Avez-vous déjà entendu parler de l’expérience classique de Asch ? Solomon Asch, psychologue américain, cherchait à comprendre les effets de la pression sociale sur les comportements des individu.e.s au sein d’un groupe. Il a bâti une des expériences pionnières dans le domaine de la psychologie sociale. Celle-ci soumettait les gens à une simple tâche d’équivalence de ligne verticale, c’est-à-dire qu’il.elle.s devaient identifier la ligne équivalente au modèle de référence.

(Expérience de Asch, 2014)
Il s’avère que les gens répondaient adéquatement lorsqu’aucune influence extérieure n’était présente. Cependant, dès que soumis à la pression sociale, les individu.e.s avaient tendance à se conformer à la majorité, même lorsque cela leur semblait complètement contre-intuitif. Pour expliquer ce résultat, les chercheur.e.s se sont penché.e.s sur le phénomène sous-jacent à leurs observations : le conformisme.
Déconstruire le conformisme
Étant un être social, l’humain.e succombe aux influences sociales qui l’entourent, sans nécessairement le vouloir ou en être conscient.e. On parle alors de conformisme. Il s’agit en fait d’un « processus d’influence sociale par lequel une personne est amenée à aligner ses propres perceptions, croyances ou conduites sur celles d’un ensemble d’autres personnes » (Encyclopædia Universalis, 2022). Que ce soit en adoptant le même code vestimentaire que ses ami.e.s. ou en s’alliant à une idéologie populaire, l’humain.e est continuellement confronté.e à une forte influence sociale. Sur une base quotidienne, chaque individu.e est la proie du conformisme. Or, en quoi le conformisme se différencie-t-il des autres types d’influence sociale ? Trois aspects caractérisent obligatoirement le conformisme (Baggio, 2011) :
1. Il s’agit d’un phénomène intragroupe.
2. La pression est implicite (nous n’avons pas toujours conscience de l’influence).
3. Il n’y a aucun rapport hiérarchique présent.
Pour adhérer à un groupe, l’être humain utilise plusieurs formes distinctes de conformisme (Kelman, 1958). Voici donc les trois principales déclinaisons de ce phénomène social. D’abord, il y a la complaisance, qui consiste en l’acceptation des modalités d’un groupe afin de ne pas entrer en opposition avec celui-ci. Ensuite, nous avons l’identification, qui consiste en l’assimilation des caractéristiques d’autres personnes. Finalement, l’intériorisation consiste en l’intégration des valeurs et des normes d’un groupe, ce qui entraîne la perte des propres idées d’un.e individu.e (« Expérience de Kelman sur le conformisme » , 2013). L’adoption de l’une ou l’autre de ces formes de conformisme varie selon plusieurs facteurs : la difficulté ou l’ambiguïté d’une tâche demandée, les caractéristiques personnelles (p.ex., la confiance en soi et l’estime de soi) ainsi que les caractéristiques sociales (p.ex., la culture et le sexe). Outre les situations et les facteurs qui influencent le degré de conformité d’une personne à un groupe, comment explique-t-on qu’une personne fasse preuve de conformisme ?
Les raisons sous-jacentes au conformisme
Se conformer aux membres d’un groupe répond à deux besoins fondamentaux : le besoin de certitude et le besoin d’approbation. À un certain point dans la vie, tous les êtres humains ont craint ou vont craindre le rejet. Chaque personne a déjà voulu plaire aux autres et connaître l’opinion d’autrui à son propos. Cette constante peur du rejet et du jugement brime l’individualité.
Pour bien expliquer le lien entre l’individualité et le conformisme, un petit détour historique s’impose. À l’ère préhistorique, nos ancêtres vivaient en clans. Il.elle.s n’avaient aucun intérêt à s’éloigner de leur groupe (Ahmad, 2019). À ce moment-là, il n’était pas question d’individualité, mais bien de survie. En effet, les individu.e.s qui s’éloignaient physiquement du groupe devaient affronter seul.e.s l’environnement hostile qui les entourait. Animaux sauvages ou groupes rivaux, un.e individu.e avait beaucoup moins de chances de survivre à ces menaces extérieures. Bien que les êtres humains vivent aujourd’hui dans une société civilisée, structurée et où les menaces à leur intégrité physique sont moindres, cette crainte d’être exclu socialement demeure. Profondément enracinée dans l’inconscient humain, cette peur rend donc les individu.e.s conformistes. Il y a ainsi de multiples conséquences qui affectent non seulement le comportement humain, mais aussi la créativité de chacun.e.
