Ces jeunes écoanxieux ! – Par Jérémy Bigras

Vous est-il déjà arrivé de vous demander si les choix que vous faites pour votre futur et les efforts que vous déployez en accord avec ces choix sont futiles? Vous arrive-t-il d’avoir une remise en question et de craindre d’être complètement à côté de la plaque? Pour ma part, j’ai ce sentiment étrange d’avoir pris le mauvais chemin dès que le sujet de l’environnement est sur la table. Et cela ne vient pas du fait qu’il y ait plusieurs voies et qu’il faille trouver la nôtre, mais c’est plutôt du fait que la situation environnementale est à ce point critique, qu’elle exigerait que chacun.e d’entre nous prenne le chemin de sa défense sans tarder. Autrement dit, il m’arrive parfois, après avoir lu une nouvelle du genre « Les glaciers du Groenland fondent 100 fois plus vite que prévu» (Contegat, 2022) ou « Le changement climatique pourrait devenir plus meurtrier que le cancer » (Sideris, 2022), de me dire qu’après tout, à quoi bon continuer de tracer notre chemin selon les attentes sociétales, si l’on sait bien qu’à la ligne d’arrivée, rien de tout ce qui existe présentement n’aura été épargné par notre cupidité. Devrions-nous vraiment poursuivre notre vie comme les autres l’ont fait auparavant et garder notre tête dans le sable, ou devrions-nous tout mettre en veilleuse et nous battre pour faire bouger les choses et ainsi poser des actions à la hauteur du problème environnemental actuel ?   

*** 

L’écoanxiété  

La gamme d’émotions décrites ci-haut, telles l’impuissance, la peur et la tristesse ressenties en lien avec l’environnement, peut être identifiée comme étant les écoémotions (Tel-Jeunes, s. d.). Parmi celles-ci se trouve l’écoanxiété, qui peut être reconnue comme étant « une grande inquiétude liée au sort de la planète et aux enjeux environnementaux actuels » (Tel-Jeunes, s. d.), à laquelle s’ajoutent « frustration politique et volonté de changer le monde » (Dageville, 2022). Ce néologisme apparait en 1997 et, malgré son intégration dans le Larousse 2023, l’écoanxiété n’est toujours pas reconnue par l’Organisation mondiale de la santé. Il reste que ce terme est de plus en plus étudié, si bien qu’une augmentation de 108 % de sa mention dans les articles publiés est observée entre 2018 et 2019 (Dageville, 2022).  

Cette forme d’anxiété environnementale toucherait davantage la jeune population et les récipiendaires universitaires (Dageville, 2022). En effet, 45 % des jeunes à travers le monde souffrent d’écoanxiété, pourcentage variant évidemment d’une région à l’autre du globe (RTBF TENDANCE avec AFP, 2021). Ce n’est donc pas étonnant d’apprendre qu’une étude de 2018 rapporte que l’environnement est la principale préoccupation de la jeunesse (Dageville, 2022), préoccupation que ne semblent pas réellement partager les instances politiques au pouvoir. Certain.e.s chercheur.e.s qualifient même l’inaction gouvernementale de « préjudice moral » envers le peuple actuel et futur (RTBF TENDANCE avec AFP, 2021). Cette vision est partagée par plusieurs activistes, notamment Elizabeth Wanjiru Wathuti, fondatrice de Green Generation Initiative, qui avance tristement que « nous (étudiant.e.s) ne mourrons pas de vieillesse, nous mourrons des conséquences du changement climatique. » (Dageville, 2022). 

Ses effets 

Nombreux sont les effets de l’anxiété climatique, que ce soit la volonté d’agir pour l’environnement, les troubles du sommeil ou même le suicide. Une étude réalisée en 2022 démontre sans équivoque que l’écoanxiété peut se transmuer en dépression et en trouble anxieux généralisé (Dageville, 2022). Une autre recherche, dont les résultats sont choquants, nous fait part du lien entre réchauffement climatique et suicide, notamment en affirmant que chaque augmentation de la température globale de 1 °C amène avec elle une augmentation de 1 % des suicides qui ont pour principale cause l’écoanxiété (Dageville, 2022). Évidemment, ces situations extrêmes sont minoritaires chez les personnes écoanxieuses, mais il reste que cette condition influence les choix de vie des individu.e.s concerné.e.s. Par exemple, les individu.e.s écoanxieux.ses choisiront souvent de ne pas avoir d’enfant.s, choix plus qu’efficace pour réduire son impact environnemental, et souvent motivé par la peur de fonder une famille dans un monde qui s’effondre (Dageville, 2022).   

Dans une optique plus positive, il arrive fréquemment que l’anxiété ressentie pour l’environnement pousse ceux et celles qui en souffrent à entreprendre des changements dans leurs habitudes de consommation et à se mobiliser pour que d’autres suivent leur trace. Il s’agit dans ce cas d’une réaction tout à fait normale et saine (Tel-Jeunes, s. d.). Disons que la Terre se porterait beaucoup mieux si tout le monde atteignait ce niveau de préoccupation. 

