L’ASMR : Compréhension neuroscientifique d’un phénomène sensoriel – Par Stéfanie Mireault

Avez-vous déjà ressenti de légers picotements agréables sur le cuir chevelu ou le long de la colonne vertébrale lorsque quelqu’un chuchote, tapote doucement ou manipule des objets avec soin ? Ces sensations, connues sous le nom d’ASMR (Autonomous Sensory Meridian Response), sont un phénomène sensoriel et émotionnel caractérisé par des sensations de picotements agréables et de relaxation déclenchées par des stimuli auditifs, visuels ou tactiles spécifiques (Hozaki, 2025). Devenu un phénomène mondial grâce aux vidéos partagées sur YouTube, l’ASMR est aujourd’hui utilisé pour favoriser la détente, réduire le stress et améliorer le sommeil (Smejka et Wiggs, 2022). Ce texte se penchera sur le fonctionnement cérébral de l’ASMR, pourquoi certaines personnes y sont sensibles et les effets qu’il pourrait avoir sur le bien-être.

Stimuli déclencheurs et variabilité individuelle

Les frissons et la relaxation associés à l’ASMR peuvent être déclenchés par différents types de stimuli : auditifs, comme le chuchotement, le mouvement doux des mains ou d’autres sons répétitifs ; visuels, tels que des gestes lents et précis, une attention personnelle ou un contact visuel soutenu ; et tactiles, comme un massage, un toucher léger ou le fait de se faire brosser les cheveux par quelqu’un d’autre (Warren, 2022). Comme il s’agit d’une expérience subjective, certains stimuli fonctionnent mieux pour certaines personnes que pour d’autres, tandis qu’une partie de la population ne ressentira aucun effet (Albers, 2025). Les chercheur.cheuse.s estiment que seulement 10 à 20% des individus en font réellement l’expérience, et que ceux-ci obtiennent généralement des scores plus élevés sur les traits de personnalité comme l’ouverture et le névrosisme (Eid et al., 2022). À l’inverse, pour certaines personnes, l’ASMR peut être surstimulant, ennuyeux ou même dérangeant, notamment chez celles souffrant de misophonie, les personnes hypersensibles (PHS), celles ayant un trouble du spectre de l’autisme (TSA) ou un trouble de déficit d’attention avec hyperactivité (TDAH) (Albers, 2025). 

Bases neurophysiologiques et rôle des neurotransmetteurs

Les chercheur.cheuse.s ne sont pas encore certain.e.s du fonctionnement exact de l’ASMR, mais plusieurs hypothèses suggèrent qu’il active des régions spécifiques du cerveau associées à la relaxation et au plaisir (Albers, 2025). En effet, les personnes ressentant l’ASMR présentent une activation du noyau accumbens, impliqué dans la récompense et la libération de dopamine, du cortex cingulaire antérieur dorsal, qui régule les émotions, de l’insula, liée à la perception corporelle et à l’empathie, ainsi que du gyrus frontal inférieur et moyen, qui participent à l’attention, au traitement émotionnel et à l’intégration des stimuli audiovisuels (Lochte et al., 2018). L’activation simultanée de ces régions peut expliquer pourquoi l’ASMR produit à la fois des sensations agréables, des picotements le long du corps et une relaxation profonde. Cette activation cérébrale est également associée à la libération de neurotransmetteurs tels que l’endorphine, qui améliore l’humeur, l’ocytocine, qui procure une sensation de chaleur et de connexion, et la dopamine qui réduit le stress et favorise un état de calme (Lochte et al., 2018). 