Conformisme, individualité et créativité
L’individualité est l’essence même de l’originalité et la particularité d’un.e individu.e. Comment une personne arrive-t-elle à se découvrir elle-même si elle est constamment dans l’ombre d’un groupe ? Chacun.e se doit d’être créatif.ve, et ce, en tentant du mieux de ses capacités de ne pas adopter les tendances de son groupe d’appartenance. On définit la créativité comme étant la capacité à transcender les façons traditionnelles de penser ou d’agir et à développer de nouvelles idées (Morr, 2018). Il s’avère donc que l’individualité requiert de la créativité ! Il faut comprendre que ces deux concepts sont aussi importants l’un l’autre, puisqu’ils procurent une impulsion nécessaire afin qu’une personne exerce son libre arbitre. De plus, l’individualité et la créativité favorisent la capacité d’innovation de chacun.e, ce que le conformisme ne permet pas. En bref, il faut principalement retenir que l’individualité se forge grâce à la créativité et qu’elle demeure essentielle au bon fonctionnement de la société.
En somme, sortez des sentiers battus, laissez place à votre intuition, acceptez les risques, relevez les défis et questionnez les idées communément admises. Après tout, la pensée créative est à la base de la construction identitaire et collective…
Cultivez votre esprit créatif !
* Prendre note que l’individualité n’est pas synonyme d’individualisme, qui lui réfère à une déformation de l’individualité où l’identité personnelle prime par rapport à l’identité collective (L’individualisme, s. d.).
Texte révisé par Marilie Lachapelle-Tavares
Références
Ahmad, N. N. (2019). Conformisme et créativité. Vivre avec philosophie. https://vivreavecphilosophie.home.blog/2019/07/26/conformisme-et-creativite/
Baggio, S. (2011). L’influence sociale. Psychologie sociale: Concepts et expériences. 2e éd. (p. 18‑31). De Boeck Supérieur. https://www.cairn.info/psychologie-sociale–9782804164010-p-18.htm
Chambon, M. et Dambrun, M. Conformisme (psychologie). Dans Encyclopædia Universalis. https://www.universalis.fr/encyclopedie/conformisme-psychologie/
Conformisme (influence majoritaire). (2005, 6 janvier). Canal Blog. http://psychosociale67.canalblog.com/archives/2005/01/06/247778.html
Demon Feuvrier, M. P. (2018, 5 octobre). Entre conformisme et créativité, le grand écart ? La lettre du cadre territorial. https://www.lettreducadre.fr/article/entre-conformisme-et-creativite-le-grand-ecart.42755
Expérience de Asch. (2014, 5 novembre). https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Asch_experiment.svg.
Expérience de Kelman sur le conformisme. (2013, janvier). Blogger. http://cours-psychologie.blogspot.com/2013/01/experience-de-kelman-sur-le-conformisme.html
L’individualisme. (s. d.). La toupie. https://www.toupie.org/Dictionnaire/Individualisme.htm
Morr, K. M. (2018). Qu’est-ce que la créativité ? Le guide ultime pour comprendre cette aptitude indispensable. 99designs. https://99designs.fr/blog/pensee-creative/creativite-le-guide-ultime/
RapidEye. A single wooden lay figure turns away from a line of marchers and escapes, running in the opposite direction. [image en ligne]. iStock. https://www.istockphoto.com/photo/single-marionette-breaks-away-from-line-of-marchers-gm1027615954-275503599?phrase=wooden%20puppet
Schwab, C.C., « Finding Balance between the Needs for Conformity and Individuality : An Exploration of Identity » (2019). CMC Senior Theses. 2178. https://scholarship.claremont.edu/cmc_theses/2178