Naviguer la vie à toute vitesse, sur la mer imprévisible qu’est le quotidien. Alors que toustes sont vêtu.e.s d’une veste de sauvetage, sur une embarcation impénétrable, je titube sur mon frêle radeau. À découvert, je hume l’air salin de l’océan et m’émerveille devant ces milles ondulations miroitantes. Mes voisin.e.s, protégé.e.s, ne distinguent qu’une version tamisée de mon allégresse. Sous la clémence du ciel, j’occupe un siège privilégié pour jouir de ses rayons. Mais lorsque le ciel se met à rugir et que la tempête me happe, je suis seule à chavirer.
Les vagues, auparavant éblouissantes, déferlent sur moi de leur noirceur menaçante. Les autres me narguent du haut de leur paquebot, à l’abri dans leur carapace. Je me débats, résiste, tente de m’adapter. Mon radeau se raffermit. J’y construis des murs, érigeant mon abri improvisé. Je me fonds dans la masse, imposteur fragile dans cette foule de stabilité.
Camouflée dans une marée d’acier, je ballotte tranquillement à travers la vie. Lorsque les pluies dévergondent, et que je suis submergée de la tête aux pieds, les autres me scrutent de leur proue, bien au sec. Je me console en fixant les braises du soleil alors qu’il pointe son nez hors des cumulus. Mon enchantement sur les eaux tranquilles n’a d’égal que ma détresse lorsqu’elles s’agitent.
Je paie le prix de mes bonheurs survoltés par la profondeur des flots dans lesquels je sombre. Ma perméabilité est une faiblesse aux yeux des impénétrables. Je continue de ramer, fière de mes origines que les autres ont sans doute oubliées. Dans les intempéries, nos tolérances diffèrent. Certain.e.s bravent l’ouragan sans s’y noyer, et d’autres sont bousculés par de simples courants. Je suis faite de brindilles, et eux de fer. Pourtant, je ne crains pas la mer; je l’accueille à bras ouverts.
Je suis une hyperbole
Figure de la démesure
J’incarne cet impossible
De mes maux exubérants.
La marée déverse son sel sur mes éraflures
Mes pleurs se déversent en océans
Tous confondent mes torrents pour un étang
Et me présument caricature.
Mes joies telle une funambule chancelante
Elle chute dans un mutisme assourdissant
De cette euphorie funeste
Le fil de ma vie oscille en oxymores.
Le temps est une huile dont je suis le combustible
En efforçant d’éteindre mon brasier
Ne connaissant pas l’équilibre
Je m’asphyxie jusqu’à l’euphémisme.
Mes épines ne sont que des pétales
À ceux qui savent les discerner
Ma sensibilité est un bouquet de roses
Qui bourgeonne et devient métaphore.
Révisé par Hamza Zarglayoun
Référence
agsandrew. (2014, 3 novembre). Advance of inner paint [image en ligne]. iStock. https://www.istockphoto.com/photo/advance-of-inner-paint-gm521577939-5085331
Et toi, tu viens d’où ? – Par Abigaelle Lavoie