À travers les hauts et les bas : Le développement émotionnel à l’adolescence – Par Florence Léonard

L’adolescence correspond à la période développementale entre 12 et 18 ans, soit entre l’enfance et l’âge adulte, lors de laquelle les individu.e.s vivent différents changements aux plans physique, identitaire et social (Boyd et Bee, 2017). Au niveau physique, l’adolescent.e traverse une multitude de changements qui modifieront son apparence, tels que la poussée de croissance, l’augmentation de la masse musculaire et le changement de la voix. Sur le plan identitaire, l’adolescence est synonyme de questionnements, de réflexions et de découvertes sur soi, sa personnalité, ses buts et sa place dans le monde. Enfin, dans la sphère sociale, les adolescent.e.s créent de nouvelles amitiés, intègrent de nouveaux groupes et accordent une importance particulière aux relations extra-familiales (Boyd et Bee, 2017). L’ensemble de ces changements peut être difficile à vivre pour l’adolescent.e, qui doit constamment s’adapter à travers cette période tumultueuse de la vie. Il n’est donc pas rare que les aléas de l’adolescence s’accompagnent de hauts et de bas sur le plan émotionnel également. En effet, les adolescent.e.s tendent à ressentir des émotions plus vives et plus fluctuantes lors de cette période développementale (Larson et Brown, 2007). Pourquoi est-ce le cas? 

D’abord, le développement du cerveau peut expliquer, en partie, l’instabilité émotionnelle des adolescent.e.s. En effet, certaines régions cérébrales impliquées dans l’inhibition et la régulation émotionnelle, telles que les lobes frontaux, préfrontaux et l’amygdale, ainsi que les connexions neuronales entre celles-ci, ne sont pas complètement développées à l’adolescence (Boyd et Bee, 2017). Ceci peut se traduire par des émotions plus vives et des stratégies d’adaptation malsaines, car elles sont généralement plus impulsives (Lenroot et Giedd, 2006). Toutefois, deux processus neuronaux en jeu durant l’adolescence permettront le développement des régions cérébrales nommées précédemment (Bailen et al., 2019). D’abord, la myélinisation correspond au processus de formation de la gaine de myéline autour des fibres nerveuses, ce qui favorise la vitesse de transmission de l’information (Bear et al., 2016; Yurgelun-Todd, 2007). Puis, la synaptogenèse, soit le processus de formation des synapses, crée et renforce les connexions neuronales entre différentes zones du cerveau (Bear et al., 2016). Ainsi, au fur et à mesure que les connexions neuronales entre les régions préfrontales et l’amygdale se fortifient, l’adolescent.e démontrera des capacités de régulation émotionnelle de plus en plus efficaces (Boyd et Bee, 2017). En résumé, les émotions fortes et instables vécues à l’adolescence sont causées, en partie, par une intégration inachevée des réseaux neuronaux impliqués dans le traitement des émotions. 

Par la suite, au niveau cognitif, l’adolescent.e développe un nouveau type de pensée, soit la pensée abstraite (Boyd et Bee, 2017; Yurgelun-Todd, 2007). Cette dernière engendre un raisonnement plus complexe qui permet le traitement d’informations plus sophistiquées, telles que la capacité à réfléchir aux émotions et aux pensées d’autrui (Bailen et al., 2019). Les adolescent.e.s peuvent désormais considérer les nuances et les hypothèses (Boyd et Bee, 2017). Ces réflexions plus poussées peuvent engendrer de nouveaux questionnements chez l’adolescent.e, par exemple quant à sa place dans le monde ou quant aux dynamiques sociales qui l’entourent. L’adolescent.e démontre une plus grande introspection et réfléchit davantage à ses propres émotions (Rosenblum et Lewis, 2003). Ce développement cognitif s’accompagne ainsi d’une expérience émotionnelle plus vaste et plus vive (Rosenblum et Lewis, 2003). 

