Petite, j’aurais aimé être blanche – Par Rhita Hamdi.

Au Maroc, à mon école primaire, la fille considérée comme la plus belle était celle qui avait de longs cheveux blonds, des yeux verts et les traits eurocentrés.

Je n’aimais pas la personnalité du garçon dont j’étais amoureuse, mais il avait les cheveux châtains et les yeux verts, alors c’était suffisant pour moi. Il ressemblait aux acteurs que je voyais et que j’idéalisais à la télévision.

Parfois, quand j’étais seule, je me mettais devant le miroir et je rentrais mes lèvres dans ma bouche afin qu’elles paraissent plus fines, pour ressembler un peu plus aux personnages que je voyais dans mes séries préférées. 

Ma mère m’obligeait à mettre en tout temps une casquette et me disait de toujours me mettre à l’ombre. À la plage, elle me tartinait avec une quantité scandaleuse de crème solaire. Elle tenait à tout prix à ce que ma peau reste la plus blanche possible. Aujourd’hui encore, ma mère roule des yeux et me lance quelques remarques désapprobatrices, mais surtout inquiètes, lorsque je reviens après une séance de bronzage. C’est ce qu’on lui a appris : les peaux les plus claires étaient les plus belles, et elle voulait que sa fille soit belle. Quand je visitais ma grand-mère, je me souviens qu’elle me complimentait souvent sur le fait que ma peau était très blanche. Ma mère était très fière. Dans un sens, j’imagine que cela nous rapprochait un peu plus des Européen.ne.s, des Français.es. Implicitement, on avait assimilé qu’iels étaient supérieur.e.s à nous, les Arabes. Cela se traduisait même dans nos comportements : lorsque nous étions en présence de personnes blanches, nous faisions tout pour les impressionner, pour essayer de se mettre à leur niveau. Comme si nous voulions leur prouver que nous étions bien civilisé.e.s et cultivé.e.s, comme eux et elles.

Ah, tout ce que j’ai entendu ! Toutes ces phrases dénigrantes et pourtant courantes. Comparer les cheveux bouclés ou frisés à un balai, par exemple. Et même lorsqu’il y a une bonne volonté derrière, quand cela part d’un compliment, cela reste maladroit. Par exemple, dire « elle est jolie pour une noire, ou pour une métisse ». Comme si être foncé.e de peau et beau ou belle étaient des termes qui s’excluaient mutuellement. 

Aujourd’hui, la plupart de mes amies arabes se lissent les cheveux et n’acceptent pas de les montrer dans leur état capillaire naturel. Cela est normal, quand durant toute leur vie, on leur a inculqué que leurs cheveux naturels n’étaient pas désirables. Sans compter que l’on ne nous a jamais réellement appris à nous occuper de nos cheveux. Par exemple, jusqu’à récemment, je ne savais tout bêtement pas que j’avais des cheveux bouclés, aussi bizarre que cela puisse paraître. J’étais dans une sorte de déni. Je les brossais souvent, ce qui gonflait ma chevelure et donc détruisait mes boucles. 

Je demande conseil à ma mère, qui a le même type de cheveux que moi. Elle me répond qu’elle ne sait pas non plus : elle aussi les brosse, ils gonflent, et puis voilà tout.

Mais, depuis combien de générations nous sommes nous détourné.e.s de ce que nous sommes ? Combien de décennies cela fait-il que nous cherchons à atteindre un idéal inaccessible ? Qui nous a implanté ces idées dévalorisantes sur ce qui nous compose ? Qui a mis le type caucasien comme standard de beauté ? Qui nous a fait, nous -personnes de couleur – nous détester ?

Je réfléchis beaucoup là-dessus et j’essaie de m’informer. Les causes du rejet de nos caractéristiques est un autre vaste sujet que je n’aborderais pas dans cet article. L’article de Saïd Kabli (2021), Identités coloniales, fournit néanmoins une piste très pertinente. Mais en attendant, comment pouvons-nous agir ? Que faire, concrètement, pour mieux nous accepter ?

Premièrement, il va de soi qu’une représentation plus diversifiée et inclusive dans les médias est nécessaire. En effet, je pense qu’une grande part d’insécurité chez les personnes de couleur vient du fait que l’on ne voit pas, ou encore trop peu, de personnes qui nous ressemblent à la télévision, dans les magazines, etc., alors que nous savons bien qu’au cours du développement, il est important d’avoir des modèles auxquel.le.s nous pouvons nous identifier.

À notre échelle, je trouve qu’il est important de s’informer sur son histoire. L’histoire de son pays, sa culture, ses coutumes, etc., pour s’imprégner de sa beauté. Car nous n’apprenons pas forcément cela à l’école. Surtout si nous sommes issu.e.s de l’immigration, nous avons tendance à en être coupé.e.s. Il faut donc que la démarche vienne de nous.

Utiliser les réseaux sociaux à bon escient est également une piste pertinente et accessible. Suivre des comptes Instagram qui parlent de ces problématiques m’a beaucoup éclairé sur le sujet et m’a aidé à mieux m’accepter. Des exemples de comptes sur Instagram sont @bentdarhoum, @pas.tabeurette et @hrachisbeautiful (qui prône la revalorisation des cheveux crépus).

Il est important de rester positif.ve et de voir que beaucoup d’initiatives sont mises en place. Il est évident que les choses changent petit à petit, mais il faut garder en tête que ce n’est que le début, il ne faut pas relâcher nos efforts. Il est nécessaire d’en parler autour de nous, de briser les tabous et de déconstruire certaines de nos croyances. 

Révisé Indira Louis-Sidney 


Références

2704056. (2016, 4 novembre). [Jeune fille aux cheveux bouclés] [image en ligne]. Pixabay. https://pixabay.com/fr/photos/jeune-fille-cheveux-boucl%C3%A9s-femme-1787357/

Kabli, S. (2021, 27 janvier). Identités coloniales. L’Amnésiquehttps://amnesique.com/2021/01/27/identites-coloniales-par-said-kabli/


Identités coloniales – Par Saïd Kabli

La discrimination au quotidien – Par Mégane Therrien

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