Depuis que la COVID-19 est apparue au Québec en mars 2020, de nombreux changements ont été observés à l’échelle mondiale sur plusieurs aspects tels que l’économie, la politique des pays et la santé des individus. Tout en expliquant comment la santé physique des individus a été affectée par ce virus, il est également important d’explorer comment la pandémie elle-même a affecté la santé mentale de plusieurs. Lorsqu’on se penche sur le cas des étudiant.e.s en particulier, les nombreux changements apportés ont exigé une capacité d’adaptation constante afin de pouvoir tenir le coup pendant un cours, un trimestre, ou même un programme. Nombreux.ses sont les étudiant.e.s qui ont dû faire face aux impacts de cette crise sanitaire sur leur vie personnelle, sans parler des défis et des bouleversements qui accompagnent celle-ci dans leur vie académique.
Parallèlement au fait que la COVID-19 peut elle-même entraîner des complications neurologiques, physiques et mentales, les personnes souffrant de troubles mentaux, neurologiques ou de toxicomanie préexistants sont plus vulnérables à l’infection par ce virus et elles peuvent présenter un risque plus élevé de complications graves (Organisation Mondiale de la Santé, 2020). Ainsi, le deuil, l’isolement, la perte de revenus et la peur déclenchent des problèmes de santé mentale ou exacerbent ceux qui existent déjà. Selon Statistique Canada, 64 % des jeunes âgé.e.s de 15 à 24 ans ont signalé une diminution de leur santé mentale pendant la pandémie (2020). Dans les faits, les études les plus récentes, telles que celle de Santomauro et al., ont montré une augmentation de la prévalence des symptômes psychiatriques tels que des niveaux accrus de consommation d’alcool et de drogues, d’anxiété, de dépression, d’insomnie et de détresse mentale ou émotionnelle pendant la pandémie COVID-19, en comparaison aux évaluations prépandémiques (COVID-19 Mental Disorders Collaborators, 2021).
En pensant aux étudiant.e.s que vous connaissez ou que vous côtoyez, vous êtes-vous demandé.e.s combien d’entre elleux ont souligné ou mentionné l’impact que cette pandémie et ses restrictions ont eu sur leur santé mentale ou physique, leurs études, leur travail, leurs habitudes et d’autres aspects de leur vie? Si vous êtes étudiant.e.s, pensez aux défis et aux obstacles auxquels vous avez fait face depuis mars 2020. Notamment, certain.e.s étudiant.e.s se sont senti.e.s seul.e.s, d’autres ont vécu dans des situations toxiques telles qu’un environnement familial difficile ou avec un.e partenaire abusif.ve, d’autres encore ont vu leur attention, leur concentration ainsi que leurs habitudes d’étude se détériorer dans les cours en ligne. De même, certain.e.s ont quitté l’école ou ont pris une session sabbatique suite aux méthodes d’enseignement hybride et en ligne alors que d’autres n’ont pas pu voyager pour se rendre à leur université ou école. Certain.e.s ont connu des difficultés économiques en raison de la fermeture de certains milieux de travail tandis que d’autres encore n’ont pas pu acquérir les expériences de bénévolat ou de travail qu’iels attendaient… La liste est très longue. Il est question ici d’étudiant.e.s qui ne peuvent pas faire d’activités parascolaires, d’étudiant.e.s athlètes qui ne peuvent pas s’entraîner ou participer à des compétitions, d’étudiant.e.s en échange ou d’étudiant.e.s internationaux qui doivent faire face à de nombreux obstacles dans l’espoir de vivre une expérience sur le campus, d’étudiant.e.s qui vivent des difficultés liées à leur santé mentale ou physique, d’étudiant.e.s qui se retrouvent au chômage en raison de la pandémie, d’étudiant.e.s qui se sont retrouvé.e.s dans des environnements académiques et personnels extrêmement difficiles et exigeants depuis mars 2020.
