Entretien avec un prêtre et une agente de pastorale : La sexualité chez le catholique – Par Alice Delisle

Les propos rapportés dans cet article ont été féminisés afin d’être plus inclusifs

Notre charmant Québec qui était alors modelé notamment par l’Église catholique a vécu un changement drastique lors de la Révolution tranquille en 1960. Bien des bouleversements sociaux ont chambardé la vie des Québécois.e.s : l’État s’échappe des mains de la religion pour devenir laïc, car beaucoup d’institutions traditionnellement administrées par les communautés religieuses sont passées sous le contrôle de l’État comme les écoles, les hôpitaux, les orphelinats, etc. La sexualité se sort des lourds tabous grâce à l’avènement de la pilule contraceptive qui fait virevolter les jupons, entre autres, hors du cadre du mariage. Une soixantaine d’années plus tard, coïter en dehors des promesses nuptiales n’est plus automatiquement associé à l’enfer. Cependant, l’Église catholique, encore présente, quoique mise de côté par une société qui se veut laïque, conserve un point de vue quant aux ébats sexuels du commun des mortel.le.s. Au moyen d’une entrevue, Greg Ciszek, vicaire à l’église de l’Assomption et Marie-Claude Bégin, agente de pastorale et coordonnatrice de catéchèse nous aident à éclaircir l’évolution de la pensée religieuse catholique par rapport à la sexualité depuis la Révolution tranquille.

Selon vous qu’est-ce que la sexualité ?

Greg : Pour cerner le concept de sexualité, on pourrait utiliser le mot « langage » afin de l’aborder comme moyen de communication entre êtres humains. C’est une façon de communiquer avec l’autre et, comme dans tout langage, je peux dire de bonnes choses et je peux dire aussi des choses mauvaises. Je peux manifester le bien et les bonnes intentions à l’intérieur de moi et je peux aussi manifester quelque chose de négatif, de mauvais. La sexualité, comme langage, est une façon d’exprimer ce qu’il y a à l’intérieur de soi à l’autre personne. L’être humain est un être sexuel et la sexualité parle dans tout notre être et à travers tout ce que l’on fait. Elle transparait aussi à travers les interactions humaines, comme par exemple, aider l’autre, être proche de l’autre, parler à l’autre… Elle s’exprime particulièrement dans l’acte sexuel dans lequel l’un.e dit à l’autre « je t’aime », mais peut aussi dire à l’autre « je t’utilise ».

Mary-Claude : À la base, pour le commun des mortel.le.s, la sexualité est une question de genre féminin et masculin, pour procréer, mais c’est aussi quelque chose de très spirituel. C’est une communion avec l’autre, c’est plus fort que l’acte physique de la relation sexuelle. C’est une relation intime dans le partage, l’amour et la spiritualité.

Selon la Bible, comment la sexualité devrait-elle être vécue ?

Greg : L’être avant l’agir c’est important. La question de l’être par rapport à l’agir, c’est se poser la question du « qu’est-ce que c’est ? » avant le « comment ça marche ? ». Lorsqu’on parle de l’être humain comme homme et femme, on parle aussi du fait que ces êtres humains masculins et féminins existent et sont créé.e.s à l’image de Dieu. Ce n’est pas juste l’être humain comme homme ou comme femme qui est à l’image de Dieu, mais c’est lorsqu’iels sont ensemble. Dans le langage de la sexualité, on parle de Dieu. En fait, Dieu aurait mis quelque chose dans ce langage pour que l’on puisse le décoder. Les êtres humains, hommes et femmes ensemble, parlent de Dieu et parlent à travers cette relation parce qu’iels sont fait.e.s à la ressemblance et à l’image de Dieu. L’union de l’homme et la femme nous invite à nous demander « Qui est Dieu ? ». Dieu est amour. Un couple qui s’aime fait l’amour. Lorsqu’on parle d’amour, on parle de relation : la personne qui aime, la personne qui est aimée puis le lien qui les unit. C’est en faisant l’amour que le couple peut aussi goûter à ce qu’est l’amour, donc à qui est Dieu. Un couple peut aussi ne pas y goûter. Quels sont les attributs de l’amour pour qu’il soit un amour authentique ? L’amour doit avoir l’aspect de pour toujours. Dieu est amour pour toute éternité. L’amour doit être libre aussi, donc deux individus ne peuvent pas se forcer à s’aimer. L’amour demande aussi le fait d’être complet.ète et plein.e. Finalement, l’amour demande de porter fruit, car s’il ne porte pas fruit, il devient renfermé sur lui-même. Porter fruit signifie dégager de la joie, de l’allégresse et donner la vie. Qui ne voudrait pas être aimé.e pour toujours, librement, complètement et fructifiant ?  

