Vous est-il déjà arrivé de trouver votre cadet.te achalant.e ou bien attendrissant.e? Votre ainé.e vous taquinait souvent, ou bien iel vous aidait à faire vos devoirs? Probablement un peu des deux.
Le fait d’avoir des frères et sœurs impacte inévitablement le cheminement d’un enfant. En effet, ce changement de dynamique familiale divise l’attention et l’affection des parents, qui ne pourront plus se dévouer entièrement au premier né ou à la première née, par exemple (Berk, 2022). En 2016, au Canada, 38,5 % des familles comptent deux enfants, tandis que 16,2% en comptent plus de trois (Statistique Canada, 2022). De plus, ces relations familiales durables traversent les années et ont un impact non négligeable sur le développement humain, que ce soit sur l’intérêt de fonder sa propre famille, les habiletés sociales ou même sur l’accessibilité à un soutien émotionnel psychologique (Haxhe, 2018).
Les années séparant les naissances, la répartition des sexes au travers de la fratrie, le nombre d’enfants et les rangs de naissances, par exemple être cadet.te, sont tous des facteurs influençant la dynamique familiale. Une famille comptant minimalement trois enfants et plus expérimente la stimulation de groupe, soit « les alliances qui peuvent se modifier selon les circonstances » (Troupel, 2017). On peut illustrer ce principe en rappelant la fois où vous et un.e autre membre de votre fratrie s’êtes allié.e.s pour en contredire un.e autre. La fois suivante, ce fut l’inverse, iels se sont uni.e.s pour vous prouver tort. En effet, les alliances se créent et se brisent selon les circonstances, les thèmes abordés et le temps. Les frères et sœurs proches en âge construisent habituellement des liens plus forts que celleux présentant un grand écart d’âge. Néanmoins, les conflits peuvent ressurgir dans les deux cas (Troupel, 2017). Ces querelles peuvent cependant exercer les enfants à trouver des solutions pour résoudre ces oppositions, au début grâce à l’aide des parents, puis entre elleux (Berk, 2022). Les bébés apprécient la présence d’enfants plus âgé.e.s. Iels tolèrent plus leurs taquineries, observent leurs actions et leurs déplacements, par exemple, lorqu’iels jouent. Il est aussi possible de remarquer que les bébés sourient plus facilement aux enfants qu’aux adultes. L’intérêt que porte un.e jeune enfant envers l’ainé.e grandit avec l’âge (Troupel, 2017). Cela pourrait peut-être expliquer pourquoi votre cadet.te vous suit fervemment partout?
Vous souvenez vous des scénarios de superhéro.ïne.s, des histoires d’enquêtes ou tout autres jeux de rôles élaborés que vous inventiez avec votre fratrie? Et bien ceux-ci ont grandement contribué à votre développement! En effet, les relations fraternelles ont aussi un grand impact sur la socialisation des enfants. Une personne qui joue souvent avec sa fratrie développe la compréhension du point de vue des autres plus rapidement, ce qui réfère à la théorie de l’esprit. Cela englobe la sensibilité aux émotions, aux pensées, aux intentions, aux croyances de leurs pairs ainsi que le sens moral. Un.e enfant ayant une fratrie est exposé.e à plus de discussions familiales avec des membres plus âgé.e.s, ce qui favorise la réflexion sur les états mentaux de l’autre. Cela est particulièrement vrai lors des jeux de simulation et sociodramatiques, où l’enfant doit comprendre le rôle de l’autre, séparer les personnages de ses coéquipier.ère.s de la personne réelle, etc. (Berk, 2016). De plus, les enfants jouant avec leurs sœurs et/ou leurs frères font preuve d’une plus grande créativité dans les thèmes qu’iels exploitent lors des jeux (Howe, 2008).
5Les relations chaleureuses aident les enfants à mieux s’adapter socialement, à s’intégrer et à être accepté.e.s aisément par leurs pairs. À l’inverse, des relations négatives affaiblissent les chances de développer un type d’attachement sécure, ralentissent l’acquisition de compétences sociales et augmentent les probabilités d’avoir un comportement plus à risque (Haxhe, 2018). Au début, dans les familles de deux frères et/ou sœurs, autrement dit des dyades, l’ainé.e est perçu.e comme un.e modèle pour le ou la plus jeune. Iel agira comme un professeur que le.la cadet.te tentera d’imiter. Plus iels grandissent, plus le déséquilibre entre les deux individus diminue. Autrement dit, les cadet.te.s prennent les devants en s’appropriant davantage leur place et initient à leur tour les jeux. Ainsi, les relations de la fratrie deviennent plus justes et équitables avec le temps (Howe, 2008).
