L’âgisme, selon la définition initiale de Butler en 1978 (Joubert, 2019), se définit comme étant une discrimination envers les seniors uniquement. La nouvelle définition de Boudjemandi et Gana de 2009 (Joubert, 2019) élimine la restriction à cette catégorie d’âge et fait ainsi référence à une discrimination uniquement basée sur l’âge, et inclurait dans sa définition autant les jeunes ou les adultes que les personnes âgées. N’importe qui peut être victime d’âgisme. Ici, il sera plutôt question du dernier groupe.
De nos jours, la vision actuelle du vieillissement semble être assez négative et de bien nombreux stéréotypes et préjugés prévalent sur l’image des aînés. D’ailleurs, le jeunisme, soit la volonté de rester jeune ou le « culte de la jeunesse », en est probablement pour beaucoup. En effet, il y a actuellement un engouement prononcé envers les produits de beauté antirides, le recours à la chirurgie et le Botox, des logiciels qui supposent ralentir le déclin cognitif, etc. Bref, tous ces produits participent à la mise en place de stéréotypes et de préjugés envers les personnes âgées, en laissant sous-entendre que vieillir est synonyme de défaut et d’affaiblissement.
En Europe, à l’heure actuelle, l’âge serait le facteur de discrimination le plus important, et ce, en étant encore plus considérable que le sexe, la religion, le handicap physique, l’orientation sexuelle, la maladie mentale et l’origine ethnique (Adam, Joubert et Missotten, 2013). Cette discrimination peut également prendre plusieurs formes et touche même à certains domaines professionnels.
Les personnes âgées se verraient notamment exclues des soins et des essais cliniques. Notamment, entre 1996 et 2002, les essais cliniques pour le cancer étaient composés à 68 % de personnes âgées de 30 à 64 ans, et de seulement 23,7 % de personnes âgées de 65 à 74 ans, alors que, selon une estimation, les taux de cancer devraient être composés d’environ 70 % de personnes âgées de 65 ans et plus en 2030 aux États-Unis. De plus, selon une étude réalisée par Madan et collaborateurs (2001), on a demandé à des étudiants en médecine à quel moment ils recommanderaient des procédures conservatrices à leurs patients (par exemple, une reconstruction mammaire après un cancer du sein). Ils ont ainsi rapporté que la proposition de reconstruction mammaire des futurs médecins serait faite dans 95 % des cas aux moins de 31 ans, mais uniquement 65 % aux plus de 59 ans.
De plus, ce niveau prononcé d’âgisme perçu par les patients âgés cancéreux aurait également une influence directe sur l’évolution de la santé de ceux-ci, et ce, en venant augmenter leur niveau de douleurs corporelles éprouvées, en plus d’avoir un impact négatif sur leur santé mentale (Adam, Joubert et Missotten, 2013).
Tout ceci vient bien évidemment influencer les personnes âgées. Consciemment ou pas, tous ces stéréotypes négatifs se reflètent dans nos attitudes et nos rapports avec les personnes âgées. « L’over-accomodation » se manifeste par « un excès de politesse, le fait de parler plus lentement et/ou plus fort, et d’utiliser des phrases plus simples lorsque nous sommes confrontés à une personne présentant tous les traits physiques d’une personne très âgée. » (Adam, Joubert et Missotten, 2013). Il est également important de mentionner que de telles attitudes sembleraient également s’exprimer dès un très jeune âge, soit dès l’âge de 2-3 ans.
Ainsi, la vision du vieillissement demeure actuellement encore plutôt terne. Selon une étude réalisée par Levy en 2009, tous ces stéréotypes négatifs peuvent s’internaliser et avoir des effets réellement néfastes pour la santé future. En effet, il semblerait qu’il y ait chez les personnes âgées ayant une vision négative initiale du vieillissement, une diminution de leur état de santé ou de leur comportement de prévention telle une bonne alimentation ou faire du sport, une augmentation de leurs taux de problèmes cardiovasculaires, en plus d’une diminution artificielle de leur espérance de vie d’environ 7,5 ans comparativement aux personnes ayant une vision positive ! Aussi, le déclin cognitif plus rapide est associé à cette perception négative.
De plus, en ce qui concerne la maladie de l’Alzheimer (MA), maladie « typique » de la vieillesse, une double stigmatisation aurait lieu : celle liée à l’âgisme, mais également celle liée à la maladie. De bien nombreux mythes et stéréotypes accompagnent la maladie, et ceux-ci seraient notamment liés au manque de connaissance par rapport à la pathologie ou au fonctionnement cognitif. En effet, une personne possédant la MA, ou toute autre forme de démence d’ailleurs, peut tout de même demeurer autonome à la suite du diagnostic et maintenir une bonne qualité de vie même à un stade avancé de la maladie. (Adam, Joubert et Missotten, 2013).
Somme toute, l’âgisme a de bien nombreux effets néfastes, autant sur la santé que sur les attitudes des personnes envers les personnes âgées. Selon l’Association québécoise de gérontologie (AQG), l’âgisme trouverait également ses racines dans l’angoisse de la mort, et serait ainsi un mécanisme de protection visant à créer un fossé social entre le « nous » et le « eux ». Une meilleure éducation des effets du vieillissement pourrait ainsi avoir un impact positif sur tous, puisque, malheureusement ou heureusement, nous allons tous, un jour, être vieux.
Révisé par Marie Tougne
Références
Adam, S., Joubert, S. & Missotten, P. (2013). L’âgisme et le jeunisme : conséquences trop méconnues par les cliniciens et chercheurs !. Revue de neuropsychologie, volume 5(1), 4-8. doi:10.3917/rne.051.0004.
AQG (s.d.). Description du projet. Repéré à http://www.aqg-quebec.org/grands-dossiers/agisme/la-campagne-de-sensibilisation/description-du-projet
Joubert, S. (2019). PSY2254 : notes du cours 2 [Présentation PowerPoint]. Repéré dans l’environnement StudiUM: https://studium.umontreal.ca/
Levy, B. (2009). Stereotype embodiment: A psychosocial approach to aging. Current directions in psychological science, 18(6), 332-336.
Madan, A. K., Cooper, L., Gratzer, A., & Beech, D. J. (2006). Ageism in breast cancer surgical options by medical students. Tennessee medicine: journal of the Tennessee Medical Association, 99(5), 37-8.
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