Les voyelles de ton nom décrochent encore ma mandibule en les prononçant,
Elles lient mes pensées en faisant fi de la fin et du commencement,
Autrefois, mes mots ont pris d’assaut; ils m’ont protégé·e,
Si longtemps, que je pensais leur connaître une simple utilité;
Ils m’ont permis de comprendre les gens ainsi que leur usure,
Ces mots, je les connaissais principalement sous le nom d’abnégation et culpabilité,
En apprenant doucement à me lire, j’ai compris qu’ils étaient aussi liberté,
J’en ai profité pour en découvrir d’autres et reprendre goût à les faire succéder,
J’ai fait de nouvelles combinaisons, je les ai choisis, j’en ai préféré un à un autre;
Je t’ai préféré·e à un·e autre, malgré la douleur que tes mots tentaient de cacher;
La fascination éprouvée de voir tes maux transformés en mots si doux pour les autres,
Après avoir lu, écrit et chanté, ce sont tes mots qui restent dans mon oreille,
Sur les taches rousses de ma peau, dans mon cou, dans la brume de mon parfum vanillé et à mon réveil,
J’ai tes mots tout partout.
Des mots dansants, des mots doux, des demi-mots soufflés,
J’ai de beaux mots pour toi; quelques-uns inavouables,
Des mots que j’aurais aimé partager,
Maintenant indicibles, insondables,
J’ai tes mots que je retrouve par inadvertance avec mon café le matin,
Ceux parsemés sur mon chemin, dans cette neige, dans ce froid,
J’ai ceux qui se cachent dans un roman au creux de mes mains;
Je les retiens sans succès, comme l’eau qui s’en écoule à chaque fois,
Il y aussi ces mots qui me font tout drôle à entendre dans la bouche d’autres de temps en temps;
C’est lorsque tes mots redeviennent des mots.
Texte révisé par Dorothée Morand-Grondin
Références:
Lemieux, É. (17 janvier 2022). Pensées rangées [photographie inédite]. Collection personnelle de É. Lemieux, Montréal, Qc, Canada.