Ces derniers temps, surtout à la suite des examens intra, j’ai commencé à réaliser quelque chose qui ne m’était pas venu à l’esprit depuis le début de mon parcours académique. Alors que je regardais les copies de mes différents examens, je me suis mis à réfléchir à tous ceux qui les ont précédés et ceux à venir. Un jour, je terminerai le dernier examen de mon parcours universitaire. Et après? Lorsque je n’aurai plus à apprendre pour performer lors de ces évaluations, qu’est-ce qui m’attendra de l’autre bord? C’est alors qu’une réalisation me heurta de plein fouet. Toutes ces nuits de révision n’avaient aucunement eu comme but de me faire croître ou de me faire évoluer afin de devenir une meilleure personne que celle que j’étais avant l’acquisition de ces connaissances. Je gavais des centaines d’acétates en évitant de penser à la nausée montante et en me disant que, très bientôt, je pourrais régurgiter le tout. Bientôt, le mal-être disparaîtra. J’ai alors compris que cette course de l’évaluation actuelle à la prochaine finira par toucher à sa fin. Qu’est-ce qui perdurera après ces milliers d’heures d’étude? Une collègue ayant fini son baccalauréat l’année dernière avait dit quelque chose de profondément troublant qui, à ce jour, me fait froid dans le dos: « Je sors du bac, de trois ans de ma vie, et j’ai l’impression d’avoir rien retenu. Que ça a été pour rien. » Trois ans de nos vies. Une grotte remplie de montagnes d’or. Le tout au bout des doigts. Qu’y a-t-il de plus triste que de demeurer dans celle-ci trois ans en pouvant ramasser tout ce que l’on peut, seulement pour finir par n’en sortir avec rien d’autre que quelques miettes dans les poches ? Malheureusement, beaucoup d’entre nous ont vécu cette expérience de la grotte pour bien plus que trois ans. Il est facile de se désoler en réfléchissant à tout cela, tout en se demandant comment la curiosité intellectuelle, l’un des éléments les plus naturels chez l’enfant, a été bridée et réprimée par notre système d’éducation jusqu’à ce que pour plusieurs, à l’âge adulte, il n’en reste que des vestiges abandonnés. Comme le disait si bien Montaigne : « L’élève n’est pas un vase qu’on emplit, mais un feu qu’on allume » (Circonscription Anse, 2016, paragr. 1). Nous gardons espoir que ce système changera. Toutefois, entretemps, ce genre de rumination n’amène rien de bon et nous sommes ici à la recherche de solutions pour que, dorénavant, notre quête de savoir soit propulsée par une cause plus durable, palpable et réelle que celle de finir avec une certaine valeur numérique dans notre relevé de notes.
Pour moi, la démarche à suivre a été de prendre un temps de pause et de me questionner sur les raisons pour lesquelles je suis dans ce programme. Est-ce pour finir avec un beau bout de papier signé par le.a doyen.ne? Pas vraiment. Lorsque j’ai pris le temps d’y penser et d’être honnête avec moi-même, il y avait une partie de moi qui cherchait à obtenir un certain statut socio-économique à travers mes études. C’est assez superficiel, je vous l’accorde, mais le cœur de l’exercice était d’être sincère avec moi-même. En continuant à plonger plus profondément au cœur des abysses de mon être, j’ai aussi trouvé ce que je savais depuis toujours : je veux que mon existence puisse inspirer et bénéficier le plus de vies possibles. Lorsque j’ai commencé à mettre au centre de ma mentalité d’étudiant cette intention d’améliorer ma qualité de vie et celle d’autrui, une certaine pleine conscience a graduellement commencé à apparaître lors de mes séances d’étude. Celle-ci me donnait ce sentiment d’être en train de faire une tâche de la plus grande importance et me permettait d’assimiler de la matière plus rapidement