L’épilepsie : Un tour d’horizon – Sandrine Patenaude

Normalement, lors d’une activité cérébrale, une quantité plus ou moins importante de neurones de plusieurs régions du cerveau génèrent des décharges électriques à des rythmes plus ou moins différents. Par contre, lorsque ces décharges sont anormalement synchronisées et intenses, on parle alors de « crise ». Ce phénomène est relativement courant, touchant de 7 à 10 % de la population au moins une fois au courant de la vie (Bear et al., 2016). Cependant, il est convenu de parler d’« épilepsie » lors de la récurrence de ces crises (Bear et al., 2016).

Ces crises sont habituellement de courtes durées, allant de quelques secondes à quelques minutes. Certains effets temporaires peuvent également se faire ressentir, tels une faiblesse musculaire ou un état de confusion, à la suite de celles-ci. Cependant, lorsqu’une crise dure plus de 30 minutes, on la qualifie d’état « status epilepticus », ce qui est une urgence médicale (Alliance canadienne de l’épilepsie, s. d.). 

Il est plus commun de recevoir un diagnostic d’épilepsie durant l’enfance ou dans les stades plus avancés de la vie (Bear et al., 2016). En effet, l’épilepsie se déclare souvent avant l’âge de 10 ans et encore plus souvent après 60 ans (Épilepsie section de Québec, 2023). Chez les enfant.e.s, l’épilepsie a souvent des origines génétiques, mais elle peut aussi être liée à des pathologies (Bear et al., 2016). La prévalence de cette condition pour les jeunes de 16 ans et moins se trouve entre 0,5 % et 1 % (Ouss, 2013). Elle est plus prononcée chez celleux qui ont un trouble envahissant du développement, notamment l’autisme (Université McGill, 2023), puisqu’iels ont un taux d’épilepsie entre 5 % et 40 % (Ouss, 2013). Ainsi, celleux qui sont plus à même de présenter de l’épilepsie sont celleux ayant un trouble neurologique (Ouss, 2013). Chez les personnes âgées, ce dysfonctionnement cérébral est plutôt dû à des accidents vasculaires cérébraux, des tumeurs cérébrales et il peut également survenir dans la maladie d’Alzheimer. L’épilepsie est ainsi davantage un symptôme d’une condition sous-jacente, plutôt qu’une maladie en elle-même (Bear et al., 2016).

Types de crises d’épilepsie

Deux grands types de crises existent, chacun comportant plusieurs sous-types (CHU Sainte-Justine, 2017). Les crises sont classifiées selon la localisation de leur origine dans le cerveau. On retrouve donc les crises focales et généralisées. Pour ce qui est du premier type, ce sont des crises qui débutent à un endroit précis (un « foyer ») dans un hémisphère cérébral. Des sous-divisions de ce type permettent de classifier si la personne subissant une crise focale est consciente ou non (lorsque son contact avec le monde extérieur est altéré). Une autre sous-division est lorsqu’une crise focale se propage aux deux hémisphères. Ensuite, les crises du deuxième type, soit celles généralisées, débutent dans les deux hémisphères cérébraux (Alliance canadienne de l’épilepsie, s. d.). La plupart sont accompagnées d’une perte de conscience et d’un comportement désorganisé  (Bear et al., 2016). Ce type peut, par la suite, être divisé en d’autres types dépendamment des aspects comportementaux qui les accompagnent. D’autres crises peuvent également être d’origine inconnue (Alliance canadienne de l’épilepsie, s. d.).

Pour poursuivre, une modification des muscles du corps va souvent de pair avec les crises. Ainsi, lorsque ceux-ci se raidissent, on parle de crise « tonique », alors que lorsque le tonus musculaire diminue, la crise est qualifiée d’« atonique ». De même, la crise est « clonique » lorsqu’elle est accompagnée de mouvements rythmiques saccadés, mais lorsqu’elle est jointe de mouvements ressemblant à des secousses, qui peuvent être très subtils, la crise est plutôt « myoclonique » (Alliance canadienne de l’épilepsie, s. d.). Donc, pour ce qui est de la composante comportementale associée, il importe de préciser que dépendamment des neurones impliqués et de leur activité lors des crises d’épilepsie, différents comportements en résultent (Bear et al., 2016).

De plus, selon le site de déclenchement des crises, des expériences anormales peuvent survenir. En effet, si le foyer d’une crise se trouve dans une région sensorielle, une odeur étrange ou une lumière éblouissante peuvent l’accompagner. Des hallucinations ou des impressions de déjà-vu peuvent également survenir (Bear et al., 2016). Aussi, des hallucinations auditives et des distorsions sonores peuvent avoir lieu si le cortex auditif est le site de déclenchement de la crise (Alliance canadienne de l’épilepsie, s. d.). Si une crise débute dans le cortex temporal, notamment dans l’hippocampe ou l’amygdale, la mémoire, la pensée et la conscience en sont affectées (Bear et al., 2016). 

