On entend souvent dire que nos années à l’université seront les meilleures de notre vie. En effet, il y a dans l’inconscient collectif cette idée qui présente l’étudiant.e comme quelqu’un de nonchalant, qui fait surtout la fête et qui va occasionnellement en cours. L’étudiant.e n’a pas de grandes responsabilités et son activité principale est de profiter de la vie. Gare à celle ou celui qui ose se plaindre, ou dire qu’elle ou il se sent surmené.e. Après tout, que connaît-il.elle des problèmes de la vraie vie ?
Qu’en est-il de cette idée que la plupart se font de l’étudiant.e type, lorsque l’on voit de plus en plus d’étudiant.e.s présentant des signes de stress et d’anxiété inquiétants? Ces signes peuvent être physiques, tels que de la fatigue ou de l’insomnie. Ils peuvent également être cognitifs, comme des difficultés d’attention, de concentration, ou encore émotifs, comme des accès de colère, de tristesse. Enfin, ils peuvent être comportementaux, tels que l’isolement social ou la consommation excessive d’alcool ou de café (Pillou, 2014). En effet, ces signes sont les symptômes de ce que l’on nomme détresse psychologique, et en opposition à l’idée que l’on se fait de la vie que mènent les étudiant.e.s universitaires, une étude montre que près de 60% d’entre eux.elles au Québec présenteraient un niveau élevé de détresse psychologique (Dion-Viens, 2019).
Cela m’a fait réfléchir et je me suis dit « Quoi de mieux que d’en parler avec les principaux.ales concerné.e.s? » J’ai donc décidé de poser des questions à trois de mes amies, toutes étudiantes, mais avec des situations différentes, afin de connaître leur opinion sur le sujet. La première s’appelle A, elle étudie en droit et vit chez ses parents. La deuxième s’appelle T, elle étudie en études internationales, elle travaille en temps partiel à la banque et vit chez sa mère. La dernière s’appelle Inès, elle étudie en comptabilité, elle travaille en tant que surveillante à temps partiel et vit seule.
♦
Je leur ai posé quatre questions, et voici leurs réponses :
– Ressentez-vous du stress, voire de la détresse psychologique dans votre vie quotidienne?
A : Oui, je ressens en général une forte pression psychologique dans ma vie quotidienne, qui se manifeste par de l’anxiété et du stress. Ça m’affecte aussi physiquement, dans le sens où je dors moins de cinq heures par nuit, ce qui fait que je suis constamment fatiguée, facilement irritée, etc.
T : Je dirais qu’en général j’en ressens énormément, surtout lorsque l’école reprend. Puis je travaille à temps partiel dans un endroit qui demande beaucoup d’énergie et je suis cinq cours toutes les sessions, la gestion du temps est quelque chose que je dois maintenir pour y arriver.
Je suis aussi une personne qui se met de la pression pour réussir tout ce qu’elle entreprend. Donc quand, par exemple, j’ai trois examens en l’espace de deux jours et que je travaille en plus, pour moi, c’est impossible de ne pas arriver à faire les deux : c’est-à-dire avoir des bonnes notes et aussi me présenter au travail. Je suis prête à mettre ma santé mentale de côté pendant la semaine des intras ou des finaux pour tout réussir, et ensuite, je me repose.
Inès: Oui, on peut dire que je ressens un stress quotidien. Étant étudiante complètement indépendante, concilier études et emplois étudiants n’a pas toujours été de tout repos.
– Quels sont les facteurs auxquels vous attribuez cette détresse?
A : J’attribuerai surtout cette détresse au fait que je suis dans un programme extrêmement compétitif, qui n’encourage pas nécessairement à l’entraide entre les collègues de classe. Il y a aussi une part de cette détresse qui provient de ma famille, qui met énormément de pression sur une bonne performance académique.
T : Pour moi, les deux facteurs les plus importants sont mes études et ma vie personnelle. Souvent ce ne sont pas seulement mes études qui me mettent de la pression, mais plutôt les événements de la vie (problèmes familiaux, stress financier, crise existentielle, se remettre en question, etc.) auxquels on rajoute des examens à gauche et à droite.
Inès : Cette détresse vient du fait que la qualité de vie des étudiant.e.s indépendant.e.s est rarement élevée, c’est à dire que l’on doit souvent courir de gauche à droite, finir nos travaux, étudier, mais aussi faire assez d’heures de travail pour réussir à payer toutes nos factures. Cette situation de précarité étudiante à laquelle nous faisons face provoque un état de stress permanent qui affecte notre santé mentale.
