De plus en plus d’étudiant.e.s consomment des boissons énergisantes pour rester éveillé.e.s pendant la journée, étudier tard ou améliorer leur concentration. Une étude a d’ailleurs trouvé que les trois quarts des étudiant.e.s universitaires entre 18-24 ans avaient consommé au moins un produit pour améliorer leurs performances physiques ou intellectuelles, dont 38 % consomment des boissons énergisantes (Gueye et al., 2020). Bien que ces boissons soient vues comme une solution facile pour augmenter la performance académique, elles ont plusieurs effets potentiellement néfastes sur la santé mentale. Le prix de cette stimulation pourrait alors être plus élevé qu’on ne le pense.
Les boissons énergisantes
Les boissons énergisantes sont principalement composées de caféine, de taurine, de sucre et d’autres stimulants, dont les effets combinés sont encore mal compris (Seifert et al., 2011). Les marques commercialisant de telles boissons promettent généralement plus d’énergie, de concentration et de vigilance. Toutefois, certaines présentent des résultats qui remettent en question ces promesses.
Les conséquences
La quantité importante de caféine dans ces boissons agit bel et bien comme stimulant intellectuel, mais à haute dose, elle peut provoquer de la nervosité, de l’insomnie, de l’irritabilité ou de l’agitation (Wesnes et al; Salinero et al.,). De plus, la fréquence de consommation serait corrélée à une augmentation du stress, de la dépression et des idées suicidaires, surtout chez les adolescent.e.s et les jeunes adultes (Szpak et Allen, 2021). Plusieurs cas cliniques ont même rapporté des épisodes de manie, de psychose ou d’anxiété aiguë après une consommation excessive, particulièrement chez des personnes vulnérables présentant déjà des facteurs de risque (Sharma, 2010; Krank et Gitlin, 2015). Bien qu’il soit impossible, à partir de ces études, de démontrer si ce sont vraiment les boissons énergisantes qui causent de tels troubles, un usage fréquent de celles-ci pourrait du moins aggraver les troubles mentaux existants ou contribuer à leur apparition. Les étudiant.e.s qui consommeraient de telles boissons à tous les jours présenteraient aussi un risque nettement accru de détresse psychologique (Richards et Smith, 2016). En plus de ces effets, il y aurait la possibilité du développement d’une dépendance physique et psychologique aux boissons énergisantes, causant des symptômes de sevrage, tel que mentionnés dans le DSM-5-TR (Centre d’expertise et de collaboration en troubles concomitants, 2023).
Le sommeil comme médiateur
Le manque de sommeil jouerait un rôle médiateur dans la relation entre les boissons énergisantes et la santé mentale. Les étudiant.e.s qui en consommeraient plus dorment moins, et cette privation expliquerait en partie le lien. La consommation de boissons énergisantes pourrait donc contribuer au maintien d’un niveau élevé de stress chez les étudiant.e.s universitaires, en altérant le sommeil (Lund-Iversen et al., 2025). Nous savons également que plusieurs étudiant.e.s universitaires se privent de sommeil, 70.6 % d’entre eux dormant moins de 8 h par nuit (Hershner et Chervin, 2014.) Les boissons énergisantes viendraient donc contribuer à ce manque de sommeil de façon volontaire, afin d’atteindre une certaine performance académique.
Le mécanisme d’action
Les effets des boissons énergisantes sur la santé mentale seraient principalement liés à leur forte teneur en caféine. Cependant, les personnes ayant un bien-être faible ou des problèmes de santé mentale, tels que la dépression ou l’anxiété, pourraient possiblement utiliser les boissons énergisantes comme un remontant à court terme. Au Québec, 58 % des étudiant.e.s universitaires souffrent de détresse psychologique, ce qui soutient ce possible effet chez les étudiant.e.s (Union étudiante du Québec, 2019). Aussi, la majorité des étudiant.e.s universitaires seraient âgés de 18-25 ans, période marquée par les différents rôles à assumer, l’endettement, la recherche d’équilibre, en plus des exigences scolaires auxquelles ils font face (Kesser et al., 2007). Cela explique aussi le lien, en plus de montrer les divers facteurs de risque que présentent de nombreux étudiant.e.s universitaires. Et si nous allions plutôt puiser notre énergie dans le sommeil, l’activité physique ainsi qu’une bonne hygiène de vie ? Bien que la majorité de ces résultats ne démontrent pas de lien causal, ce sont tout de même des associations inquiétantes. En tant qu’étudiant.e.s, nous avons facilement tendance à faire passer la performance avant notre bien-être, mais ces résultats montrent que nous devrions être plus prudent.e.s, et surveiller de près notre consommation de boissons énergisantes.
Texte révisé par Jessica Tran.
Références
Centre d’expertise et de collaboration en troubles concomitants. (2023). Avis scientifique sur l’impact de la consommation de boissons énergisantes chez des personnes ayant un trouble concomitant ainsi que des pistes d’intervention. https://ruisss.umontreal.ca/wp-content/uploads/sites/61/2023/10/230929-CECTC-Affiche-BoissonsEnergisantes-WEB.pdf
Gueye, N. R., de Moissac, D., Kinkumba, B. & Delaquis, S. (2020). Utilisation de produits psychoactifs pour améliorer la performance intellectuelle ou physique en milieu postsecondaire. Drogues, santé et société, 18(2), 68–94. https://doi.org/10.7202/1075335ar
Hershner, S. D., & Chervin, R. D. (2014). Causes and consequences of sleepiness among college students. Nature and science of sleep, 6, 73–84. https://doi.org/10.2147/NSS.S62907
Kessler, R. C., Angermeyer, M., Anthony, J. C., De Graaf, R., Demyttenaere, K., Gasquet, I., De Girolamo, G., Gluzman, S., Gureje, O., Haro, J. M., Kawakami, N., Karam, A., Levinson, D., Medina Mora, M. E., Oakley Browne, M. A., Posada-Villa, J., Stein, D. J., Adley Tsang, C. H., Aguilar-Gaxiola, S., Ustün, T. B. (2007, octobre). Lifetime prevalence and age-of-onset distributions of mental disorders in the World Health Organization’s World Mental Health Survey Initiative. World Psychiatry Association, 6(3), 168-176.
Krankl, J. T., & Gitlin, M. (2015). Caffeine-induced mania in a patient with caffeine use disorder: A case report. The American journal on addictions, 24(4), 289–291. https://doi.org/10.1111/ajad.12210
Seifert, S. M., Schaechter, J. L., Hershorin, E. R., & Lipshultz, S. E. (2011). Health effects of energy drinks on children, adolescents, and young adults. Pediatrics, 127(3), 511–528. https://doi.org/10.1542/peds.2009-3592
Sharma V. (2010). Red Bull and mania. German Journal of Psychiatry. 13. 178-180
Szpak, A., & Allen, D. (2012). A case of acute suicidality following excessive caffeine intake. Journal of psychopharmacology (Oxford, England), 26(11), 1502–1510. https://doi.org/10.1177/0269881112442788
Union étudiante du Québec. (2019, novembre). Enquête « Sous ta façade ». https://unionetudiante.ca/Media/publicDocuments/Rapport-enquete-sous-ta-facade.pdf


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