L’impact du TSA sur l’environnement familial – Par Quentin Lahure

Sortir au parc, partager un bon repas ou simplement se retrouver en famille semble habituellement à portée de main pour un foyer que l’on pourrait considérer ordinaire. Cependant, une activité aussi simple que de déguster une crème glacée semblerait périlleuse et pourrait rapidement se transformer en toute une aventure pour les parents d’enfants dont on a fait le diagnostic du trouble du spectre de l’autisme (TSA). Mais qu’est-ce que ce fameux TSA? On pourrait brièvement le définir tel qu’un trouble d’origine neurodéveloppemental notamment caractérisé par « une dyade de signes cliniques comprenant une altération des interactions sociales et des capacités de communication de l’individu ainsi que la présence d’intérêts, de comportements et d’activités restreints » (Le Corfec et al., 2020, p. 3). Au Québec, c’est environ 16 940 enfants de 1 à 17 ans qui vivent avec un diagnostic de TSA. C’est à la fois un choc pour les parents, mais aussi un deuil de l’enfant idéal accompagné d’une importante charge de travail supplémentaire (Lange, 2015). En effet, prendre soin d’un enfant TSA est une lourde responsabilité dont on observe les effets sur l’entourage. Ainsi, la vie familiale tournerait principalement autour de l’enfant diagnostiqué (Lange, 2015). C’est dans une telle optique que nous analyserons brièvement l’impact du TSA sur l’environnement familial et, plus particulièrement, chez le parent ainsi que la fratrie.

Cela va sans dire, recevoir la nouvelle d’un diagnostic du trouble du spectre de l’autisme chez l’un de ses enfants est synonyme d’importants bouleversements ainsi que d’une certaine période d’adaptation dans le quotidien d’un parent. Le choc provoqué par le diagnostic représenterait en lui-même une première difficulté. En effet, la recherche sur le sujet nous apprend que l’éducation d’un enfant dont on a fait le diagnostic de TSA serait plus ardue en comparaison à l’éducation d’un enfant que l’on pourrait qualifier de neurotypique (Cappe et Poirier, 2016). La recherche sur le sujet favorise l’idée qu’il existerait un important risque de détresse psychologique ainsi que d’isolement social chez les parents (Ben-Cheikh et Rousseau, 2013). Notamment, on considère le niveau de stress chez celleux-ci supérieur à la normale. Il serait caractérisé par une fluctuation d’intensité et ce, « en fonction des pressions extra et intrafamiliales auxquelles ces familles seront soumises, et de leur perception de la situation particulière dans laquelle elles se trouvent » (Sénéchal et des Rivières-Pigeon, 2009, p. 246). L’importante surcharge de travail que représente l’éducation d’un enfant TSA pourrait non seulement être source d’un stress élevé, mais aussi de fatigue, d’irritabilité ou bien dans certains cas, de dépression (Sénéchal et des Rivières-Pigeon, 2009). Ainsi, si l’on considère que 50 % à 80 % des mères d’enfants diagnostiqués font preuve d’un signifiant taux de stress, de détresse ainsi que de dépression, on témoigne effectivement d’un important risque de détresse psychologique chez les parents (Sénéchal et des Rivières-Pigeon, 2009). Cette détresse psychologique ainsi que la surcharge de travail parental pourraient, comme mentionné précédemment, mener jusqu’à l’isolement social.

Si l’on s’intéresse aux principales causes de ce désarroi, on réalise entre autres que le manque de sommeil ainsi que la difficile alimentation seraient notamment en cause (Sénéchal et des Rivières-Pigeon, 2009). Les préférences alimentaires ainsi que le manque de flexibilité face à la nouveauté chez l’enfant dû à une hypersensibilité tactile ou bien à une hypersensibilité de la sphère orale, par exemple, feraient en effet du repas une source de stress supplémentaire (Havard et al., 2009). En fait, le faible niveau d’interaction du côté de l’enfant, le sentiment d’incapacité parentale, l’étrangeté dont sont caractérisés les symptômes du TSA, la monoparentalité, la potentiel stigmatisation ou bien même un réseau social fortement restreint pourraient aussi être sources de détresse psychologique ainsi que d’isolement social. 