Pour la plupart des élèves, l’école n’est pas seulement une affaire d’études, mais aussi d’interactions sociales. De nombreuses amitiés ont débuté en s’asseyant les un.e.s à côté des autres en classe. Grâce à leurs interactions avec les enseignant.e.s et les autres membres du personnel scolaire, les étudiant.e.s acquièrent des connaissances et des compétences que les livres scolaires ne transmettent pas. Il est certain que ces interactions ont moins de chances d’avoir lieu lorsque vous êtes 50 à 150 personnes sur Zoom ou Teams à essayer de comprendre l’enseignant.e ainsi que vos camarades de classe, à prendre des notes, à regarder des vidéos sur Tiktok et à vous assurer que votre micro est coupé pendant que vous vous préparez un déjeuner ou un dîner. En plus d’aider au niveau de leur épanouissement personnel et de leur développement quant à leurs identités personnelle et sociale, la participation aux diverses activités parascolaires aide les élèves à être des candidat.e.s plus attrayant.e.s pour les collèges, les universités et les futur.e.s employeur.e.s, ce qui signifie que la pandémie a un impact sur leurs études et leur carrière à long terme. Lorsqu’il s’agit de projets futurs dans leur domaine d’étude, plusieurs étudiant.e.s se trouvent inquiet.e.s et préoccupé.e.s de ne pas pouvoir se qualifier et être pleinement préparé.e.s puisque, soyons honnêtes, peu d’entre elleux sont capables de trouver des expériences pour remplir leur curriculum vitae en pleine crise sanitaire. En fait, plus de 75% des jeunes se disaient inquiets de la pandémie et craignaient de manquer des événements marquants ou des expériences importantes de leur vie (Vaillancourt et al., 2021). Selon une étude de Statistique Canada, 57 % des étudiant.e.s postsecondaires ont affirmé que leurs stages ou leurs cours avaient été retardés, reportés, ou même, annulés (2020). En ce qui concerne la limitation des contacts sociaux liée à la pandémie, l’étude de Holm-Hadulla et al. a démontré qu’environ 75 % des étudiant.e.s ont signalé une diminution importante de leur bien-être (2021). Les principales plaintes de ces étudiant.e.s mentionnaient la solitude, la dépression ainsi que le manque de considération pour leur situation spécifique en milieu universitaire et dans leur vie personnelle pendant la pandémie. De plus, la plupart des étudiant.e.s ont énoncé que les perturbations vécues au niveau de leur santé mentale avaient été causées et/ou intensifiées par les restrictions de contacts sociaux liées à la pandémie.
Au sujet des impacts économiques de la pandémie sur les étudiant.e.s, plusieurs se sont retrouvé.e.s sans emploi, ce qui a généré un niveau de stress élevé chez certain.e.s vu qu’iels ont besoin d’un revenu pour payer leur loyer, leurs frais de scolarité, financer leurs projets, aider leur famille, etc. Iels nourrissent des inquiétudes en lien avec la manière dont iels pourront payer les dépenses liées à leurs études en plus de leurs dépenses personnelles. À ce sujet, une étude publiée par Statistique Canada a rapporté que, dans l’ensemble, 58 % des étudiant.e.s ont indiqué qu’iels étaient très ou extrêmement inquiet.e.s de perdre leur emploi et que 67 % étaient très ou extrêmement inquiet.e.s de ne pas avoir de perspectives d’emploi dans un avenir proche (2020).
Publiés dans Scientific Reports, les résultats de l’étude de Ochnik et al. sur la prévalence de la santé mentale chez les étudiant.e.s universitaires de neuf pays différents pendant la pandémie suggèrent que les étudiant.e.s de ces pays souffraient d’un niveau de stress élevé et de symptômes liés aux troubles d’anxiété et de dépression (2021). En outre, 24,5 % ont même signalé un risque élevé de dépression et d’anxiété simultanément. Cette étude a indiqué que la population internationale d’étudiant.e.s universitaires a connu un stress plus élevé que la population générale, qui a rapporté un niveau de stress perçu moyen au début de la pandémie de COVID-19. En effet, les prévalences du risque de stress élevé, qui est de 11,1 %, et de dépression, qui est de 6,6 %, dans la population générale étaient significativement inférieures à celles de l’échantillon international d’étudiant.e.s présenté dans cette étude, échantillon pour lequel les prévalences étaient de 61,3% et 40,3 %, respectivement (Ochnik et al., 2021).