Que pensez-vous de la contraception ?

Greg : Lorsqu’une personne aime l’autre, c’est Dieu qui aime et est présent dans l’acte de l’amour. Lorsque l’épouse aime l’époux, et vice-versa, il y a quelque chose de Dieu dans cet amour. Ce couple renouvelle dans leur acte sexuel les promesses matrimoniales qu’iels ont faites à l’autel le jour de leur mariage. Ce jour-là, iels se sont promis un amour pour toujours, libre, complet et qui porte fruit. Le jour où dans l’acte sexuel il manque un ou plusieurs attributs de l’amour, le couple ne renouvelle plus à ce moment leurs promesses matrimoniales.  Au niveau de la contraception, il y a un mur qui est créé. L’idée est de ne pas avoir de mur, donc d’avoir un don total et libre. Au travers de la contraception, le langage de la sexualité dit « Oui je t’aime complètement, mais je n’aime pas tes ovaires aujourd’hui, aujourd’hui je n’aime pas ta fécondité, donc je veux y mettre un mur. », « La beauté de ton cycle, ce qui fait que tu puisses donner la vie, je la considère plutôt comme un mal de tête, pour lequel tu prends une pilule. » La contraception mène tranquillement à exprimer plutôt son besoin physiologique de plaisir au détriment des quatre aspects de l’amour authentique. Le danger est qu’on en vienne à voir la sexualité uniquement pour le fun et à perdre la capacité de ce langage de communion, parce qu’on se concentre sur le plaisir que ça donne en oubliant les autres aspects. La personne n’est alors plus capable de communiquer l’amour et de communier à l’autre et ne peut plus faire l’amour, car l’amour est communion.

Est-ce que la vision sur la sexualité de l’Église catholique a changé depuis l’arrivée de la contraception et la montée de l’amour libre en 1960?

Greg : Il y a eu un changement pour bonifier et approfondir l’enseignement de l’Église. Au lieu de répéter l’enseignement dogmatique « fait ci, ne fait pas ça », on se penche davantage sur le mystère et la beauté de la sexualité avec la théologie du corps, sans pour autant mettre de côté l’enseignement moral traditionnel. Le corps humain devient un discours sur Dieu. La sexualité devient une porte d’entrée pour comprendre qui est Dieu et comment Dieu nous aime. Il y a donc eu un changement dans la présentation et l’approche plutôt qu’un changement dans l’enseignement de ce qui est bon ou mauvais moralement. Je trouve l’approche beaucoup plus intérieure.

Comment le concept de l’homosexualité est-il perçu par l’Église catholique ?

Greg : Chaque être humain est aimé par Dieu, ce qui ne change pas qu’un acte puisse être bon moralement ou mauvais moralement. Lorsqu’on arrive à la question de la sexualité, il est important de voir comment l’être humain était planifié dans la création. Quel est le plan originel sur la création, sur la sexualité ? Le plan originel c’est l’homme et la femme qui sont en communion ensemble, iels font l’amour ensemble, iels sont en communion avec Dieu. Le péché originel est un moment où l’humain.e se sépare de Dieu et du plan originel. Il y a des conséquences qui en découlent, l’être humain, homme et femme, en est touché.e et blessé.e. Leur capacité à exprimer l’amour en est touchée et affaiblie, parfois le langage du corps en vient à ne plus être capable à exprimer l’amour.  Il y a dans l’être humain plusieurs aspects qui sont à travailler pour arriver à vivre selon le plan originel, ça peut prendre beaucoup de temps et il est possible aussi de ne pas y arriver. Toutefois, lorsqu’on regarde à l’intérieur de nous-mêmes on peut voir si on est heureux.se dans notre vie. Quelqu’un qui est malheureux.se pourrait être en séparation avec le plan originel, donc iel serait appelé.e à travailler là-dessus. L’individu fait de son mieux. Le salut et la foi donné.e.s par Jésus peuvent changer nos vies et nous transforment tranquillement.

