L’être humain est une créature sociale qui, de manière générale, ne peut se passer de son entourage pour survivre : il suffit d’observer le monde qui nous entoure pour le constater. En effet, ce n’est pas un hasard si nous vivons en société depuis plus de 100 000 ans (Kelly, 1995). À vrai dire, c’est dès notre naissance que nous sommes exposé.e.s au monde social, alors que les façons de faire, de penser et d’agir de notre société commencent déjà à nous modeler et nous permettent de se forger une identité en tant que membre d’une société tout en devenant un.e individu.e unique (Groux, 2021). Par exemple, Barros Blanco et al. (2022) ont démontré que dès l’âge de trois ou quatre ans, les enfants en interaction avec leurs pairs sont déjà en mesure d’accorder un tour de rôle, de donner des explications, d’adopter différents rôles et de trouver des solutions de groupe. Cela démontre que très tôt dans la vie, nous commençons à apprendre comment nous comporter en interaction avec autrui. Particulièrement, la première année de vie est critique en ce qui concerne le développement social (Morawska, 2020). Toutefois, bien que ce développement social commence dès la naissance et que les nourrissons possèdent des capacités de communication, ils.elles ne sont pas immédiatement des êtres « socialisés » (Groux, 2021). Pour l’être, ils.elles devront passer par tout un processus afin d’apprendre les règles de la société dans laquelle ils.elles sont né.e.s et développer leurs compétences sociales en fonction.
En d’autres mots, selon l’environnement dans lequel l’enfant évolue, il.elle adoptera des comportements différents (SchoolMouv, s.d.). Par exemple, sa langue maternelle, ses façons de manger, d’entrer en contact avec autrui ou encore de traiter ses proches changeront. C’est donc cet environnement qui transmet à l’enfant les normes et les valeurs qu’il.elle intériorise. Une valeur est un principe qu’un groupe ou une société considère comme un idéal à atteindre et à défendre (Larousse, s.d.1), comme la générosité ou encore l’honnêteté, alors qu’une norme consiste en une règle, un principe auquel on se réfère et qui définit les conduites à adopter ou non dans une société (Larousse, s.d.2), comme la monogamie et la politesse.
Ce processus par lequel un.e individu.e intériorise les normes et les valeurs de sa société se nomme le « processus de socialisation » (Riutort, 2013), et consiste en un processus central dans la vie sociale de l’individu.e. En fait, il s’agit d’un apprentissage qui prend place par de multiples interactions qui nous relient aux autres (Riutort, 2013), commençant dès la naissance et se poursuivant tout au long de la vie (Castra, 2013). Ainsi, progressivement, nous adoptons les comportements conformes aux attentes de notre environnement, soit notre société. Ce processus s’effectue en deux phases, soit la socialisation primaire et la socialisation secondaire (Riutort, 2013). La socialisation primaire débute dès la naissance et se poursuit durant l’enfance. Il s’agit de la phase la plus déterminante dans le développement social, car elle fournit les bases et les premiers repères sociaux qui nous suivent tout au long de notre vie et structurent notre manière de penser et d’agir. En d’autres mots, l’enfant intègre les normes et les valeurs transmises par ses proches et extrapole tranquillement aux autres sphères de sa vie. Par exemple, l’enfant comprend que ce à quoi ses parents s’attendent de lui, c’est à quoi s’attend la société complète à son égard. Durant la socialisation primaire, les acteurs de la socialisation incluent principalement les parents, les pairs, l’école et les médias (SchoolMouv, s.d.). Bref, l’acquisition de compétences sociales se fait par l’entremise de diverses interactions avec son entourage (Barros Blanco et al., 2022). Ces acteurs participent donc à la création de l’identité de l’individu.e en lui transmettant des normes et des valeurs. Il peut toutefois arriver que différents acteurs transmettent des normes et valeurs contradictoires, ce qui peut risquer de remettre en question l’identité de l’individu.e (Riutort, 2013). Par exemple, il peut y avoir des contradictions dans les valeurs au sein de la famille et des pairs, si d’un côté la famille priorise le travail et la discipline alors que le groupe de pairs préfère l’amusement et la détente. De manière générale, ce sont les parents qui, durant l’enfance, ont le plus d’influence sur le processus de socialisation, même si les pairs y jouent également un rôle très important.