Au cours d’une année marquée par des fermetures d’écoles et d’établissements scolaires, de confinements ainsi que de manque d’interactions et de soutien social en raison de la pandémie de COVID-19, les taux de troubles alimentaires, tels que l’anorexie, et de tentatives de suicide ont augmenté chez les jeunes canadien.ne.s (Aziz, 2021). Selon Aziz, une augmentation du risque de mauvais traitements et de violence envers les enfants a également été observée depuis le début de la pandémie. En juin 2021, dans cinq hôpitaux pédiatriques de l’Ontario, les admissions pour troubles alimentaires ont vu une augmentation d’au moins 223%. En 2020, l’hôpital pour enfants McMaster a signalé une multiplication par trois des admissions après une tentative de suicide sur une période de quatre mois. Depuis septembre 2020, le Centre hospitalier pour enfants de l’est de l’Ontario a vu deux fois plus d’enfants pour des problèmes de maltraitance, plus précisément pour des fractures et des traumatismes crâniens (Aziz, 2021).
Sur cette note, cette pandémie n’a pas été facile à vivre pour un grand nombre de personnes. Alors, prenez soin de vos proches, soyez sympathiques, solidaires et patient.e.s envers les autres, et surtout, prenez soin de vous (surtout de votre santé, qu’elle soit physique ou psychologique).
Texte révisé par Eddy Fortier
Références
Aziz, S. (2021, 1er septembre). Child abuse, suicide attempts in Canada rose during COVID-19 pandemic: report. Global News. https://globalnews.ca/news/8157443/covid-children-abuse-suicide-canada-report/
COVID-19 Mental Disorders Collaborators (2021). Global prevalence and burden of depressive and anxiety disorders in 204 countries and territories in 2020 due to the COVID-19 pandemic. Lancet, 398(10312), 1700–1712. https://doi.org/10.1016/S0140-6736(21)02143-7
Holm-Hadulla, R. M., Klimov, M., Juche, T., Möltner, A. et Herpertz, S. C. (2021). Well-Being and Mental Health of Students during the COVID-19 Pandemic. Psychopathology, 54, 291- 297. https://doi.org/10.1159/000519366
Kavalenkava, Volha. (2020, 26 avril). European, asian and african schoolkids in protective masks and school uniforms sitting at school desk during coronavirus COVID-19 quarantine [image en ligne]. iStock. https://www.istockphoto.com/vector/vector-schoolkids-on-quarantine-gm1221165322-357840976
Ochnik, D., Rogowska, A. M., Kuśnierz, C., Jakubiak, M., Schütz, A., Held, M. J., Arzenšek, A., Benatov, J., Berger, R., Korchagina, E. V., Pavlova, I., Blažková, I., Aslan, I., Çınar, O. et Cuero-Acosta, Y. A. (2021). Mental health prevalence and predictors among university students in nine countries during the COVID-19 pandemic: a cross-national study. Scientific Reports, 11(18644). https://doi.org/10.1038/s41598-021-97697-3
Organisation Mondiale de la Santé. (2020, 5 octobre). COVID-19 disrupting mental health services in most countries, WHO survey. https://www.who.int/news/item/05-10-2020-covid-19-disrupting-mental-health-services-in-most-countries-who-survey
Statistique Canada. (2020, 12 mai). Impacts of the COVID-19 pandemic on postsecondary students. https://www150.statcan.gc.ca/n1/daily-quotidien/200512/dq200512a-eng.htm
Vaillancourt, T., Szatmari, P., Georgiades, K. et Krygsman, A. (2021). The impact of COVID-19 on the mental health of Canadian children and youth. FACETS, 6, 1628-1648 https://doi.org/10.1139/facets-2021-0078