Conséquences 

Les enfant.e.s souffrant d’épilepsie sont plus susceptibles de rencontrer des difficultés dans les sphères sociale et éducationnelle. Iels sont également plus à risque de présenter des troubles psychopathologiques. En effet, alors que ces troubles touchent 6,6 % de la population, cette proportion grimpe à 28,6  % chez les jeunes épileptiques (Ouss, 2013). Plus spécifiquement, les troubles dont ces jeunes sont plus fréquemment atteint.e.s sont « les troubles de l’attention, les troubles sociaux et les troubles de la pensée » (Ouss, 2013, para. 11). La dépression a elle aussi une prévalence préoccupante, puisqu’elle affecte de 12 % à 36 % des enfant.e.s épileptiques (Ouss, 2013), alors que ce taux est de 3,8 % pour la population globale (Organisation mondiale de la santé, 2021). De plus, l’épilepsie a des impacts « sur la mémoire et l’attention, cré[a]nt une vulnérabilité neuropsychologique spécifique » (Ouss, 2013, para. 37).

Selon le Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine, les troubles d’apprentissage peuvent affecter jusqu’à 60 % des enfant.e.s épileptiques, dépendamment du type de crise et des régions du cerveau touchées (2018). Cela peut, entre autres, s’expliquer physiologiquement. En effet, normalement, en situation d’apprentissage, le cerveau procède à un élagage des connexions entre les neurones, en renforçant celles nécessaires et en éliminant celles inutiles. Dans le cas de l’épilepsie, les crises qui en découlent « interfèrent avec ce processus en maintenant en vie des neurones dont les conne[x]ions ne sont pas requises dans le processus d’apprentissage. » (CHU Sainte-Justine, 2018). Ainsi, l’accès à l’information est plus laborieux à cause d’une trop grande quantité de neurones et de connexions neuronales non essentielles dans le cerveau (CHU Sainte-Justine, 2018). 

Traitements

L’épilepsie peut être traitée à l’aide de médicaments antiépileptiques, des « anticonvulsivants », qui préviennent les crises dans 50 % des cas (Épilepsie section de Québec, 2023). Leur concentration dans le sang doit constamment être maintenue pour être efficace. Cependant, de nombreuses différences individuelles entrent en ligne de compte. Ainsi, certaines personnes devront avoir besoin de plus d’un médicament et d’autres auront davantage d’effets secondaires avec un anticonvulsivant plutôt qu’un autre (Épilepsie section de Québec, 2023). Cependant, cette médication est souvent associée à des troubles comportementaux, cognitifs et dépressifs comme effets secondaires, du moins chez les adultes, ces effets étant moins étudiés chez les enfant.e.s (Ouss, 2013). 

Pour les personnes dont la médication est inefficace, la chirurgie curative, qui est relativement récente, peut être une option pour 10 % à 20 % d’entre elles (CHU Sainte-Justine, 2016; Épilepsie section de Québec, 2023). Il est dorénavant possible de localiser avec une assez grande précision l’endroit dans le cerveau où les crises commencent, grâce à une stimulation électrique via des électrodes implantées dans le cerveau. Cette stimulation provoque des crises, mais permet par le fait même, de cartographier la localisation de celles-ci. Le foyer ainsi cerné, il est possible d’en faire l’ablation de façon ciblée, sans endommager d’autres parties du cerveau (Frauscher, 2019). Cependant, cette chirurgie n’est pas toujours concluante et implique des risques de complications (Gouvernement du Québec, 2022). 

Lorsqu’à la fois la médication et l’intervention chirurgicale curative ne sont pas efficaces, la stimulation constante du nerf vague peut être une option. Cela consiste à implanter un stimulateur dans le thorax, sous la clavicule gauche, qui génère une impulsion électrique à chaque 5 minutes à travers une électrode jusque dans le nerf vague, au niveau du cou. Ce traitement permet à la fréquence des crises d’épilepsie d’être réduite de moitié (CHU de Toulouse, s. d.; Épilepsie section de Québec, 2023). 

Chez les enfant.e.s de moins de 12 ans dont les crises sont difficilement contrôlables, un régime alimentaire cétogène, riche en gras et pauvre en protéines et en glucides, peut également être utilisé. Ce traitement est efficace dans 30 % des cas (Épilepsie section de Québec, 2023).

Conclusion

L’épilepsie est donc très différente d’une personne à l’autre et réfère à un terme générique englobant une grande variabilité d’origines, de manifestations et de conséquences. Les crises d’épilepsie peuvent être très visibles ou, au contraire, passer inaperçues (CHU Sainte-Justine, 2017). Depuis 2015, la Journée Internationale de l’Épilepsie a lieu chaque deuxième lundi du mois de février dans plus d’une centaine de pays. Cette année, elle avait lieu le lundi 13 février (Journée mondiale, s. d.). Le Canada, pour sa part, souligne ce dysfonctionnement cérébral le 26 mars, lors de la « Journée lavande », où chacun.e est invité.e à s’habiller d’un vêtement de couleur lavande dans le but d’appuyer les personnes atteintes d’épilepsie et de sensibiliser la population générale (Gouvernement du Canada, 2023). 

