L’intelligence émotionnelle est une notion surprenante puisqu’à première vue, elle englobe deux concepts qui semblent s’opposer. D’un côté, l’intelligence réfère aux capacités mentales et cognitives d’un.e individu.e, lui permettant de résoudre un problème ou de s’adapter à son environnement (Futura Sciences, s. d.). De l’autre côté, selon le dictionnaire Larousse, une émotion réfère « à la réaction affective transitoire d’assez grande intensité, habituellement provoquée par une stimulation venue de l’environnement ». (« Émotion », s. d.). Effectivement, les capacités de raisonnement sont significativement réduites lors d’un accès émotionnel, d’où la raison pour laquelle il est impératif de connaître les composantes sous-jacentes à l’intelligence émotionnelle. Ce texte discute du modèle de l’intelligence émotionnelle de Goleman, qui a été popularisé vers la fin des années 90 (Sfetcu, 2020).

Le modèle de Goleman (Goleman, 2010a)

Daniel Goleman, psychologue américain spécialiste du comportement, a identifié 25 compétences émotionnelles qui s’articulent autour de cinq éléments propres à l’intelligence émotionnelle. Certaines de ces compétences déterminent notre propre comportement et d’autres, notre manière de gérer nos relations avec les autres. Les voici : 

1. La conscience de soi

La conscience de soi regroupe trois composantes : la conscience émotionnelle, l’auto-évaluation et la confiance en soi (Goleman, 2010a). Plus précisément, la conscience émotionnelle permet la reconnaissance et la compréhension des émotions vécues. En effet, les émotions constituent une source d’information essentielle quant à la perception d’une situation dans l’environnement (Sfetcu, 2020). Il faut également se rappeler qu’une émotion est d’abord inconsciente. Plus son identification est rapide, meilleure en sera sa gestion. Quant à elle, l’auto-évaluation concerne plutôt la connaissance de ses forces et de ses limites. La connaissance de soi permet d’établir, de manière plus concrète, ce qui est davantage important pour nous. La confiance en soi s’avère être la dernière composante de la conscience de soi. Elle englobe l’estime de soi, la connaissance de sa propre valeur et de ses propres capacités (Singh, 2004). Bref, la conscience de soi est une compétence qui demande une grande démarche d’introspection. La connaissance de ses états internes, de ses préférences, de ses ressources et de ses intuitions influence fortement la manière de penser et d’agir. 

2. La maîtrise de soi

La compétence qui permet le contrôle et la canalisation des émotions se nomme la maîtrise de soi. Elle englobe cinq composantes : le contrôle de soi, la fiabilité, la conscience professionnelle, l’adaptabilité et l’innovation (Goleman, 2010a). Notre capacité d’auto-régulation permet la canalisation des émotions négatives. Sans cette auto-analyse, les émotions nous submergeraient et les actions posées seraient hâtives et sans réflexion face aux conséquences potentielles. Il serait également difficile de faire face aux changements puisque la maîtrise de soi permet de faire preuve de souplesse. En somme, la gestion de ses états internes, de ses impulsions et de ses ressources est essentielle pour faire preuve de responsabilité, d’objectivité et pour demeurer calme en toute circonstance (Hess et Bacigalupo, 2011).

3. La motivation personnelle

La motivation personnelle regroupe l’exigence de la perfection, l’engagement, l’initiative et l’optimisme (Goleman, 2010a). Il s’agit des caractéristiques intrinsèques qui permettent la poursuite d’objectifs personnels sans être totalement motivées par des éléments externes comme l’argent ou le statut. La motivation amène une personne à persévérer malgré les obstacles. Cette tendance émotionnelle qui guide la réalisation de nos buts permet l’apprentissage de la résilience. Il s’avère que cette capacité permet la transformation d’un échec en apprentissage (Hess et Bacigalupo, 2011).

4. L’empathie

L’empathie est une compétence fondamentale : il s’agit de la capacité à reconnaitre et comprendre les émotions des autres (« Empathie », s. d.). Elle comprend la compréhension des autres, la passion du service, l’enrichissement des autres, l’exploitation de la diversité et la sensibilisation politique (Goleman, 2010a). Une personne empathique s’intéresse au ressenti d’autrui et écoute de manière active pour mieux comprendre ce que la personne vit, sans toutefois se mettre à la place de celle-ci Bref, la conscience des sentiments, des besoins et des préoccupations des autres offre une meilleure connaissance de l’interlocuteur.rice, ce qui assure une communication efficace et bienveillante.

5. La sociabilité

Indispensable au bon fonctionnement en société, la sociabilité permet de construire et d’entretenir les relations humaines. Particulièrement importante dans le milieu professionnel, cette dernière permet de communiquer librement, de défendre ses droits et de faire valoir ses envies et besoins en présence des autres (ICAEW Insights, 2021). La sociabilité regroupe donc des aspects comme l’influence, la communication, le sens de la médiation, le leadership, la gestion des changements, la construction des liens, le sens de la collaboration et la capacité de mobiliser une équipe (Goleman, 2010b). Ces aptitudes sont cruciales quant à l’induction de réponses favorables chez les autres puisque les gens ayant un niveau de sociabilité élevé sont aisément capables de construire des liens avec les autres, sur la base de points communs précédemment décelés.