Effets physiologiques et psychologiques observables

Les effets de l’ASMR ne se limitent pas aux sensations subjectives : plusieurs études ont mis en évidence des impacts physiologiques et psychologiques mesurables. Par exemple, regarder des vidéos ASMR et en faire l’expérience sont associés à une diminution du rythme cardiaque et à une augmentation de la conduction cutanée, c’est-à-dire une mesure de l’activité électrique de la peau reflétant les réactions émotionnelles. La diminution moyenne de la fréquence cardiaque observée chez les participant.e.s sensibles à l’ASMR était similaire à celle constatée avec d’autres méthodes de relaxation, telles que l’écoute de la musique ou la pratique de la pleine conscience. De plus, l’expérience de l’ASMR entraînait une augmentation significative des émotions positives, notamment la relaxation et le sentiment de lien social, ainsi qu’une diminution du stress et de la tristesse (Poerio et al., 2018). Enfin, les effets positifs de l’ASMR semblent particulièrement marqués chez les adultes présentant des symptômes de dépression ou d’insomnie, avec un impact souvent plus prononcé chez les personnes souffrant de dépression. Néanmoins, les vidéos ASMR montrent un potentiel de soulagement pour les deux groupes (Smejka et Wiggs, 2022). 

Conclusion

Bien que les recherches sur l’ASMR soient prometteuses et suggèrent des effets bénéfiques sur le bien-être, ce phénomène reste encore peu étudié et ses impacts varient selon les individus. Il est important de souligner que l’ASMR ne peut être considéré comme un substitut aux traitements thérapeutiques conventionnels. Il serait intéressant que les études futures explorent plus en profondeur ses mécanismes neurophysiologiques, son potentiel thérapeutique pour différents troubles comme la dépression, l’insomnie ou l’anxiété, ainsi que les facteurs individuels influençant la sensibilité à ce phénomène. Enfin, pour ceux et celles qui souhaitent explorer l’ASMR, voici quelques créateur.trice.s populaires sur YouTube : 

  • Morpheus ASMR (@morpheusasmr6096) 
  • Moonlight Cottage ASMR (@MoonlightCottageASMR)
  • Gibi ASMR (@GibiASMR)
  • Zach Choi (@ZachChoi)
  • Daja ASMR (@DajaASMR) 

Texte révisé par Jade Mitchell.

Références

Albers, S. (2025, août 7). From tap to tingle: What is ASMR? Cleveland Clinic. https://health.clevelandclinic.org/what-is-asmr 

Eid, C. M., Hamilton, C., Greer, J., & Sakai, N. (2022). Untangling the tingle: Investigating the association between the Autonomous Sensory Meridian Response (ASMR), neuroticism, and trait & state anxiety. PLOS ONE, 17(2), e0262668. https://doi.org/10.1371/journal.pone.0262668 

Hozaki, D. (2025). More relaxing than nature? The impact of ASMR content on relaxation and well-being. Neuroscience of Consciousness, 2025(1), niaf012. https://doi.org/10.1093/nc/niaf012 

Lochte, B. C., Guillory, S. A., Richard, J. M., & Kelley, W. M. (2018). An fMRI investigation of the neural correlates underlying the autonomous sensory meridian response (ASMR). BioImpacts, 8(4), 295–304. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC6209833/ 

Photo By: Kaboompics.com. (2021, 20 février). Femme son audio à l’intérieur [Image en ligne]. Pexels. https://www.pexels.com/fr-fr/photo/femme-son-audio-a-l-interieur- 6920043/ 

Poerio, G. L., Blakey, E., Hostler, T. J., & Veltri, T. (2018). More than a feeling: Autonomous sensory meridian response (ASMR) is characterized by reliable changes in affect and physiology. PLoS ONE, 13(6), Article e0196645. https://doi.org/10.1371/journal.pone.0196645 

Smejka, T., & Wiggs, M. (2022). The effects of Autonomous Sensory Meridian Response (ASMR) videos on arousal and mood in adults with and without depression and insomnia. Journal of Affective Disorders, 311, 1–9. https://doi.org/10.1016/j.jad.2022.05.032 

Warren, D. E. (2022, avril 26). What ASMR means: How it works and why it’s popular. Nebraska Medicine. https://www.nebraskamed.com/neurological-care/asmr- videos-are-exploding-online-but-what-is-asmr-and-does-it-work  


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