et aisément. En effet, sachant que je considérais maintenant que ces connaissances me seraient utiles dans l’accomplissement de ma Légende personnelle (en référence à L’Alchimiste (Coelho, 2013)), apprendre m’apportait un nouveau sentiment d’accomplissement exaltant. Je me sentais progresser vers ma raison d’être et les heures défilaient à toute allure. Cela amena une vision grande échelle à ma vie, une nouvelle lueur à mon quotidien et cela me permit de commencer le long et ardu processus de dissocier mon estime de soi de ma performance académique. Apprendre est une activité noble qui devrait avant tout être destinée à étendre notre soi, à développer une meilleure connaissance de celui-ci et à accomplir des objectifs que l’on choisit pour soi-même. Chacun.e d’entre nous devrait vouloir exceller dans ses cours et maîtriser toute l’information présentée dans le but de devenir le ou la meilleur.e psychologue, chercheur.se, professeur.e (ou toute autre profession) qui soit; pour ensuite pouvoir utiliser tout ce savoir accumulé dans le but d’aider l’humanité à plus facilement faire face aux aléas de la vie. Comme le disait l’écrivain Grant Allen : « Je n’ai jamais laissé l’école interférer avec mon éducation » [traduction libre] (quoteresearch, 2010, paragr. 4). Ne perdons pas de vue notre pourquoi et ne laissons pas l’étau de nos programmes nous drainer de notre curiosité intellectuelle. Cette incessante nage à contre-courant à laquelle nous sommes forcé.e.s à participer nous laisse sans haleine et ne nous permet pas d’observer le paysage au cours de notre quête. Ce climat malsain et hostile nous dresse les un.e.s contre les autres au lieu de créer l’environnement propice pour que l’on puisse se propulser mutuellement vers de nouveaux sommets de savoir, d’épanouissement et de connaissance de soi. J’espère que chacun.e d’entre nous pourra trouver sa raison d’être et se libérer des chaînes du conformisme. En effet, nous avons besoin de créativité pour délaisser le système actuel de chaîne d’assemblage et pour trouver un nouveau système dont la mission principale sera de préserver et de nourrir la curiosité intellectuelle innée au sein de chaque personne. Je garde espoir qu’avant de mourir, je verrai le jour où l’on étudiera comment notre système d’éducation « moderne » amalgamait valeur de soi et performance académique avec dégoût et répulsion. Pour conclure, je vous laisse sur ces paroles à méditer de l’explorateur anglais Richard Francis Burton.
Fais ce que ton humanité t’ordonne, n’attend d’applaudissement de personne d’autre que toi-même. Il vit le plus noble et meurt le plus noble, celui qui suit les règles qu’il a créées lui-même. Toute autre Vie n’est qu’une Mort-Vivante, un monde peuplé de fantômes. (sethmessenger.fr, s. d., paragr. 1)
Révisé par Marie Tougne
Références
Circonscription Anse. (2016, 10 décembre). L’élève n’est pas un vase que l’on remplit, mais un feu qu’on allume. https://anse.circo.ac-lyon.fr/spip/spip.php?article76#:~:text=Accueil- ,L’%C3%A9l%C3%A8ve%20n’est%20pas%20un%20vase%20que%20l’,un%20feu%20qu’on%20all ume.&text=%22Car%20l’esprit%20n’,en%20direction%20de%20la%20v%C3%A9rit%C3%A9.%22
Coelho, P. (2013). L’Alchimiste. Éditions J’ai lu.
Hodge, K. M. (2019, 20 novembre). Loss – a sculpture by Jane Mortimer [image en ligne]. Unsplash. https://unsplash.com/photos/IqSaG9zv2e0
quoteresearch. (2010, 25 septembre). Never let schooling interfere with your education. Quote Investigator. https://quoteinvestigator.com/2010/09/25/schooling-vs-education/ sethmessenger.fr. (s. d.). Citations de Richard Francis Burton. http://www.sethmessenger.fr/citations/richard-francis-burton/
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