Ses causes 

Pour bien comprendre l’écoanxiété, il est primordial d’apporter une spécification concernant sa cause principale. En effet, il est fréquent que les médias soient pointés du doigt pour leur implication dans l’instauration et le maintien d’un fil d’actualité anxiogène, et avec raison. Toutefois, il est pertinent de faire la distinction entre deux phénomènes couverts par les médias et ayant des impacts diamétralement opposés. D’un côté, il y a la couverture médiatique des alarmistes environnementaux et autres expert.e.s, tel.le.s que David Susuki et Greta Thunberg, tandis que de l’autre côté se trouve l’attention des médias donnée aux campagnes de décrédibilisation de la science, initiées par les climatosceptiques tel.le.s que Donald Trump et ses acolytes de la droite (Geo, 2018). Sans étonnement, ce ne sont pas les informations apportées par les scientifiques qui sont elles-mêmes anxiogènes, mais c’est plutôt « l’effort de minimisation des conséquences du réchauffement climatique » qui est vecteur d’écoanxiété (Dageville, 2022). Autrement dit, ce n’est pas le fait que les scientifiques lancent un signal d’alarme qui est anxiogène, mais c’est plutôt le fait que personne ne semble s’en préoccuper.   

On pourrait se rassurer en se disant que les climatosceptiques reçoivent moins d’attention des médias que les scientifiques. Pourtant, une étude révèle qu’iels ont 49 % plus de visibilité que les climatologues (Dageville, 2022)… de quoi rendre une personne écoanxieuse encore plus anxieuse.  

Des solutions? 

Heureusement, il existe des solutions et des façons de gérer son écoanxiété. Certaines sont de notre ressort direct, d’autres le sont moins. Par exemple, un.e étudiant.e universitaire sera davantage en mesure de se servir de son angoisse climatique pour motiver son changement personnel que pour restreindre la visibilité donnée aux climatosceptiques, action qui ne dépend pas que de sa propre personne. L’action militante est donc une excellente façon de diminuer son anxiété, à condition de la jumeler avec un contrôle émotionnel adéquat. En effet, le militantisme augmente l’exposition aux informations climatiques réalistes, et donc nécessairement alarmantes, et il est établi qu’une exposition accrue jumelée à une mauvaise régulation de son anxiété peut avoir un effet pervers et accroître l’écoanxiété (Dageville, 2022). Toutefois, le fait de rejoindre des organisations collectives, telles que Youth for climate, permet de rencontrer d’autres personnes pour qui cette cause est vitale et de réaliser que l’on est loin d’être seul.e pour mener cette bataille. Je pense même qu’avec le temps, un certain niveau d’écoanxiété deviendra probablement la norme dans notre société. À bien y penser, c’est logique… qui resterait sans rien faire si sa maison était en feu?  

Texte révisé par Eugénie Adlhoch-Mathé 

Références 

Cocoparisienne. (2017, 3 avril).  [Image d’un ours polaire sur un iceberg] [image en ligne]. Pixabay. https://pixabay.com/fr/photos/ours-polaire-iceberg-banquise-2199534/

Contegat, Y. (2022, 23 décembre). Les glaciers du Groenland fondent 100 fois plus vite que prévu. Daily Geek Show. https://dailygeekshow.com/fonte-glaciers-groenland/  

Dageville, E. (2022, octobre). L’éco-anxiété chez les jeunes. Pour la solidarité. https://www.pourlasolidarite.eu/fr/publication/leco-anxiete-chez-les-jeunes  

RTBF TENDANCE avec AFP. (2021, 30 décembre). Éco-anxiété : 75 % des jeunes dans le monde trouvent l’avenir « effrayant ».  Radio-Télévision belge de la Communauté française. https://www.rtbf.be/article/eco-anxiete-75-des-jeunes-dans-le-monde-trouvent-l-avenir-effrayant-10905767  

Geo. Qui sont les climato-sceptiques et sur quelles théories se basent-ils?. (2018, 14 décembre). https://www.geo.fr/environnement/qui-sont-les-climato-sceptiques-et-sur-quelles-theories-se-basent-ils-193907#:~:text=Le%20climatoscepticisme%20du%20point%20de%20vue%20scientifique&text=En%20effet%2C%20certains%20scientifiques%20reconnus,trouve%20notamment%20Jean%2DClaude%20Pont

Sideris, F. (2022, 5 novembre). Le changement climatique pourrait devenir plus meurtrier que le cancer. TF1 info. https://www.tf1info.fr/environnement-ecologie/changement-climatique-sante-le-rechauffement-pourrait-devenir-plus-meurtrier-que-le-cancer-selon-l-onu-2237690.html   

Tel-Jeunes. (s. d.). Qu’est-ce que l’écoanxiété?. https://www.teljeunes.com/Tel-jeunes/Tous-les-themes/sante-psychologique/stress-anxiete/l-ecoanxiete 

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