Lorsqu’on y porte attention, on se rend compte que l’imitation en société est courante. N’avez-vous jamais remarqué à quel point les comportements ou expressions faciales des un.e.s sont reproduits par les autres? N’avez-vous jamais été témoin d’une situation où le rire d’une personne se répandait à travers un groupe?
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Lorsque j’avais une dizaine d’années, j’ai eu la chance d’avoir une petite sœur et cela m’a permis de mieux comprendre le monde qui m’entourait. Ainsi, j’ai pu observer son développement dans tous ses aspects. Ce que j’ai surtout remarqué chez ma sœur est sa capacité d’imitation des émotions d’autrui. Si quelqu’un lui souriait, elle faisait de même. Elle reproduisait les émotions qu’elle voyait chez les autres. Cela m’a amenée à porter davantage attention aux comportements d’autrui, en utilisant souvent ma sœur comme comparaison. J’étais fascinée par la façon dont elle acquérait certaines habiletés et par les mécanismes sous-jacents qui lui permettaient d’adopter des comportements sociaux typiques. En y pensant, la quantité d’informations que les bébés et les enfant.e.s doivent absorber et reproduire pour agir en société est impressionnante. Justement, cet apprentissage nécessite des contacts sociaux et une conscience de l’environnement. Ainsi, dès leurs premiers mois de vie, les bébés sont en interaction avec le monde qui les entoure (Boucenna, 2011).
Étant donné qu’au début de la vie d’une personne la communication par la parole représente un obstacle, l’intégration des informations se fait particulièrement au travers de l’observation de l’environnement. Cela se remarque habituellement lors de la petite enfance, où les enfant.e.s semblent absorbé.e.s par tout ce qui les entoure. Iels sont très attentif.ve.s à ce qui se passe autour d’elleux, observant tout, afin d’intégrer le plus d’informations possible dans un but d’apprentissage. Ainsi, l’adaptation sociale, les normes sociales et les interactions sociales nécessitent de l’apprentissage, qui se fait principalement par observation et par imitation.
Cependant, ce type d’apprentissage implique de la constance dans les interactions, et ce, particulièrement chez les enfant.e.s, qui sont plus sensibles aux variations et aux irrégularités. Autrement dit, plus le rythme de l’échange est constant, plus il assure une cohérence entre les actions et les réponses, et plus les enfant.e.s sont porté.e.s à y répondre adéquatement (Boucenna, 2011). En effet, cette constance permet à l’enfant.e de faire des associations adéquates entre toutes les informations auxquelles iels sont confronté.e.s, ce qui constitue un élément central dans tout processus d’apprentissage. Ainsi, lorsque les comportements et leurs réponses sont cohérentes, comme la compréhension des émotions d’autrui et une réponse adéquate à celles-ci, meilleur est le maintien de l’interaction et l’intégration des comportements adéquats à avoir (Boucenna, 2011). Mais, pour que cela soit possible, il est primordial que l’enfant.e soit attentif.ve à son environnement et que les membres de son entourage lui prêtent également attention. Plus généralement, c’est justement cette attention mutuelle qui permet à deux personnes d’entretenir une interaction, ce qu’on peut remarquer par le maintien d’un contact visuel (Boucenna, 2011).
Cette exposition à des échanges cohérents et constants constitue donc une explication au développement de la capacité à bien interpréter les émotions d’autrui. Cette habileté permet, par la suite, le développement de capacités communicationnelles interpersonnelles et un bon attachement entre la figure parentale et l’enfant.e (Mondillon et Tcherkassof, 2009). L’attachement peut être caractérisé comme la capacité à être proche d’autrui, et à se séparer en toute sécurité et avec confiance. Ainsi, un attachement sécurisant se caractérise par une bonne synchronie entre la figure d’attachement et l’enfant.e, par une plus grande sensibilité des besoins de l’enfant.e et en une réponse adéquate à ceux-ci. Il y a aussi une disponibilité physique et émotionnelle qui assure, par le fait même, des échanges plus constants entre l’enfant.e et la figure parentale (Papalia et Martorell, 2018).
Un attachement sécurisant développé durant l’enfance est lié à une meilleure confiance en soi et en autrui, à davantage d’empathie, de persévérance, de coopération, de sociabilité et de curiosité. Aussi, la présence d’inconnu.e.s est vécue de façon moins stressante par les enfant.e.s ayant un style d’attachement sécurisant. Ainsi, ces enfant.e.s tendent à être mieux adapté.e.s socialement. Ces traits persistent habituellement à l’âge adulte (Papalia et Martorell, 2018). De même, les individu.e.s ayant un attachement sécurisant sont plus enclin.e.s à explorer le monde intérieur des autres et à comprendre leur point de vue. Ainsi, iels ont tendance à avoir des habiletés empathiques plus développées (Cyrulnik, 2012).
Tout semble donc interrelié et il en ressort que, comme l’apprentissage au début de la vie se fait principalement par observation et par imitation, l’entourage de l’enfant.e doit assurer une certaine constance et cohérence dans ses interactions. De sorte que l’enfant.e intègre adéquatement les comportements auxquels iel est confronté.e et leurs réponses, afin de les reproduire par la suite de manière appropriée. Aussi, cela permet le développement d’un attachement sécurisant chez l’enfant.e, qui lui permet d’acquérir des habiletés interpersonnelles lui assurant une bonne adaptation sociale, comme l’aptitude à bien répondre aux émotions d’autrui.
Texte révisé par Camille Simard
Références
Boucenna, S. (2011). De la reconnaissance des expressions faciales à une perception visuelle partagée : une architecture sensori-motrice pour amorcer un référencement social d’objets, de lieux ou de comportements [thèse de doctorat, Université de Cergy Pontoise, France]. HAL. https://tel.archives-ouvertes.fr/tel- 00660120v2/document
Cyrulnik, B. (2012). Mourir de dire : La honte. Odile Jacob.
Millette, C. (2022). Jeux d’imitation simples. Educatout. https://www.google.com/url?sa=i&url=https%3A%2F%2Fwww.educatout.com% 2Factivites%2Fpoupons-trottineurs%2Ftheme%2Fjeux-d-imitation- simples.htm&psig=AOvVaw0XxyDdUVlZb7R0X3mWPEXD&ust=1666058065 613000&source=images&cd=vfe&ved=0CA0QjRxqFwoTCOjQ44uU5voCFQA AAAAdAAAAABAE
Mondillon, L. et Tcherkassof, A. (2009). La communication émotionnelle : Quand les expressions faciales s’en mêlent… Revue électronique de Psychologie Sociale, (4), 22-27. https://www.lippc2s.fr/wp-content/uploads/Mondillon- Tcherkassof_REPS_2009.pdf
Papalia, D. et Martorell, G. (2018). Psychologie du développement humain. Chenelière Éducation, 9e édition.