Selon Émilie Cappe, chercheuse en psychopathologie, les principaux manques en ce qui concerne les besoins exprimés par les parents d’enfants TSA se résumeraient en une insuffisance de soutient instrumental (Cappe et Poirier, 2016). Effectivement, elle affirme quant aux mères qu’ « elles peinent à trouver du soutien financier, du répit, du gardiennage spécialisé ou une aide à la vie domestique » (Cappe et Poirier, 2016, p. 642). Il existe de même, au sein des parents de jeunes enfants TSA, certaines difficultés additionnelles. Par exemple, au Québec, le parent issu de l’immigration ferait face à un stress supplémentaire quant à l’accès aux ressources notamment dû à « la barrière linguistique, la non-connaissance du réseau de santé, et des difficultés d’insertion professionnelle, qui accentuent leur épuisement » (Ben-Cheikh et Rousseau, 2013, p. 190). Ainsi, le parent, déjà fragilisé par sa récente avenue, se heurte potentiellement à une difficulté supplémentaire dont la différenciation culturelle serait en cause. L’origine du parent aurait donc un impact sur les différents réseaux de soutien auxquels iel aurait accès et plus particulièrement sur la qualité des différents services de la santé en raison d’une organisation déficiente, d’un rapport avec les professionnel.le.s spécialisé.e.s  difficile ainsi que d’un risque de stigmatisation accru (Ben-Cheikh et Rousseau, 2013). Bref, on témoigne d’une importante dégradation quant à la qualité de vie globale du parent (Le Corfec et al., 2020).

Si le TSA influence donc la qualité de vie du parent, une telle pathologie n’épargne pas le bien-être de la fratrie. Selon Stéphanie Claudel-Valentin, Maître de conférence en psychologie clinique du développement à l’Université de Lorraine, l’entourage fraternel de l’enfant serait quant à lui considéré comme une population à risque face au TSA et ce, en fonction du rang de naissance, de l’âge, de la vulnérabilité des parents ainsi que de la propre vulnérabilité de l’individu (Stipanicic et al., 2022). De plus, on constaterait un degré de qualité de vie variable chez la fratrie en fonction de la sévérité de l’autisme auquel elle fait face (Coutelle et al., 2011). En premier lieu, il s’agit de comprendre comment la présence d’un enfant dont on fait le diagnostic influence la dynamique familiale au sein de la fratrie. Le besoin accru d’attention de cet enfant ferait simplement entrave à l’attention physique et psychique que le parent porterait au reste de la fratrie (Claudel-Valentin, 2014). En fait, les différents effets du TSA sur les frères et sœurs s’étendraient sur trois principales dimensions qui sont psychologiques, sociales et comportementales (Le Corfec et al., 2020). D’un point de vue psychologique, on témoigne de difficultés émotionnelles importantes chez la fratrie telles qu’un sentiment de honte, de culpabilité, d’isolement ou simplement de traits dépressifs (Le Corfec et al., 2020).  En fait, Le Corfec, en réaction à la littérature, affirme sommairement que  « les fratries d’enfants avec un TSA rapportent plus d’anxiété et de souffrance que le groupe des fratries typiques. » (Le Corfec et al., 2020, p. 366). Ainsi, on comprend que le TSA impacte effectivement, de près ou de loin, la santé psychologique des frères et sœurs face au handicap de l’enfant. Quant à l’aspect social de la chose, c’est la réaction de l’environnement face au TSA, et plus particulièrement celle d’autrui, qui entraînerait un souci d’embarras, de peur ou bien de frustration chez la fratrie et ce, au même titre que chez le parent (Le Corfec et al., 2020). On observe ainsi chez l’entourage fraternel le désir de développer un entourage compréhensif et éduqué quant au trouble du spectre de l’autisme. Cependant, il importe de mentionner que les effets du TSA sur l’adaptation sociale des frères et sœurs d’enfants handicapés ne se limite pas qu’à une influence négative. Effectivement, on observerait, par exemple, une amélioration des compétences sociales chez l’enfant impacté par le TSA, peu importe la sévérité de celui-ci, et ce, plus particulièrement chez les familles nombreuses (Coutelle et al., 2011).  Ainsi, Le Corfec affirme comprendre, par le biais de certaines études, que la fratrie d’enfants TSA démontrerait une plus importante aptitude à faire preuve d’empathie ainsi que de tolérance (Le Corfec et al., 2020). Le comportement en lui-même des frères et sœurs serait lui aussi influencé par l’autisme auquel iels sont exposé.e.s. Les fratries d’enfants TSA présenteraient donc une plus importante quantité de problèmes de comportements externalisés et internalisés et ce, en comparaison aux fratries typiques (Le Corfec et a.l, 2020). En effet, selon une étude de Ross et Cuskelly, « 40 % des mères affirment que la fratrie présente des difficultés d’adaptation comportementale » (Le Corfec et al., 2020, p. 366). Bref, on comprend de cela que la présence d’un tel diagnostic au sein d’une famille n’influence pas seulement le parent, mais aussi la fratrie. Un accompagnement psychologique contribuerait au bien-être de la fratrie, du parent, mais aussi de l’enfant lui-même affecté par son influence sur la dynamique familiale (Coutelle et al., 2011). 

