrions être le plus en mesure d’apprendre. 

Ironie frappante : dans un programme où l’on nous enseigne l’importance de l’équilibre, de la santé mentale et des stratégies d’adaptation, nous évoluons dans un environnement qui semble ignorer ces mêmes principes. Comme le souligne un article du blogue de soutien aux études de l’Université de Montréal sur l’anxiété de performance (2021), les étudiant.e.s anxieux.e.s. ont souvent tendance à attribuer leurs échecs à leur propre incompétence et leurs succès à la chance. Cette distorsion cognitive entretient un cercle vicieux qui les empêche d’être satisfait.e.s de leurs efforts. 

Pourtant, nous ne manquons ni de motivation, ni de persévérance. Bien au contraire, « les personnes anxieuses de leur performance ont tendance à travailler deux fois plus fort afin d’augmenter leurs chances de réussite universitaire » (Université de Montréal, 2021). Malheureusement, cette stratégie finit par se retourner contre eux. Même en travaillant davantage, les étudiant.e.s du premier cycle vivant une forte anxiété de performance tendent à obtenir des résultats plus bas que les autres, notamment parce que la pression constante nuit à leur concentration et à leur efficacité. Nous sommes tiraillé.e.s entre la volonté de bien faire et des méthodes devenant inefficaces par un perpétuel perfectionnisme. Comme le dit bien Sarah-Maude Huneault dans sa lettre ouverte (2019), la majorité des étudiant.e.s ont aussi choisi certaines expériences qui se montraient plus attirantes pour le doctorat au lieu de choisir celles qui leur apporteraient un meilleur apprentissage. Ainsi, l’université forme les futurs.e.s psychologues à reconnaître et soigner la détresse psychologique, tout en maintenant un cadre d’études qui en est elle-même une source directe pour ses propres étudiant.e.s. 

Faut-il pour autant renoncer à l’excellence ? Certainement pas. Mais il est temps de redéfinir ce que « réussir » veut dire. Il ne s’agit pas de nier l’importance de l’excellence académique ou de l’expérience pratique, qui sont toutes deux légitimes pour former des professionnel.le.s compétent.e.s. La nuance réside dans le fait qu’il est possible de poursuivre ces objectifs sans sombrer dans une culture d’épuisement professionnel. Il est alors crucial que les institutions reconnaissent leur rôle dans ce phénomène et qu’elles promeuvent activement des ressources comme l’activité physique, la consultation psychologique ou même des exercices de pleine conscience. 

Mais au-delà des solutions individuelles, c’est également un enjeu nécessitant une réflexion collective. Comment rendre les critères d’admission plus transparents ? Comment valoriser davantage l’équilibre et le bien-être dans la culture facultaire ? Comment outiller les étudiants afin qu’ils apprennent à étudier de façon stratégique, et non compulsive ? Les solutions sont là. Reste à avoir le courage de les mettre en œuvre. Changer la culture signifie valoriser la qualité de l’engagement plutôt que sa quantité. Par la même occasion, il s’agit aussi de rappeler que la résilience et la compétence se construisent également sur la base de l’équilibre et du bien-être, ne nécessitant pas forcément l’épuisement. 

En somme, l’anxiété de performance dans les programmes d’études contingentés comme la psychologie est bien plus qu’un trait de personnalité : elle est le symptôme d’un système qui, en dépit de ses bonnes intentions, pousse les étudiant.e.s vers une quête épuisante de la perfection. Les causes en sont structurelles, les conséquences sur la santé sont graves et la contradiction avec les valeurs de la discipline est évidente. L’anxiété de performance n’est pas une fatalité. Nous méritons mieux : un environnement qui nous encourage non seulement à donner le meilleur de nous-mêmes, mais qui ne nous exige pas d’y laisser notre santé.

Texte révisé par Sofia Chemani.

Références

Huneault, S.-M. (2019). Lettre ouverte sur la pression de performance chez les étudiants au baccalauréat en psychologie. Psycause : revue scientifique étudiante de l’École de psychologie de l’Université Laval, 9(1), page 6. https://doi.org/10.51656/psycause.v9i1.20135 

Université de Montréal. Vie étudiante (2021). Comment reconnaitre l’anxiété de performance en contexte d’études universitaires. https://vieetudiante.umontreal.ca/soutien-aux-etudes/blogue/comment-reconnaitre-lanxiete-de-performance-en-contexte-detudes-universitaires 

Image : (Juillet, 2020). Person in white shirt with brown wooden frame. Pexels. https://www.pexels.com/photo/person-in-white-shirt-with-brown-wooden-frame-4769486/