De plus, l’adolescence engendre une multitude de transitions et de conflits identitaires qui peuvent engendrer des émotions vives et volatiles (Boyd et Bee, 2017; Rosenblum et Lewis, 2003). En effet, l’adolescent.e doit se détacher de son enfance, et donc de ce qu’iel connait le mieux, pour se tourner vers l’indépendance associée à l’âge adulte. Ce détachement peut être à la fois excitant, intimidant et menaçant pour les jeunes. Il peut également engendrer davantage de conflits avec les parents (Bailen et al., 2019). Afin de bâtir leur indépendance, les jeunes construisent tranquillement leur identité, leur concept de soi et se définissent de façon plus abstraite que les jeunes enfants. Cette quête identitaire peut être anxiogène pour plusieurs et, de ce fait, engendrer des émotions vives comme la colère, l’anxiété, l’incompréhension et la tristesse (Boyd et Bee, 2017). Ces changements identitaires s’accompagnent également de transitions sociales, comme l’entrée au secondaire, des interactions plus nombreuses avec les pairs et les premières relations amoureuses (Bailen et al., 2019; Rosenblum et Lewis, 2003). Ainsi, l’adolescent.e fait face à de multiples stresseurs qui requièrent une adaptation continue au quotidien. 

Considérant que l’adolescence s’accompagne d’une expérience émotionnelle unique, riche et tumultueuse, quelles sont les principales compétences émotionnelles que devraient développer les adolescent.e.s? La littérature indique que l’habileté à réguler des émotions vives, à s’auto-apaiser et à reconnaître ses propres émotions doit se développer durant l’adolescence (Rosenbum et Lewis, 2003). Les parents et les adultes qui œuvrent auprès des jeunes peuvent d’ailleurs constituer de véritables modèles. Par exemple, en démontrant soi-même une bonne capacité à nommer, exprimer et réguler ses émotions, il est possible d’avoir un réel impact sur les capacités de régulation émotionnelle des adolescent.e.s (Larson et Brown, 2007). De plus, la capacité à séparer ses émotions de son identité et à utiliser la cognition pour réfléchir à son vécu émotionnel peut aider une personne à traverser des émotions fortes (Rosenbum et Lewis, 2003). Au-delà de ces compétences émotionnelles, il importe que les adolescent.e.s se sentent soutenu.e.s, écouté.e.s et validé.e.s par les adultes de leur quotidien, afin de mieux naviguer à travers les hauts et les bas de l’adolescence.

Texte révisé par Myriam Phaneuf

Références

Bailen, N. H., Green, L. M. et Thompson, R. J. (2019). Understanding Emotion in Adolescents: A Review of Emotional Frequency, Intensity, Instability, and Clarity. Emotion Review11(1), 63–73. https://doi.org/10.1177/1754073918768878

Bear, M. F., Connors, B. W. et Paradiso, M. A. (2016). Neurosciences à la découverte du cerveau (adapté par A. Nieoullon; 4e éd.). Éditions Pradel.

Boyd, D. et Bee, H. (2017). Les âges de la vie (adapté par J. Andrews, C. Lord et F. Gosselin; 5e éd.). Pearson; Éditions du Renouveau Pédagogique.

Cottonbro Studio. (2020). [personne au téléphone] [image en ligne]. Pexels. https://www.pexels.com/fr-fr/photo/personne-jeune-fille-lit-telephone-mobile-6593739/ 

Larson, R.W. et Brown, J. R. (2007). Emotional Development in Adolescence: What can be Learned From a High School Theater Program? Child Development, 78, 1083- 1099. https://doi.org/10.1111/j.1467-8624.2007.01054.x

Lenroot, R. K. et Giedd, J. N. (2006). Brain development in children and adolescents: insights from anatomical magnetic resonance imaging. Neuroscience and biobehavioral reviews30(6), 718–729. https://doi.org/10.1016/j.neubiorev.2006.06.001 

Rosenblum, G. D. et Lewis, M. (2003). Emotional development in adolescence. Dans G. R. Adams et M. D. Berzonsky (dir.), Blackwell handbook of adolescence (p. 269–289). Blackwell Publishing.

Yurgelun-Todd, D. (2007). Emotional and cognitive changes during adolescence. Current Opinion in Neurobiology, 17(2), 251-257. https://doi.org/10.1016/j.conb.2007.03.009 

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