Selon Lahire, sociologue français (Joly, 2013), il existe principalement trois modalités par lesquelles le processus de socialisation s’exécute (SchoolMouv, s.d.). Premièrement, la répétition d’activités permet à l’individu.e d’intérioriser ce qui est attendu, toléré et interdit dans le groupe. Par exemple, aider à débarrasser la table après les repas ou serrer la main à son interlocuteur.trice en guise de salutation sont toutes les deux des activités récurrentes qu’on inculque dans notre société. Deuxièmement, l’agencement implicite des situations ou des espaces, soit la « socialisation silencieuse », ne fait que suggérer des façons d’agir et de penser de manière implicite. Par exemple, la différenciation entre les toilettes pour femmes et pour hommes renforce les différences sociales entre les genres, sans pour autant être explicitement discutées. Troisièmement, l’inculcation de principes culturels notamment diffusés par les institutions représente les comportements que chacun.e doit respecter en fonction de sa position sociale. Par exemple, on s’attend en tant que travailleur.se que nous soyons sérieux.se.s, travaillant.e.s, et professionnel.le.s, alors qu’une fois de retour dans une position sociale familiale, on s’attend plutôt de nous que nous soyons aimables, disponibles et généreux.ses envers autrui. Ainsi, les normes et valeurs acquises changent en fonction de la position sociale occupée au sein d’un.e même individu.e, et même au courant d’une même journée!
Alors que la socialisation primaire est complétée et apporte de bonnes bases sociales durant l’enfance, la socialisation secondaire prend place tout au long du reste de la vie. En fait, elle se fonde sur les acquis de la socialisation primaire en les transformant au cours de l’âge adulte (Castra, 2013). Ce type de socialisation permet à l’adulte de s’intégrer à différents groupes sociaux, comme à un groupe de travail, un parti politique, une association, etc. Ainsi, chaque individu.e est socialisé.e par rapport aux différents groupes avec lesquels il.elle interagit tout au long de sa vie, ce qui fait en sorte que le processus de socialisation ne se termine jamais : ses résultats sont susceptibles de changer ou de se transformer tout au long de la vie (Casta, 2013). En d’autres mots, la socialisation est un processus actif (Rodriguez, Safont-Mottay et Prêteur, 2017).
Texte révisé par Angélique Légaré
Références
Barros Blanco, B., Triviño Rodriguez, J. L., Trella López, M. et Marco Rubio, J. (2022). How do preschoolers interact with peers? Characterising child and group behaviour in games with tangible interfaces in school. International Journal of Human-Computer Studies, 165, 1–16. https://doi.org/10.1016/j.ijhcs.2022.102849
Castra, M. (2013). Socialisation. Sociologie.
Groux, F. (2021, 3 juin). La famille, premier lieu de socialisation du petit enfant. Les pros de la petite enfance. https://lesprosdelapetiteenfance.fr/bebes-enfants/psycho-developpement/la-socialisation-des-enfants-selon-les-etapes-du-developpement/la-famille-premier-lieu-de-socialisation-du-petit-enfant
Joly, M. (2013). Socialisation, sociologie des champs et psychanalyse. Jusqu’où pousser l’unité des sciences humaines et sociales ?. Genèses, 92, 147-160. https://doi.org/10.3917/gen.092.0147
Kelly, R. J. (2007). The foraging spectrum: Diversity in hunter-gatherer lifeways. ISD LLC.
Morawska, A. (2020). The effects of gendered parenting on child development outcomes: A systematic review. Clinical Child and Family Psychology Review, 23(4), 553–576. https://doi.org/10.1007/s10567-020-00321-5
Norme. (s.d.2). Dans Dictionnaire Larousse en ligne. https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/norme/55009
Orbon Alija. (2019). Vue aérienne de la foule reliée par des lignes [image en ligne]. iStockPhoto. https://www.istockphoto.com/fr/photo/vue-a%C3%A9rienne-de-la-foule-reli%C3%A9e-par-des-lignes-gm1180187740-330528859?phrase=socialisation
Riutort, P. (2013). La socialisation: Apprendre à vivre en société. Dans : P. Riutort, Premières leçons de sociologie (p. 63-74). Paris : Presses Universitaires de France.
Rodriguez, N., Safont-Mottay, C. et Prêteur, Y. (2017). L’expression de soi en ligne à l’adolescence: Socialisation entre pairs et quête identitaire. Bulletin de Psychologie, 551(5), 355–368. https://doi.org/10.3917/bupsy.551.0355
SchoolMouv. (s.d.) Comment la socialisation de l’enfant s’effectue-t-elle ? SchoolMouv. https://www.schoolmouv.fr/eleves/cours/comment-la-socialisation-de-l-enfant-s-effectue-t-elle/fiche-de-cours
Valeur. (s.d.1). Dans Dictionnaire Larousse en ligne. https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/valeur/80972