–Que faites-vous pour gérer cette détresse?
A : Pour gérer cette pression durant les semestres, j’essaie de me réserver à au moins un seul jour pendant la semaine, durant lequel je passe du temps avec des ami.e.s ou bien je me détends chez moi sans étudier.
T : Je pleure un bon coup à la BLSH (Bibliothèque des lettres et sciences humaines), j’essuie mes larmes, je m’achète un café et un biscuit et je me remets au travail.
Inès : J’ai eu de la chance ces quatre derniers mois, pendant le confinement, de faire une introspection afin de me rendre compte que j’étais tombée dans une routine trop intense. Le confinement m’a permis de me recentrer sur moi-même et de me réapprivoiser. Avec l’aide d’une psychologue, j’ai réussi à prendre du temps pour moi et réaliser que je ne suis pas une machine à performer. Le fait de faire des balades seule dans la nature, de voir des ami.e.s ou d’avoir du plaisir en sortant de chez moi m’a permis de rééquilibrer ma vie. Je pense qu’il est primordial pour les étudiant.e.s de réaliser que le statut d’étudiant.e ne définit pas leur vie mais seulement une partie de qui elles.ils sont.
–Qu’est-ce qui, selon vous, pourrait réduire cette détresse?
A : Selon moi, il faudrait que nos professeur.e.s essaient de diminuer l’impression de cette constante compétition en favorisant l’entraide entre leurs étudiant.e.s. Mais un autre moyen qui aiderait énormément les étudiant.e.s à l’UdeM, peu importe leur programme, serait de rendre l’accès aux consultations psychologiques plus facile, notamment en diminuant le délai d’attente.
T : Parler à des gens qui m’écoutent. Parfois quand je suis en pleine période d’anxiété, j’ai l’impression que je suis la seule qui vit ce que je vis, mais quand j’en parle avec des ami.e.s plus tard, je réalise que pour tou.te.s les étudiant.e.s, c’est également ce qu’ils.elles ressentent.
Ensuite, ne pas être gêné.e de demander des journées de congé au travail quand on sent que ça ne va pas être possible avec notre charge de travail. J’aimerais bien dire de diminuer la charge de travail, simplement, mais malheureusement je n’ai pas le pouvoir de changer notre système éducatif, donc on va en rester là.
Inès : Quoique l’aide financière au Québec soit généreuse, je trouve qu’une manière d’encourager les étudiant.e.s indépendant.e.s serait de complètement les prendre en charge tout au long de leurs études de premier cycle. Sur le plan psychologique, je trouve qu’il y a une pression sociale énorme qui met les études au centre de notre vie. Afin d’y remédier, je trouve qu’il faudrait mettre en avant l’option de faire son bac à temps partiel, sans que cela soit mal perçu. Je trouve que certaines universités ou programmes ne sont pas du tout adaptés aux étudiant.e.s qui travaillent de manière à assumer les coûts de vivre seul.e. Pour ma part, j’ai dû abandonner mes études à HEC Montréal pour continuer à l’ESG (École des sciences de la gestion) car le B.A.A n’était aucunement compatible avec ma situation; je trouve cela alarmant.
♦
Ces témoignages nous montrent la réalité des universitaires : entre pressions familiales, académiques, ou encore financières, nous sommes loin du cliché de l’étudiant.e qui a la vie facile. Il est nécessaire de penser à des initiatives pour améliorer leur quotidien. Notons que certains services sont mis à disposition et que certaines campagnes sont faites (par exemple la campagne « Ça va aller »). Toutefois, les statistiques et les témoignages montrent bien que les efforts sont à persévérer. J’espère que cet article aura au moins pour effet de libérer un peu plus la parole chez les étudiant.e.s, et qu’ils.elles se sentent moins seul.e.s.
Révisé par Catherine Côté
Références
Dion-Viens, D. (2019, 19 novembre). 58 % des universitaires souffrent de détresse psychologique. Le journal de Québec. https://www.journaldequebec.com/2019/11/19/58-des-universitaires-souffrent-de-detresse
Pillou, J. F. (2014, 13 février). Détresse psychologique – Définition. Le journal des femmes. https://sante-medecine.journaldesfemmes.fr/faq/35647-detresse-psychologique-definition
À lire
Quid de l’insomnie en psychologie de la santé ? – Par Anouk Tomas