Ainsi, on comprend qu’à travers les difficultés que représente l’éducation d’un enfant TSA, les parents, aussi bien que la fratrie, seraient affectés par le diagnostic quant à divers aspects de leur vie, et ce, quotidiennement. 

Texte révisé par Nevena Popova 

Références

Ben-Cheikh, I. et Rousseau, C. (2013). Autisme et soutien social dans des familles d’immigration récente : l’expérience de parents originaires du Maghreb. Santé mentale au Québec38(1), 189–205. https://doi.org/10.7202/1019192ar

Cappe, É. et Poirier, N. (2016). Les besoins exprimés par les parents d’enfants ayant un TSA : une étude exploratoire franco-québécoise. Annales Médico-psychologiques, revue psychiatrique, 174(8), 639‑643. https://doi.org/10.1016/j.amp.2015.06.003

Claudel-Valentin, S. (2014). Etre frère ou soeur d’une personne autiste: quel développement affectif et cognitif, quel impact sur l’adaptation scolaire? Psychologie et Education. https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02387901/document 

Coutelle, R., Pry, R. et Sibertin-Blanc, D. (2011). Développement et qualité de vie des frères et sœurs adolescents de sujets porteurs d’autismes: une étude pilote. La psychiatrie de l’enfant54(1), 201-252. https://www.cairn.info/revue-la-psychiatrie-de-l-enfant-2011-1-page-201.htm 

Havard, E. P., Carreau, M. et Tuffreau, R. (2009). Les troubles sensoriels: impact sur les troubles alimentaires. Arapi, (23). https://reseauconceptuel.umontreal.ca/rid=1MWJVJ42D-P6R8DR-1JG/2009%20Marjorie%20Carreau.pdf 

Lange, E. D. (2015). Étude exploratoire sur les changements dans les occupations et les rôles des membres d’une famille dont l’un des enfants présente un trouble du spectre de l’autisme: une étude de cas. Université du Québec à Trois-Rivères. https://depot-e.uqtr.ca/id/eprint/7717/1/031078070.pdf 

Le Corfec, G., Le Maner-Idrissi, G. et Le Sourn-Bissaoui, S. (2020). Qualité de vie des fratries d’enfants avec un trouble du spectre de l’autisme. Revue de littérature. Neuropsychiatrie de l’Enfance et de l’Adolescence, 68(7), 362-369. https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0222961720301343 

Sénéchal, C. et des Rivières-Pigeon, C. (2009). Impact de l’autisme sur la vie des parents. Santé mentale au Québec, 34(1), 245-260. https://www.erudit.org/en/journals/smq/1900-v1-n1-smq2905/029772ar/abstract/ 

Stipanicic, A., Couture, G., Rivest, C., Rousseau, M. et Paquette, M. (2022). Au-delà du TED, des compétences parentales à ma portée: évaluation des effets d’un programme de soutien destiné aux parents d’enfants présentant un trouble du spectre de l’autisme.  Annales Médico-psychologiques, revue psychiatrique, 180(8), 736-744. Elsevier Masson. https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0003448721003930 

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