Des études des années 1980 montrent que les personnes provenant de familles nombreuses sont à leur tour plus désireuses d’avoir plusieurs enfants. Une étude plus récente montre que ce désir dépend aussi d’un souvenir heureux de l’enfance et d’un statut socioéconomique favorable. Martine Court et ses associés (2015) rapportent que plusieurs des femmes interrogées et qui étaient l’ainée de leur famille ayant un revenu aisé ont été appelées à prendre beaucoup de responsabilités pour leur famille. Effectivement, elles ont été sollicitées par leur mère afin d’aider à la prise en charge de leurs cadet.te.s. Plusieurs d’entre elles révèlent qu’elles se sentaient valorisées en accomplissant ces tâches et qu’à leur tour voulaient une grande famille. Cependant, les femmes provenant d’une famille avec un statut économique plus faible voyaient cette prise en charge de leurs frères et sœurs plus jeunes comme une tâche lourde et fatigante. Elles aimeraient que leurs enfants puissent expérimenter ces liens de fraternité qu’elles qualifient de positifs, mais elles ne désirent plus avoir le lot de responsabilités associées au rôle de matriarche d’une famille nombreuse.
Enfin, si les enfants perçoivent un traitement injuste de la part des parents, cela peut créer des conflits au sein de la fratrie. Par exemple, si la mère ou le père donnent plus d’attention positive, ou à l’inverse, plus de discipline et de contrôle à un.e membre de la fratrie, les relations entre les frères et sœurs seront plus tendues, se dégraderont et seront moins bénéfiques pour les enfants (Howe, 2008).
Sur le plan émotionnel, la fratrie peut aussi être bénéfique. Les frères et sœurs qui entretiennent une bonne relation s’écoutent et s’offrent des conseils, ce qui entraîne une sécurité affective. La fratrie, lorsque celle-ci est positive, est un endroit de soutien émotif libre de jugement, ce qui est très utile lors de situations anxiogènes. Celleux ayant accès à de bonnes relations fraternelles développent moins de pathologies et d’affects négatifs, comme la dépression, l’anxiété, une faible estime de soi ou l’isolement (Haxhe, 2018).
Finalement, tous les jeux, chicanes et réconciliations ainsi que les souvenirs que vous chérissez et partagez avec votre fratrie auront contribué au développement de la personne que vous êtes aujourd’hui. Ces liens précieux peuvent avoir des impacts positifs indéniables sur une personne lorsqu’ils sont sensibles et chaleureux. Ainsi, ceux-ci méritent d’être célébrés!
Texte révisé par Florence Landry-Lehoux
Références
Berk, L.E. (2022). Infants and Children, Prenatal Through Middle Childhood (9e edition). SAGE college publishing.
Court, M., Bertrand, J., Bois, G., Henri-Panabière, G. et Vanhée O. (2015, 9 juin). Quand les jeunes issus de familles nombreuses envisagent de devenir parents : l’influence de la socialisation primaire sur le nombre d’enfants souhaités. Enfances, Familles, Générations, 22, 206–222. https://doi.org/10.7202/1031125ar
Haxhe, S., Léonard, S., Casman, M., Coste, J., Degey, V., de Saint-Georges, M. et Vrijens, C. (2018). La fratrie comme nouvelle unité stable : Vers une évolution des pratiques en contexte de placement. Cahiers de psychologie clinique, 50, 61-85. https://doi.org/10.3917/cpc.050.0061
Howe N., Recchia, H. (2008, Janvier). Les relations fraternelles et leur impact sur le développement des enfants. https://www.researchgate.net/publication/255611709_Les_relations_fraternelles_et_leur_impact_sur_le_developpement_des_enfants
Miroshnichenko, T., (2020, 22 novembre). Frère et sœur jouant avec une lampe de poche. [image en ligne]. Pexels. https://www.pexels.com/fr-fr/photo/jeune-fille-mignon-sourire-enfance-5951636/
Troupel, O. (2017, janvier). Comment fonctionnent les relations fraternelles ?. Spirale, 81, 45-54, https://doi.org/10.3917/spi.081.0045#xd_co_f=NWM5ZjI0ZDAtM2Q4Ni00ZTcyLTljMDQtYWI1Mjk0Mzg0MGYw~
Statistique Canada. (2018, 8 avril). Journée des frères et sœurs. https://www.statcan.gc.ca/o1/fr/plus/742-journee-des-freres-et-soeurs
Pierre Dumont
Vraiment un bel article! J’ai eu quelques sourires à la lecture.
Merci
Bo-Pierre
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