Je suis fatiguée.
Fatiguée de la haine.
Fatiguée de la violence.
Fatiguée des discriminations.
Fatiguée de vivre dans un monde où il faut constamment se battre pour avoir le droit d’exister.
Fatiguée de me lever tous les matins en sachant ce qui m’attend au travail, à l’école, dans la rue, sur les réseaux sociaux : une infinité de preuves que l’humanité ne s’est pas miraculeusement améliorée pendant la nuit.
Fatiguée de cette avalanche de haine permanente que j’ai sous les yeux et qui me révulse au point que j’en pleure, que j’en hurle, que j’en ai des nausées, peu importe que j’en sois victime ou témoin.
Fatiguée de devoir faire de tout, littéralement tout, un combat.
Fatiguée de voir ces articles aux titres répugnants et au contenu rarement plus glorieux, dissimulant la réalité des faits qu’ils décrivent, la cachant derrière un vocabulaire déformé et romantisé, enlevant toute culpabilité aux individus en tort, voire même plaçant la faute sur la ou les victimes (malheureusement bien souvent dans l’incapacité de dire quoi que ce soit sur le sujet depuis leur cercueil) et faisant passer violences, agressions, délits et crimes pour de simples faits divers, comme on résumerait un épisode haut en couleur de feuilleton télévisé.
Fatiguée de lire ces témoignages d’individus s’étant fait agresser dans un bus, dans une rue, dans une épicerie, dans une école, ou même chez eux, simplement parce qu’ils se tenaient la main, s’embrassaient, prenaient le métro, marchaient dans la rue, rentraient d’une soirée, ou de chez leurs parents, étaient en fauteuil roulant, respiraient, avaient les cheveux teints, la peau sombre ou les ongles peints… Tout simplement parce qu’ils ont osé être différents des normes sociales imposées par une élite masculine, cis, blanche, hétérosexuelle et sans handicap.
Fatiguée de constater que la liste des noms des victimes du racisme, du sexisme, de l’homophobie, de la transphobie, de la xénophobie, de la grossophobie et du capacitisme s’allonge toujours, inlassablement, rédigée avec des larmes et du sang.
Fatiguée de voir qu’ici, on ne peut pas être qui l’on est sans qu’en face, des gens qui ne nous connaissent même pas nous vouent une haine si forte qu’ils ont envie de nous tuer, juste parce qu’on existe.
Fatiguée du silence des gens, ce silence accompagné d’un regard baissé, d’une tête tournée, d’un changement de trottoir, d’un onglet fermé, d’un journal reposé, d’un soupir discret, ce silence qui me rend folle, folle de rage. Le silence de ces gens qui voient, qui entendent, qui savent et qui comprennent, mais qui ne font rien, qui ne disent rien, qui restent là dans le confort de leur vie, qui continuent de fonctionner tranquillement et en paix avec leur conscience en se disant qu’ils ne peuvent rien faire de toute façon, que ce n’est pas le plus gros problème du monde, voire pire, que ce n’est tout simplement pas leur problème. Alors que cela devrait justement être le problème de tout le monde, car le vrai problème n’est pas le groupe visé par la violence et les discriminations, mais la violence et les discriminations elles-mêmes.
Fatiguée de l’hypocrisie omniprésente autour de moi.
Fatiguée de la peur, aussi.
Fatiguée d’être en colère.
Fatiguée d’être triste.
Fatiguée qu’on ait beau se battre littéralement tous les jours de notre vie, qu’on ait beau donner tout ce qu’on a et faire de notre mieux, rien, absolument rien, ne semble changer.
Fatiguée d’être confrontée à cette dure réalité.
Fatiguée de l’impuissance que je ressens en permanence.
Je suis fatiguée.
Tellement fatiguée.
Révisé par Alexia Leblanc
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