J’ai beaucoup entendu parler de limites au cours des dernières années. La pandémie, ayant rapproché et entassé de nombreuses familles pour des mois d’isolement, semble avoir ouvert une conversation sur les limites personnelles. Les articles et pages de santé mentale nous rappellent qu’il faut savoir poser, maintenir et respecter ses limites. Mais ça veut dire quoi, « poser ses limites »?
Une limite est une cloison invisible et flexible qui sert à nous protéger et à conserver notre énergie, notre identité et notre bien-être. La peau est la barrière physique et visible qui nous délimite du reste du monde, et nous pouvons conceptualiser les limites comme une extension de notre peau. Les limites peuvent être émotionnelles, physiques, sexuelles, financières, psychologiques ou sociales (Parada, 2017). Nous pouvons instaurer des limites dans toutes les facettes de notre vie, que ce soit dans le monde réel ou virtuel.
Pour poser ses limites, il faut commencer par faire une introspection (Clinique Go, s. d.). Cette introspection nous aide à comprendre nos propres besoins, intérêts et émotions (Cleveland Clinic, 2022). Il faut ensuite reconnaître les événements qui nous causent des émotions négatives telles que la colère, la déception ou la rancune. Les expériences qui génèrent des émotions négatives nous aident à tracer et définir nos limites (Parada, 2017). Lorsque quelqu’un dépasse la limite ou que nous la soulevons contre notre gré, nous pouvons ressentir de l’épuisement, du stress, de la culpabilité et de la colère. Ces expériences négatives peuvent mener à une sensation de saturation émotionnelle.
Après avoir noté ses émotions, il est important de comprendre que les limites s’adaptent et s’accordent selon nos besoins. Les limites ne sont pas des murs de briques; elles ne sont pas réduites à un « non » (Psych Central, 2021). Au contraire, des limites trop rigides peuvent endommager nos relations autant que des limites trop perméables.
Nous pouvons aussi interpréter une limite comme un moyen de communiquer: elle établit clairement les comportements d’autrui qu’on accepte, et ce dont les autres peuvent s’attendre de nos comportements (Psych Central, 2021). Une limite nous donne un sens d’autonomie et de pouvoir. Les limites doivent être spécifiques, raisonnables et faciles d’application (Parada, 2017). Hannah Rose (2019) propose des exercices de visualisation pour aider à définir nos limites – nous pouvons par exemple imaginer une bulle opaque et colorée qui nous entoure.
La psychiatre Pooja Lakshmin mentionne dans un article de Alisha Haridasani Gupta (2023) que poser ses limites, c’est un acte de self-care véritable, et non un acte de faux self-care. Le faux self-care comprend des solutions rapides servant à se faire plaisir, telles qu’un masque pour le visage ou une bombe pour le bain. Cependant, ces solutions sont inefficaces pour résoudre les problèmes majeurs auxquels les individu.e.s font face.
Lakshmin explique qu’un véritable acte de self-care est de prendre soin de soi à travers nos décisions, notre introspection et nos limites. Lakshmin décrit la limite non pas comme un mur opaque, mais plutôt comme un filet flexible. Elle mentionne qu’il est important de prendre un temps de pause avant d’instaurer ou de lever une limite pour penser à ce que l’on souhaite, et peut-être négocier ou compromettre pour trouver l’option qui nous fait sentir le mieux. Par exemple, si un.e ami.e nous demande de sortir en soirée, nous pourrions être tenté.e de refuser immédiatement, malgré le fait que nous n’avons pas vu cet.te ami.e depuis longtemps. Il faut prendre un moment pour se demander ce que nous voulons véritablement. Peut-être que dans cette situation, la meilleure limite est de sortir prendre un verre, puis rentrer.
Lakshmin mentionne que, surtout auprès des femmes, ce qui est le plus difficile n’est pas nécessairement de poser la limite, mais plutôt de vivre avec la culpabilité ressentie suite à cette pose. Par exemple, nous hésitons entre aller à un cours de yoga et étudier. Dans les deux cas, nous pourrions nous sentir coupable: de prioriser notre bien-être aux études, ou de prioriser les études à notre bien-être. C’est normal de ressentir de la culpabilité, mais il faut apprendre à la côtoyer, et surtout comprendre que cette émotion négative n’a pas d’utilité dans la situation.
Poser ses limites, ça peut être prendre un café seul.e les matins de fin de semaine, quitter la pièce quand un.e membre de la famille est trop intrusif.ve, mettre fin à une relation ou dire de manière assertive et empathique qu’on n’a plus d’énergie pour entendre notre ami.e parler de ses problèmes amoureux. Poser ses limites est un acte flexible qui englobe une multitude de situations, et nous devons démontrer de l’autocompassion pendant chaque étape de ce processus.
Texte révisé par Katrina Bélanger Cayouette
Références
Apprendre à imposer ses limites et à dire non. (s. d.). Clinique Go. https://cliniquego.com/apprendre-a-imposer-ses-limites/
Gupta, A. H. (2023, 15 mars). How to Escape ‘Faux Self-Care’. The New York Times. https://www.nytimes.com/2023/03/15/well/mind/self-care-womens-health.html
How to Set Healthy Boundaries in Relationships. (2022, 12 juillet). Cleveland Clinic. https://health.clevelandclinic.org/how-to-set-boundaries/
Mastermind76. (2016). [image en ligne de filet de volleyball]. Pixabay. https://pixabay.com/photos/volleyball-beach-beach-volleyball-1890209/
Parada, M. (2017, 14 août). 5 conseils pour établir de saines limites. Montreal Therapy. https://www.montrealtherapy.com/fr/5-conseils-pour-etablir-de-saines-limites/
Pattemore, C. (2021). 10 Ways to Build and Preserve Better Boundaries. Psych Central. https://psychcentral.com/lib/10-way-to-build-and-preserve-better-boundaries
Rose, H. (2019). 5 Steps to Better Emotional Boundaries. Psychology Today. https://www.psychologytoday.com/ca/blog/working-through-shame/201907/5-steps-better-emotional-boundaries