Les stratégies de régulation émotionnelle – Par Emmanuelle Alcantar-Laguë

Les différents évènements que nous vivons peuvent déclencher toute une gamme d’émotions, autant positives que négatives. Les émotions font donc partie intégrante de notre quotidien et apprendre à les maîtriser contribue à rendre notre vie plus agréable. On peut, par exemple, penser à un.e enfant n’ayant pas encore appris à réguler ses émotions lors de situations frustrantes et qui aura donc habituellement une réaction émotionnelle intense paraissant inappropriée chez un.e adulte. Savoir réguler ses émotions est un processus déterminant dans l’adaptation de l’individu.e. 

Les stratégies de régulation émotionnelle sont des processus à travers lesquels les gens modulent leurs émotions, que ce soit consciemment ou non, afin de répondre aux demandes de leur environnement (Aldao et al., 2010).  Lorsque les individu.e.s tentent de réguler leurs émotions, iels veulent influencer la nature des émotions ainsi que la manière dont elles sont ressenties et exprimées (Christophe et al., 2009). Certaines stratégies de régulation émotionnelle sont adaptatives alors que d’autres ne le sont pas. Une stratégie qui est adaptative permettra notamment à l’individu.e de calmer un ressenti émotionnel négatif alors qu’une stratégie maladaptative l’accentuera. De plus, la régulation émotionnelle peut être centrée sur l’antécédent, en se présentant avant la réponse émotionnelle, ou encore être centrée sur la réponse, en se manifestant après la réponse émotionnelle (Korb, 2019). Diverses stratégies de régulation émotionnelle se basant sur le modèle de Gross seront décrites dans cet article.

La sélection de la situation 

La sélection de la situation est une stratégie centrée sur l’antécédent; elle consiste à choisir les situations dans lesquelles on se met en fonction des émotions qu’elles sont susceptibles de nous faire ressentir (Gross, 2001). Par exemple, si je souhaite ressentir des émotions positives, je déciderai peut-être d’aller voir un.e ami.e qui me fait rire. Nous pouvons également anticiper qu’une certaine situation provoquera chez nous des émotions négatives et éviter de se mettre dans cette situation. 

La modification de la situation

Une fois la situation sélectionnée, nous pouvons nous comporter de différentes façons afin de modifier la situation ainsi que les émotions qu’elle déclenche (Gross, 2001).  Par exemple, si un.e ami.e aborde un sujet qui me rend triste, je pourrais tout simplement changer le sujet de la conversation afin de ne plus vivre cette expérience émotionnelle. 

Le focus attentionnel

Le focus attentionnel consiste à diriger son attention sur un certain aspect d’une situation. Ainsi, une personne peut se distraire et ne pas porter attention à un stimulus émotionnellement bouleversant, ce qui est considéré comme un mécanisme de régulation émotionnelle adaptatif (Korb, 2019). Par exemple, au cours d’une situation troublante, nous pourrions vivre moins d’émotions négatives si on décidait de dessiner, car notre attention serait alors portée ailleurs que sur la situation générant les émotions négatives. Un second exemple pourrait être de penser à un moment plaisant pendant un rendez-vous chez le dentiste plutôt que de se concentrer sur les sensations désagréables dans notre bouche. 

La réévaluation cognitive

La réévaluation cognitive implique de modifier la signification d’une situation, de ses causes, de ses enjeux ou encore de ses résultats par un effort cognitif conscient, habituellement après s’être rendu.e compte que l’on ressent une émotion, et peut servir à modifier l’impact de celle-ci (Korb, 2019). Par exemple, si quelqu’un.e nous bouscule dans un magasin, nous pourrions d’abord ressentir de la colère en se disant que cette personne ne porte pas attention aux gens autour d’elle, mais nous pourrions par la suite réinterpréter la situation en se disant que cette personne est très pressée et n’a pas fait exprès de nous bousculer, ce qui risque d’atténuer notre sentiment de colère. 

La suppression émotionnelle

La suppression émotionnelle consiste à inhiber volontairement notre expression émotionnelle, par exemple notre posture, notre voix, notre expression faciale ou notre comportement. L’individu.e cherche donc à contrôler la façon dont iel exprime l’émotion ressentie (Korb, 2019). Par exemple, si on reçoit une remarque blessante, nous pourrions essayer de ne pas laisser paraître que cela nous a affecté.e en ne démontrant aucun signe de tristesse (en souriant, en riant, etc.). L’expression faciale, étant liée à l’émotion, produit une expression qui ne correspond pas à l’émotion qu’on ressent et devrait diminuer l’intensité de celle-ci (Ceschi et Scherer, 2001). 

Les différentes manières de réguler ses émotions auront donc différents impacts sur l’individu.e. Il est important de noter que les stratégies de régulation émotionnelle non-adaptatives sont liées à la psychopathologie. Par exemple, la rumination, où le focus attentionnel est porté sur les aspects négatifs d’une situation, serait davantage liée à la dépression et à l’anxiété, alors que la réévaluation cognitive serait moins liée à la psychopathologie en général (Aldao et al., 2009).

Bref, savoir réguler ses émotions, ou plus précisément savoir les réguler de la bonne façon, constitue une compétence adaptative, bénéfique à tout.e individu.e qui veut pouvoir agir efficacement sur son expérience émotionnelle. 

Texte révisé par Eugénie Adlhoch-Mathé

Références

Aldao, A., Nolen-Hoeksema, S. et Schweizer, S. (2010). Emotion-regulation strategies across psychopathology: A meta-analytic review. Clinical psychology review, 30(2), 217-237. https://doi.org/10.1016/j.cpr.2009.11.004

Ceschi, G. et Scherer, K. (2001). Contrôler l’expression faciale et changer l’émotion : une approche développementale. Enfance, 53(3), 257-269. https://doi.org/10.3917/enf.533.0257

Christophe, V., Antoine, P., Leroy, T. et Delelis, G. (2009). Évaluation de deux stratégies de régulation émotionnelle : la suppression expressive et la réévaluation cognitive. Revue européenne de psychologie appliquée. 59(1), 59-67. https://doi.org/10.1016/j.erap.2008.07.001

Crescoli, G. (2017, 27 novembre). Four green emoticons balls [image en ligne]. Pixabay. https://pixabay.com/fr/photos/smiley-émoticône-colère-en-colère-2979107/

Gross, J.-J. (2001). Emotion regulation in adulthood: Timing is everything. Current directions in psychological science, 10(6), 189-230. https://doi.org/10.1111/1467-8721.00152

Korb, S. (2019). Chapitre 8. La régulation des émotions. Dans David Sander (éd.), Traité de psychologie des émotions (p. 259-288). Dunod. https://doi.org/10.3917/dunod.sande.2019.01.0259

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