Mary-Claude : Ayant des ami.e.s homosexuel.le.s, j’en connais parmi elleux qui continuent d’avoir la foi en Dieu et même pour certain.e.s d’aller à l’église. L’homosexualité a beaucoup été stigmatisée et mise de côté par la société dans le passé, mais les homosexuel.le.s croyant.e.s pratiquant.e.s se sentent bien dans leur foi, car de toute façon, aucun humain n’est parfait. Dieu aime tout le monde égal et sera toujours là pour épauler les gens, peu importe leurs actes.

Qu’est-ce que la virginité ?

Greg : Un couple qui se marie, dans lequel les individus sont vierges, signifie que ces individus ont attendu l’un pour l’autre, même sans se connaître. Iels ont gardé ce cadeau uniquement pour l’autre. C’est un puissant symbole d’amour, un don de soi où les quatre attributs de l’amour peuvent être profondément vécus.

Comment percevez-vous la sexualité hors mariage ?

Greg : La sexualité hors mariage tend à mettre de côté les quatre aspects de l’amour authentique (libre, pour toujours, complet et porte-fruit). Ce que les marié.e.s se disent à l’autel, iels le disent devant Dieu, et le sexe permet de reproduire les quatre promesses au travers du langage du corps. Si l’acte sexuel ne signifie plus le lien entre les époux.ses et le renouvellement des promesses du mariage il y a danger que ça devienne un acte hédoniste, et non dans le but de bâtir une relation. Aucune promesse n’est faite. Lorsque les quatre éléments de l’amour authentique sont là, c’est complet et le plaisir n’est pas à condamner. Le plaisir surgit aussi du fait que la personne se sent complètement aimée pour toujours. Il prend là un aspect de joie. L’érotisme est important dans l’acte sexuel, mais quand il existe seulement pour soi, il va renfermer la personne égocentrique sur elle-même.

Selon le psychanalyste Freud, l’humain est un système d’énergie régi notamment par des pulsions sexuelles inconscientes. Selon vous que devrions-nous faire de l’énergie sexuelle de notre corps ? Y a-t-il un moyen de contrôler nos pulsions ?

Greg : La réponse se trouverait dans les canalisations. Quand il y a une trop haute dose d’énergie sexuelle ou de libido non canalisée, ça peut détruire les relations, les vies et la personne elle-même. On va plutôt canaliser l’énergie et ces canaux créés vont canaliser le surplus d’énergie et vont permettre de rééquilibrer l’énergie. Il faut suivre un régime de vie saine, comme manger bien, faire de l’exercice physique, écouter son corps et ses émotions, prendre soin de soi-même, suivre des cours de méditation, avoir des passe-temps, faire des choses qu’on aime comme la peinture par exemple… La sexualité s’exprime dans tous les domaines de notre vie comme dit précédemment.

Réflexions post-entrevue

L’Église catholique a évolué depuis 1960 par rapport à son approche à la sexualité en se centrant davantage sur l’intégration à la vie psychique de l’individu que sur le dogme. Cette vision plutôt optimiste et un peu plus tolérante de la sexualité des individus permet de remettre en perspective nos propres choix quant à notre sexualité. Il est important de garder un point de vue critique sur certains aspects abordés par la religion et se rappeler que la liberté, le consentement éclairé et l’ouverture d’esprit envers les personnes et dans les situations qui nous ne sont pas familières restent des valeurs à privilégier pour vivre une sexualité saine et pour encourager l’épanouissement d’autrui.  D’ailleurs, sans nécessairement absorber aveuglément tous les aspects de la religion catholique, il est possible d’assimiler à nos pratiques les valeurs qui nous touchent le plus, car d’abord et avant tout, il faut se rappeler que « Dieu est amour » comme l’a mentionné l’honnête vicaire Greg Ciszek.

Je tiens finalement à remercier le prêtre Greg Ciszek et l’agente de pastorale Mary-Claude Bégin pour leur grande ouverture et pour la précision de leurs informations qui m’ont permis de voir la sexualité sous une autre perspective intéressante.

Révisé par Amélie Gilker


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