Où est passé le romantisme ? Les lettres où l’auteur.e pouvait vider son cœur de ses émotions ? Les moments d’attente qui génèrent l’excitation, la rêverie, l’anticipation de découvrir ce qui pourrait se cacher dans cette enveloppe, dans ce courriel tant attendu… où sont-ils ?
En psychologie, on appelle ça la gratification différée. Il s’agit d’une méthode de maîtrise de soi de la théorie sociocognitive où un individu décide de reporter son plaisir à un moment ultérieur plus opportun ou optimal (Mischel, 1974). En d’autres mots, c’est renoncer à une bonne chose maintenant pour obtenir mieux plus tard.
C’est justement ce qu’il se passait à une autre époque. De nos jours, ces expériences romantiques qui rendaient une relation unique et spéciale ont tristement été remplacées par de simples textos ou messages instantanés. L’excitation de l’attente se limite aujourd’hui à quelques minutes. À mon avis, cette façon si impersonnelle d’échanger avec l’autre rend la relation un peu moins réelle. Rencontrer quelqu’un à travers des applications ou des sites de rencontres est la nouvelle tendance moderne pour les célibataires. Bien que cela soit vu comme « normal » pour plusieurs, je trouve cette méthode étrange et plutôt froide. Derrière un écran, nous n’avons pas accès au langage non verbal de l’autre. Ainsi, nous n’avons accès ni aux comportements ni aux réactions de l’autre personne par rapport au sujet sur lequel on échange. Pourtant, le langage non verbal est très riche en informations. Effectivement, il permet de faire des inférences notamment quant à la personnalité, aux émotions ressenties, aux intérêts et aux vérités et mensonges de la personne avec qui nous parlons (Bédard et al., 2017). Se priver de ces informations ne permet pas de se créer une première impression adéquate de l’autre personne. Effectivement, comme soutenu par la science, la première impression est cruciale pour analyser les comportements de la personne et forge nos pensées quant à cette personne lors d’une prochaine rencontre (Bédard et al., 2017). De plus, bien que l’on ait toute une gamme d’émojis sur nos claviers pour nous aider à communiquer ce que l’on ressent, je trouve que ce n’est pas suffisant et que la communication n’est pas la même que celle que l’on aurait en face à face.
Dans certaines circonstances, comme de vivre une relation à distance à cause d’une pandémie ou parce que l’autre personne se trouve dans un endroit lointain, il est compréhensible qu’il soit plus difficile d’entretenir une relation amoureuse. Toutefois, je pense qu’il y a moyen de la transformer en une source d’espoir et de motivation. Mon ami avait sa partenaire qui habitait en Corée du Sud. Il m’avait partagé qu’il leur était difficile de parler ensemble en raison du décalage horaire. Je lui ai alors proposé qu’il écrive des lettres manuscrites à sa copine. Il n’a pas aimé l’idée et m’a dit : « C’est trop long et ce n’est pas notre style ». Il n’était pas non plus ouvert à des courriels. Ici, nous retrouvons encore le principe de gratification différée qui semble ne pas être appliqué par plusieurs couples d’aujourd’hui. Si je prends mes lunettes d’approche béhavioriste classique, on pourrait penser qu’il s’agit davantage d’une relation amoureuse résultant d’une longue chaîne de conditionnement classique et opérant (Bédard et al., 2017). Effectivement, l’un.e ressent de la joie lorsqu’une notification annonce un nouveau message de son âme sœur (conditionnement classique). L’autre ressent le bonheur de vivre du plaisir et des moments agréables avec son.sa partenaire (conditionnement opérant). Ainsi, ces réponses nous incitent à désirer qu’elles se répètent, car elles nous procurent du plaisir (une récompense).
Aujourd’hui, tout doit être immédiat, instantané. C’est comme si on était pressé.e.s de vivre, d’expérimenter le plus de sensations possibles. C’est utopique de penser ainsi, car en fin de compte, on ne profite réellement d’aucun de ces moments vécus, trop concentré.e.s à les finir et à penser au prochain. Mon professeur de français au secondaire, Monsieur Bégin, disait : « Trop c’est comme pas assez. » Dans notre société actuelle, où tout va si vite et où la performance est l’ultime objectif, profiter des petits moments de la vie devrait être essentiel.
Tous les comportements issus de la séduction font partie de la base d’une relation amoureuse. Ces derniers comprennent la proximité physique, l’effet de familiarité en voyant l’autre souvent, l’effet de similarité, l’effet de complémentarité, le comportement non verbal, se montrer chaleureux.euse, etc. (Bédard et al., 2017). Une partie d’entre nous recherche l’Amour, avec un grand A. Selon le modèle de Sternberg (1988), cet Amour correspond à l’amour idéal où l’on retrouve des niveaux élevés d’intimité, d’engagement et de passion (Bédard et al., 2017). Dans le contexte pandémique actuel, il est fort difficile de développer ce genre de relation notamment à cause de la distanciation physique. Je me questionne donc sur les effets post-pandémie au niveau relationnel. Les gens auront peut-être développé une crainte à l’idée de s’approcher physiquement d’autrui ?
Enfin, de nos jours, l’amour est vécu de manière bien différente qu’auparavant. D’une part, c’est peut-être pour le meilleur, puisqu’Internet nous offre bien plus de possibilités et d’autonomie, mais, d’autre part, l’immédiateté et la gratification instantanée prennent de l’ampleur dans les relations de couple au détriment du romantisme d’autrefois. Peu nombreuses sont les personnes qui montrent leurs émotions à travers l’écriture, la poésie, la musique, etc. Il est bien plus facile d’acheter des bijoux ou de payer des sorties au restaurant. Il semblerait qu’il y ait une peur de se montrer vulnérable face à l’autre. Pourtant, n’est-ce pas là, la beauté de l’amour ? D’avoir le courage d’être vulnérable avec notre douce moitié, de savoir qu’il existe une personne dans le monde avec qui l’on peut réellement être soi-même ?
Révisé par Alexia Leblanc
Références
Bédard, L., Déziel, J. et Lamarche, L. (2017). Introduction à la psychologie sociale : vivre, penser et agir avec les autres (4e éd.). ERPI.
Mischel, W. (1974). Processes in delay of gratification. Advances in experimental social psychology, 7, 249-292. https://doi.org/10.1016/S0065-2601(08)60039-8
pasja1000. (2018, 1 janvier). [image en ligne]. Pixabay. https://pixabay.com/fr/photos/vieille-lettre-papier-vieux-lettre-3054262/
Sternberg, R. J. (1986). A triangular theory of love. Psychological Review, 93(2), 119-135. http://doi.org/10.1037/0033-295X.93.2.119