Développer l’intelligence émotionnelle

Bien évidemment, les compétences émotionnelles ne sont pas innées. Il faut les apprendre, les développer et les perfectionner au cours du temps. Le manque de développement de ces composantes est distinguable par une mauvaise gestion des réactions, c’est-à-dire d’agir de manière impulsive, agressive ou même en s’effaçant dans certaines situations (Nguyen et Brun, 2021). Ainsi, l’intelligence émotionnelle est une compétence qui permet d’appréhender les émotions et de les utiliser comme source d’informations non négligeable quant aux événements qui se produisent dans notre environnement. 

Dans plusieurs sphères de la vie, comme au travail, l’intelligence émotionnelle est un savoir-être indispensable. Certaines situations déclenchent des réactions inattendues, inconfortables, ou même anxiogènes. Pour gérer avec rationalité des situations comme celles-ci, il est nécessaire de prendre du recul et d’identifier l’émotion ressentie (Futura Sciences, 2020). Bien qu’il soit impossible de contrôler l’apparition des émotions, il est possible de les appréhender grâce à beaucoup de pratique. La connaissance de soi et des situations qui suscitent une réaction indésirable aident considérablement à prévoir l’apparition d’une émotion. De cette manière, il est plus facile de développer des techniques de gestion d’émotion ou de se retirer d’une situation par prévention. Nier les émotions qui surgissent peut avoir des effets contre-productifs, autant sur la santé que sur les relations avec les autres (Nguyen et Brun, 2021). L’identification préalable de techniques adéquates de gestion d’émotions témoigne d’une connaissance précise sur la manière d’analyser rationnellement les émotions. Voici quelques exemples proposés par le Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de la Mauricie-et-du-Centre-du-Québec :

1.  Exercice de relaxation (pleine conscience, technique de respiration, etc.) ;
2. Technique d’autoapaisement (lire, écrire, peindre, etc.) ;
3. Activités physiques (Course à pied, natation, etc.) ;
4. Technique d’activation du réseau social de soutien (groupe de partage, sortir avec un ami, etc.).

Ainsi, il est certain qu’une meilleure régulation de la sensibilité émotionnelle permet un partage des émotions beaucoup plus authentique et favorise également un environnement sain et efficace. En définitive, les travaux de Daniel Goleman ont non seulement mis en lumière la légitimité des émotions dans l’accomplissement de tâches au quotidien, mais aussi leur importance dans l’amélioration de la qualité de vie, autant au travail que dans la vie personnelle.

Texte révisé par Katrina Bélanger Cayouette

Références

Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de la Mauricie-et-du-Centre-du-Québec. (s. d.). Mieux gérer ses émotions. https://www.santemonteregie.qc.ca/sites/default/files/2022/06/f2.pdf

LvNL. Emotion and thinking concept stock illustration [image en ligne]. iStock. https://www.istockphoto.com/vector/emotion-and-thinking-concept-gm1325849911-410736429?phrase=emotional%20intelligence

Émotion. (s. d.). Dans Dictionnaire Larousse. https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/émotion/28829

Empathie. (s. d.). Dans Dictionnaire Larousse. https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/empathie/28880

Futura Sciences. (s. d.). Intelligence : Qu’est-ce que c’est ? https://www.futura-sciences.com/sante/definitions/corps-humain-intelligence-13498/ 

Futura Sciences. (2020). Intelligence émotionnelle : Comment la développer ? https://www.futura-sciences.com/sciences/questions-reponses/homme-intelligence-emotionnelle-developper-13415/

Goleman, D. (2010a). L’intelligence émotionnelle, tome 1 : accepter ses émotions pour développer une intelligence nouvelle. Éditions Robert Laffont.

Goleman, D. (2010b). L’intelligence émotionnelle, tome 2 : cultiver ses émotions pour s’épanouir au travail. Éditions Robert Laffont.

Hess, J. D. et Bacigalupo, A. C. (2011). Enhancing decisions and decision-making processes through the application of emotional intelligence skills. 49(5). https://doi.org/10.1108/00251741111130805 

ICAEW Insights. (2021). The 5 elements of emotional intelligence. https://www.icaew.com/insights/student-insights/the-5-elements-of-emotional-intelligence 

Nguyen, C. et Brun, J.-P. (2021). Santé psychologique au travail et Covid-19 : Le pouvoir des bonnes pratiques. De Boeck Supérieur. https://doi.org/10.3917/dbu.nguye.2021.01#xd_co_f=NGE3YjgzMDctN2Y2Yi00NWQ2LWE5NjItNzFjZjgyZGY4Nzc0~ 

Sfetcu, N. (2020). Modèles d’intelligence émotionnelle. https://doi.org/10.13140/RG.2.2.22313.52323 

Singh, S. (2004). Development of a Measure of Emotional Intelligence. Psychological Studies, 49(2-3), 136-141. https://www.researchgate.net/profile/Shailendra_Singh34/publication/258293398_Development_of_a_Measure_of_Emotional_Intelligence/links/00b4952849b95f1cce000000/Development-of-a-Measure-of-Emotional-Intelligence.pdf