Pour en apprendre davantage sur les types de crises, je vous invite à consulter la page « Épilepsie » du CHU de Québec-Université Laval qui en fait un résumé concis et détaillé. 

Révisé par Myriam Harvey

Références

Alliance canadienne de l’épilepsie. (s. d.). Types de crises d’épilepsie. https://www.canadianepilepsyalliance.org/a-propos-de-lepilepsie/les-types-de- crises-depilepsie/?lang=fr 

Bear, M., Connors, B. et Paradiso, M. (2016). Neurosciences : à la découverte du cerveau (4e éd.). Éditions Pradel. 

CHU de Québec-Université Laval. (2021, 7 décembre). Épilepsie. https://www.chudequebec.ca/patient/maladies,-soins-et-services/m-informer-sur- ma-maladie-ou-ma-condition/epilepsie.aspx 

CHU de Toulouse. (s. d.). Chirurgie de l’épilepsie. https://www.chu-toulouse.fr/-chirurgie- de-l-epilepsie- #:~:text=Parmi%20les%20techniques%20de%20chirurgie,de%20l’intensit%C3% A9%20des%20crises

CHU Sainte-Justine. (2016, 13 décembre). Traitement chirurgical : Gestion médicale. https://www.chusj.org/fr/soins-services/E/Epilepsie/Gestion-epilepsie/Gestion- medicale/Traitement/Chirurgies 

CHU Sainte-Justine. (2017, 16 mars). Types de crises : Parlons d’épilepsiehttps://www.chusj.org/fr/soins-services/E/Epilepsie/Parlons-d-epilepsie/Types-de- crises#:~:text=On%20distingue%20deux%20grandes%20cat%C3%A9gories,renf erment%20diff%C3%A9rents%20types%20de%20crises

CHU Sainte-Justine. (2018, 3 mai). Troubles d’apprentissage : Comorbidités. https://www.chusj.org/fr/soins-services/E/Epilepsie/Parlons-d- epilepsie/Comorbidites/Troubles-d-apprentissage 

Épilepsie section de Québec. (2023). Qu’est-ce que l’épilepsie ?. https://www.epilepsiequebec.com/?page=l–x27-epilepsie–c–x27-est-quoi 

Frauscher, B. (2019, 11 juin). Provoquer des crises d’épilepsie pour les faire disparaître. Neuro (L’Institut-hôpital neurologique de Montréal). https://www.mcgill.ca/neuro/fr/channels/news/provoquer-des-crises-depilepsie- pour-les-faire-disparaitre-297660#:~:text=Les%20patients%20auxquels%20on%20implante,mieux%20cerner%20le%20r%C3%A9seau%20%C3%A9pileptog%C3%A8ne

Gouvernement du Canada. (2023, 7 février). Loi sur la Journée lavande. https://laws- lois.justice.gc.ca/fra/lois/P-38.8/page-1.html#:~:text=2%20Le%2026%20mars%20est,d%C3%A9sign%C3%A9%20comme%20%C2%AB%20Journ%C3%A9e%20lavande%20%C2%BB.&text=3%20 Chacun%20est%20invit%C3%A9%20%C3%A0,le%20public%20%C3%A0%20l eur%20condition. 

Gouvernement du Québec. (2022, 18 octobre). Éviter une intervention inutile chez certains patients atteints d’épilepsie [image en ligne]. https://www.scientifique-en-chef.gouv.qc.ca/impacts/eviter-une-intervention-inutile-chez-certains-patients-atteints-depilepsie/ 

Journée mondiale. (2016, 16 novembre). Journée internationale de l’épilepsie. https://www.journee-mondiale.com/73/journee-internationale-de-l-epilepsie.htm#:~:textLa%20Journ%C3%A9e%20Internationale%20de%20l,dans%20plus%20de%20120%20pays

Organisation mondiale de la santé. (2021, 13 sept.). Dépression. https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/depression#:~:text=La%20d%C3A9pression%20est%20une%20maladie,souffrent%20de%20d%C3%A9pression%20(1)

Ouss, L. (2013). Troubles psychopathologiques de l’enfant épileptique : vers un modèle épigénétique?. Contraste, 2(38), 73-101. https://doi.org/10.3917/cont.038.0073

Université McGill. (2023). Les troubles envahissants du développement (TED) : Qu’est-ce que les Troubles Envahissants du Développement (TED)?https://www.mcgill.ca/buildinglinks/fr/troubles-et-syndromes/ted 

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